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Du collectif et de l’ambition

À quelques jours des élections aux chambres d’agriculture, le patron de la Fnsea, Xavier Beulin, réaffirme ses positions sur les grands sujets de l’actualité : volatilité des cours, PAC, crise de l’élevage, compétitivité de l’agriculture française…

Xavier Beulin : «La grande distribution distribue…, mais surtout à elle-même !».
Xavier Beulin : «La grande distribution distribue…, mais surtout à elle-même !».
© H. Garnier

Dans le cadre des élections aux Chambres d’agriculture 2013, vous réalisez un large tour des régions françaises. Que retenez-vous de vos échanges avec les agricultrices et agriculteurs ?
Les agriculteurs se sentent utiles au pays. Dans cette période de crise économique et financière, ils ont le sentiment de contribuer avec force à la richesse et à la croissance du pays. Cependant, plusieurs interrogations ressortent.
Les éleveurs, que ce soit en lait, en porc ou en volaille, formulent, face à la rudesse de la compétition internationale, de vraies interrogations par rapport à l’avenir de leur propre filière.
Par ailleurs, et cela prend plus la forme d’une vraie protestation, il y a de nombreuses interrogations concernant la pression environnementale. Cela va de la mise en œuvre de la directive nitrate en passant par les zones vulnérables, les bassins d’alimentation de captage, la ressource en eau, les compensations de biodiversité… L’environnement oui, l’environne- mentalisme politique, non !
Sur la PAC, les agriculteurs sont conscients de la nécessité d’une politique agricole européenne et des enjeux liés au budget de l’Union européenne… Ils sont plus attentifs à la manière dont la PAC va s’appliquer en France que sur le principe même du maintien des aides directes… En revanche, le débat introduit par le ministre de l’Agriculture sur une réforme de la distribution des soutiens du premier pilier nourrit largement les discussions et surtout des interrogations.

«L’environnement oui, l’environnementalisme politique, non !»

L’avenir de la filière élevage vous inquiète-t-il ?
Ce qui nous interroge, c’est de voir, dans le secteur laitier par exemple, des exploitations importantes, viables économiquement, arrêter leur production. Outre la conjoncture économique avec en particulier la hausse des matières premières, c’est surtout le poids des contraintes réglementaires et les conditions difficiles de travail qui poussent ces éleveurs à prendre de telles décisions. Ce choix est aussi favorisé par l’image présente du secteur végétal avec une conjoncture favorable, des temps de travaux plus réduits effectués dans des conditions moins pénibles… et, pour certains éleveurs, le risque éventuel de ne plus disposer de laiterie proche.
Derrière ce constat, ce sont les questions de l’économie globale de la filière élevage et, plus globalement, celle du modèle économique de l’agriculture française qui sont en jeu. Il faut poursuivre le travail sur la contractualisation et les organisations de producteurs, et, au-delà, aborder la question des conditions de production. On peut maintenir une agriculture à taille humaine, tout en regroupant les moyens de production. Si demain, nous voulons investir dans des outils performants, développer des unités de valorisation énergétique, de méthanisation…, cela ne pourra être envisagé qu’à partir d’une approche plus collective et humaine des facteurs de production. C’est un chantier que l’on va devoir mener.

Vous avez déclaré : «la volatilité, il va falloir vivre avec». Cela signifie quoi ?
La volatilité s’est installée, il va falloir vivre avec et trouver des outils de régulation. Malheureusement, les orientations de la future politique agricole commune ne semblent pas retenir cette voie.
Les résultats 2012 sur le revenu montrent que la volatilité des prix des matières premières a eu beaucoup de conséquences sur les filières de l’élevage. Est-il normal que, lorsque l’on a une telle volatilité, nous ne puissions pas répercuter une partie de celle-ci sur les produits du secteur animal ? Il faudrait un minimum de dispositifs contracycliques, comme une certaine flexibilité au niveau des aides, et des outils de régulation au niveau de la PAC. Cela permettrait de basculer une partie des soutiens d’un secteur de production à un autre. Dans les années 2000, la FNSEA a tenté de faire réintroduire, à plusieurs reprises, la notion de contracyclique.
Le résultat nous le connaissons, toujours plus de découplage et un soutien aveugle à l’hectare nous a été imposé. Pire, on nous promet pour 2014-2020, un découplage total et une convergence des aides, ce qui ne va pas vraiment dans le sens d’une réelle prise en compte de marchés extrêmement volatiles. Nous attendons que le ministre de l’Agriculture montre plus de pugnacité vis-à-vis de ses collègues européens et de Bruxelles pour repenser ce dispositif de distribution des soutiens.

