Dix ans de circuits courts et encore des envies
Le Conseil départemental de la Somme et la Chambre départementale d’agriculture ont célébré le mercredi 3 mai les dix ans de la démarche «Somme-produits locaux» qui promeut le développement d’une alimentation de proximité, via les circuits courts.
Le Conseil départemental de la Somme et la Chambre départementale d’agriculture ont célébré le mercredi 3 mai les dix ans de la démarche «Somme-produits locaux» qui promeut le développement d’une alimentation de proximité, via les circuits courts.
Pari relevé, et pourtant, à en croire les organisateurs de la rencontre, ce n’était pas gagné. En effet, qui aurait pu croire que la Somme allait réussir à faire cohabiter des exploitations résolument orientées vers les grandes cultures et les marchés de masse, avec des exploitations plus modestes tournées vers la production locale ? «On est parti de très loin», a résumé Daniel Roguet qui fut président de la Chambre d’agriculture de la Somme de 2001 à 2019 pour qualifier le parcours et le succès que l’on a célébré pour Somme-produits locaux le 3 mai. Parmi la centaine de participants, environ un quart d’entre eux étaient des producteurs. Un autre quart également était des acheteurs de produits alimentaires. Quant aux autres participants, ils ont été considérés comme des accompagnateurs de la démarche, voire des ambassadeurs. Tout au long de la matinée, tables rondes et présentations dynamiques ont abordé la manière de développer les circuits courts, les réussites et… l’avenir.
Dialogue et organisation
Maraîchère à Cappy, Mathilde Degrendel a ainsi partagé son expérience : «Il faut se réinventer en permanence», a-t-elle insisté. Éleveur à la Ferme du Val de Poix, Olivier Desmarest a expliqué en quoi vendre de la viande auprès d’acheteurs publics dans la Somme n’était pas une évidence quelques années en arrière : «Quand on veut vendre une bête, il faut un débouché pour l’intégralité de la carcasse. Autrement, que fait-on ?» Puis, l’agriculteur revient sur l’organisation que suppose de s’investir dans un circuit de vente directe : gestion de la chaîne du froid, logistique… Livrant aujourd’hui une quinzaine de collèges dans le département, il estime son organisation «bien rodée», et apprécie les échanges avec les autres agriculteurs engagés comme lui. Pour Anne Prévost-Ibo, responsable «circuits courts» à la Chambre d’agriculture, «il faut être positif et dialoguer entre acteurs.» Du côté du directeur du magasin Intermarché d’Abbeville, Jérémie Crochet, le sentiment est partagé : «Pour bien se comprendre et bien répondre aux attentes des clients, il faut se parler.»
Des outils adéquats
Gestionnaire du collège de Roye, Linda Trouillet a, quant à elle, partagé son expérience basée sur l’échange avec le chef du restaurant scolaire, ses équipes, les fournisseurs… Et de l’assurer : «Travailler en circuit court demande de l’adaptation, mais c’est un beau challenge». À la clé, pour les producteurs, une reconnaissance du travail et une rémunération plus juste. Pour la commande publique, une réponse aux objectifs fixés par la loi Egalim. Pour les chefs de cuisine, un plaisir retrouvé et partagé à valoriser des produits frais, et locaux. Pour les élèves qui mangent leurs repas, moins de gaspillage et une sensibilisation au local et à la saisonnalité. Avec son Plan alimentaire territorial (PAT) qui mise sur les circuits alimentaires de proximité, la Communauté de communes Somme Sud-Ouest et son président Alain Desfosses veulent «emmener les enfants dans des fermes pour voir comment l’alimentation est faite». Un projet de légumerie sur le territoire de la CC2SO pourrait également voir le jour, et profiter aux agriculteurs du territoire.
Grand témoin de la journée, directrice de recherche à l’Inrae et spécialisée dans l’étude des circuits courts alimentaires, Yuna Chiffoleau rapporte que «pour faire du circuit court, il faut des outils adéquats». Quant à l’intérêt de s’inscrire dans ce type de démarche, «cela permet de se prémunir de la volatilité des autres marchés».
Lutte contre la simplification… des systèmes
Pour le président du Conseil départemental de la Somme, Stéphane Haussoulier, si le succès de la démarche est au rendez-vous, «c’est parce que nous avons la chance d’avoir des partenaires de qualité. Quand on regarde le chemin parcouru au cours des dix dernières années, on voit que l’accélération de la place des circuits courts dans le département est réelle». Son vice-président chargé de l’agriculture, Emmanuel Noiret, souligna quant à lui «la passion des agriculteurs de ce département pour faire de belles choses, et de la qualité. Si nous n’avions pas de bons produits, nous ne pourrions pas inciter les chefs de nos collèges à les travailler».
Selon Françoise Crété, la présidente de la Chambre d’agriculture de la Somme, l’objectif de la démarche «Somme-produits locaux» est plus que jamais d’actualité : «Le but, a-t-elle rappelé, c’est de faire face à la dérive qui consisterait à simplifier les systèmes d’exploitation.» Qualifiant de «solide» le partenariat entre Département et Chambre d’agriculture, elle considère que «le challenge a été relevé» avant de reconnaître «qu’il y a encore beaucoup de choses à faire». Emmanuel Noiret en est lui aussi convaincu : «Il y a eu beaucoup de choses faites, mais il y aura forcément une suite à tout cela !» Alors, on se dit rendez-vous dans dix ans ?