Du souci pour le commerce de la planète
L’Organisation mondiale du commerce vient de publier les chiffres du commerce mondial pour le premier semestre 2016. Tour d’horizon.
Terrorisme et sécurité, élections américaines, élections allemandes et françaises, retour de l’inflation, pouvoir d’achat, accord dans le pétrole, problématiques agricoles... Les sujets qui occupent les économistes, les politologues et l’opinion publique ne manquent pas en ce tout début d’automne, avec bien d’autres ! On en avait un peu oublié le commerce en général et les échanges à l’échelle de la planète (sauf pour la partie traités commerciaux, très polémique et problématique) en particulier. L’Organisation mondiale du commerce (OMC en français, WTO en anglais) vient de se rappeler au bon souvenir de tout le monde. Et pas d’une manière à faire plaisir.
Ralentissement
«Selon les dernières estimations de l’OMC, la croissance du commerce devrait être plus faible que prévu, atteignant à peine 1,7 %, soit nettement moins que la prévision d’avril qui s’établissait à 2,8 %. La prévision de croissance du commerce pour 2017 a aussi été revue à la baisse, tombant de 3,6 % précédemment à une fourchette comprise entre 1,8 % et 3,1 %. Avec un PIB mondial qui devrait progresser de 2,2 % en 2016, le rythme de croissance du commerce et de la production cette année sera le plus faible depuis la crise financière de 2009.» Tels sont les grands enseignements de la dernière étude de l’OMC sur le sujet.
Les raisons en sont multiples, mais deux apparaissent plus importantes : baisse plus forte que prévu du volume du commerce des marchandises au premier trimestre (- 1,1 % d’un trimestre sur l’autre) et reprise plus faible que prévu au deuxième trimestre (+ 0,3 %). Si l’on rentre dans le détail, on constate que «la contraction est due à un ralentissement de la croissance du PIB et du commerce dans les économies en développement telles que la Chine et le Brésil, mais aussi en Amérique du Nord, où la croissance des importations a été la plus forte de toutes les régions en 2014-2015, avant d’enregistrer un fléchissement».
Parmi les faits qui ont évolué entre avril 2016 et aujourd’hui, l’OMC note en particulier «une période d’instabilité financière qui a touché la Chine et d’autres économies de marché en développement au début de l’année», mais qui s’est apaisée depuis. La demande des économies en développement s’est également ralentie au premier trimestre alors que les économies développées connaissaient des évolutions contrastées entre le premier et le deuxième trimestre.
Commerce et croissance économique
Chose rare, les autorités mondiales s’inquiètent elles-mêmes de ce gros trou d’air. «Le ralentissement impressionnant de la croissance du commerce est grave et devrait servir de sonnette d’alarme. Il est particulièrement inquiétant vu l’hostilité croissante à l’égard de la mondialisation. Nous devons faire en sorte que cela ne se traduise pas par des politiques inconsidérées qui risqueraient d’aggraver encore plus la situation, non seulement sous l’angle du commerce, mais aussi dans la perspective de la création d’emplois et de la croissance économique et du développement lesquels sont si étroitement liés à un système d’échanges ouvert», a commenté le directeur général de l’OMC, Roberto Azevêdo, au moment de la publication de ces chiffres. Ce qui est craint par-dessus tout est un réflexe de repli des économies régionales, nationales ou locales sur elles-mêmes.
Ces derniers chiffres décevants font également ressortir un récent affaiblissement du rapport entre le commerce et la croissance du PIB. Explications : de façon historique, «le commerce a toujours augmenté 1,5 fois plus vite que le PIB, même si, durant les années 1990, le volume mondial du commerce des marchandises a augmenté deux fois plus vite que le PIB réel mondial aux taux de change du marché. Ces dernières années, cependant, le rapport s’est rapproché de 1/1, soit un niveau inférieur aussi bien au record des années 1990 qu’à la moyenne historique», expliquent les experts de l’OMC. Si les estimations actuelles se confirment, il se pourrait même, grande première, que le rapport passe en dessous de 1. Dit autrement, plus la croissance du commerce est forte, plus, généralement, ceci signifie que la croissance économique est forte. Or, cette année, la logique serait inversée.
Autre signe de doute de la part de l’OMC : pour la première fois, l’organisme fournit divers scénarios pour ses prévisions du commerce pour 2017 plutôt que de donner des chiffres précis. Enfin, certains points particuliers méritent d’être notés à propos de ce commerce mondial. D’abord, la stagnation du commerce mondial des marchandises masque de fortes variations selon les régions. Ensuite, l’aspect le plus frappant est la baisse brutale des importations des régions exportatrices de ressources au cours des deux dernières années.
Au final, «le commerce pourrait se redresser au second semestre de 2016, même s’il est probable que le rythme d’expansion restera hésitant, mais les risques restent nombreux. Plusieurs incertitudes pèsent sur les perspectives concernant le reste de l’année et l’année prochaine, dont la volatilité financière due aux changements touchant la politique monétaire des pays développés, la possibilité que le discours grandissant à l’encontre du commerce se reflète de plus en plus dans la politique commerciale et les effets potentiels du vote sur le Brexit au Royaume-Uni (déclenchement en mars 2017 avec une sortie effective donc en 2019, ndlr) qui a accru l’incertitude quant aux futurs arrangements commerciaux en Europe, région où la croissance du commerce a été relativement forte».