«Une approche plus collective et humaine des facteurs de production»

Vous dénoncez aujourd’hui le statu quo dans les négociations commerciales entre producteurs, transformateurs et distributeurs ?
Pour les trois grandes filières, bovine, porc et volaille, les indicateurs sont au rouge, à commencer par ceux de l’accord du 31 mai 2011. Les conditions sont totalement réunies pour exiger l’ouverture des négociations et obtenir une répercussion de la hausse des prix de l’alimentation animale. Le 21 novembre, lors de la table ronde consacrée aux relations entre producteurs, transformateurs et distributeurs, le ministre de l’Agriculture a lui-même souligné l’urgence de trouver des solutions dans les secteurs de l’élevage, de la charcuterie et des volailles. Six semaines plus tard, les solutions ne sont toujours pas là. C’est la survie des producteurs et des entreprises agroalimentaires qui est menacée.
Nous n’acceptons pas de servir de variable d’ajustement au maintien des charges de la grande distribution, sous couvert du pouvoir d’achat. Le rapport Chalmin indique que sur cent euros de dépenses alimentaires, 5,40 euros reviennent dans le revenu du producteur. La valeur agricole dans le coût alimentaire n’est donc en aucun cas une source de cause de l’inflation ! La grande distribution distribue…, mais surtout à elle-même ! 

L’Allemagne caracole devant la France sur les marchés à l’exportation agroalimentaires. Comment redonner de la compétitivité à l’agriculture française ?
On a besoin de retrouver un climat de confiance et surtout une vraie ambition. Il faut réfuter l’idée que la France aurait vocation à quitter les marchés internationaux pour se recentrer sur les marchés de proximité. Défendons cette notion de proximité, avec des agriculteurs qui transforment leurs produits, car c’est un segment de marché à valoriser pleinement…
Mais renforçons également nos filières afin d’être mieux présent à l’export et valoriser la valeur ajoutée de notre agriculture. C’est en partageant un même discours avec les acteurs de la filière, amont et aval, que l’on pourra régénérer cette ambition stratégique.
La filière agricole et agroalimentaire mobilise près de 14 % de la population active ! Ce n’est pas un mince potentiel en période de crise !

«C’est par le collectif, valeur forte dans l’agriculture, que nous pourrons renforcer le rôle des producteurs»

À la veille des élections aux Chambres d’agriculture 2013, quel message adressez-vous au monde agricole ?
Nous sommes dans un contexte mondial où jamais l’agriculture et l’alimentation n’ont été aussi déterminantes dans les grands équilibres. Lorsque l’on regarde ce que génère l’agriculture sur le plan social, économique, culturel, commerce extérieur…, c’est un des tout premiers secteurs pour notre pays. Nous sommes fiers de participer à l’agriculture française !
Notre syndicalisme, FNSEA et JA, incarne des valeurs humaines. J’ai été très ému par la solidarité dont ont fait preuve les agriculteurs en 2011. Quand on a lancé l’opération paille, on m’a dit : «ça ne marchera pas, on n’est plus dans les années 76 ou 80, tout ça c’est fini». Il y a eu un élan de solidarité Nord-Sud, céréaliers-éleveurs, absolument exemplaire.
Ce que nous portons au travers des élections aux Chambres d’agriculture, ce sont nos valeurs, une agriculture qui repose sur des exploitations à taille humaine. Avec des hom­mes et des femmes responsables de leur entreprise, avec la capacité à se retrouver dans des approches collectives. Et c’est bien par le collectif, valeur forte dans l’agriculture, que nous pourrons renforcer le rôle des producteurs.

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