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EGA : un amendement sur l'étiquetage inquiète les filières

«Nourri aux OGM», modes d’élevage, nombre de traitements phytos sur les fruits et légumes frais, et origine des produits animaux. Ce sont les quatre mentions qu’un amendement «surprise» de la majorité propose d’imposer à horizon 2023.

© AAP

Défendu en séance par la députée picarde de La République en marche (LREM), Barbara Pompili, l’amendement n° 2219 demande que les informations suivantes soient fournies aux consommateurs à compter de 2023 : «Nourri aux OGM» pour les denrées issues d’animaux nourris avec des OGM ; «le mode d’élevage», pour les denrées alimentaires animales ou d’origine animale ; «l’origine géographique» pour les denrées alimentaires animales ou d’origine animale ; et le «nombre de traitements par des produits phytosanitaires» sur les fruits et légumes frais. L’amendement stipule que tous les produits «mis en marché sur le territoire français» sont concernés, les conditions d’application devant être précisées par décret en Conseil d’Etat.
En séance, Barbara Pompili a expliqué l’esprit de cet amendement : «Mieux informer le consommateur, rassurer et mieux valoriser le travail de nos agriculteurs.» Elle est ensuite revenue sur le choix de la date : «2023, parce qu’il faut donner le temps à l’industrie de réorganiser ses étiquetages.» Dans l’entourage de l’ex-présidente du groupe écologiste à l’assemblée, on explique, par ailleurs, que ce texte est issu des discussions avec trois associations, FNE, WWF et FNH.

Réglementation européenne
Opposés à cet amendement, le rapporteur Jean-Baptiste Moreau et le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert ont, en séance, concentré leurs arguments sur l’origine des produits. Ils ont mis en avant qu’une telle mesure pourrait mettre en péril la position de la France à Bruxelles, et en particulier le sort de l’expérimentation jusqu’en 2019 sur l’origine du lait et des viandes comme ingrédients dans les produits transformés, qui a été négociée par la France au niveau européen. Jean-Baptiste Moreau a, par ailleurs, rappelé que cette expérimentation pourrait être «éventuellement généralisée à partir de 2019».
Autre argument qu’ont opposé le ministre et le rapporteur : ce texte n’était, selon eux, pas conforme au droit européen, ce qu’a démenti Barbara Pompili en séance : «Le règlement 1169/2011 du 25 octobre 2011, relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, permet aux Etats d’imposer des mentions complémentaires pour des types ou des catégories de denrées, si elles se justifient par au moins une des raisons suivantes : la protection de la santé publique, la protection des consommateurs, la répression des tromperies, parmi d’autres possibilités», a-t-elle argué.
Dans l’entourage de la députée, on fait remarquer que c’est à cette même disposition européenne que fait référence l’article du Code rural instituant l’expérimentation française sur l’étiquetage de l’origine du lait et des viandes comme ingrédients. «Tout sera affaire d’interprétation», indique-t-on.

«Serons-nous capables de l’imposer aux Espagnols ?»
Au-delà de cette incertitude réglementaire, l’amendement inspire d’abord une inquiétude chez Coop de France : le risque que ce type d’affichage soit demandé uniquement aux entreprises françaises et non aux entreprises situées à l’étranger, comme c’est le cas aujourd’hui de l’expérimentation sur l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait comme ingrédients.
L’amendement indique qu’il concerne les denrées «mises sur le marché dans le territoire français». Mais, s’inquiète Pascal Viné, délégué général de Coop de France, «serons-nous capables d’imposer l’étiquetage «Nourri aux OGM» aux transformateurs espagnols ? Si on veut tuer l’agriculture française, il faut le dire».
Parmi les quatre informations imposées par l’amendement, une seule, la mention de l’origine des produits animaux, satisfait les filières. Il s’agit d’une demande de longue date des filières de production animale françaises. Depuis 2015, l’étiquetage est obligatoire pour les viandes fraîches et congelées, mais pas lorsqu’elles sont utilisées comme ingrédients (plats préparés).

«Nourris aux OGM»
En revanche, la mention «Nourris aux OGM» suscite l’ire des filières. D’abord, parce que sa formulation sous-entend que les animaux ne consommeraient que des OGM, estime-t-on chez Coop de France. «Une grande partie de l’alimentation n’est pas OGM, indique-t-on. Ce sont de petites proportions qui sont concernées
Les coopératives estiment, par ailleurs, que le texte engendre «un nivellement par le bas, alors qu’il existe des démarches positives, comme les mentions “Nourris sans OGM”». Pour Coop de France, «c’est une manière de stigmatiser certains éleveurs qui n’ont pas d’alternatives. Sous prétexte d’information du consommateur, on affaiblit la production française».
Au sein de la future interprofession volaille de chair, on regrette l’aspect «erratique et parcellaire» d’une telle mention : «Certaines ONG ont leurs dadas, alors que les filières ont des démarches très structurées, explique Anne Richard, la nouvelle directrice de la structure. On se focalise sur un élément de l’alimentation, alors que les cahiers des charges label rouge et bio sont beaucoup plus complets
«Nous sommes favorables à tout ce qui va dans le sens d’une meilleure information du consommateur», affirme la directrice de l’interprofession laitière, Caroline Le Poultier. Toutefois, un étiquetage sur l’alimentation OGM des vaches laitières serait «trompeur», selon le seuil retenu, avance le Cniel. En effet, la part de tourteaux génétiquement modifiés ne représente que 2 % en moyenne de la ration des vaches laitières. Les produits laitiers pourraient donc ne pas être concernés par cet étiquetage du fait de cette «petite part».
Du côté des fabricants d’aliments, on indique qu’une telle mesure ne poserait pas de problème opérationnel. «Les agriculteurs savent déjà ce qu’ils achètent», indique-t-on chez les fabricants bretons (Nutrinoë). En revanche, cela coûterait plus cher : 480 € la tonne de soja garanti sans OGM, contre 400 €/t pour un soja classique. Les filières les plus concernées seraient la volaille et la filière laitière, fortes consommatrices de soja.

Modes d’élevage
Les modes d’élevage ne trouvent pas meilleur accueil dans les filières. «Nous entendons derrière cette mesure la petite musique du bien-être animal, explique Pascal Viné (Coop de France). Or, le mode d’élevage n’est pas un critère différenciant pour le bien-être animal. Ce n’est pas parce qu’un animal est élevé en plein air que son bien-être est meilleur. En revanche, travailler sur une segmentation “élevé en pâturage“ pour créer de la valeur, pourquoi pas
En filière volaille de chair, les professionnels ne voient pas l’intérêt d’un tel étiquetage, étant donné que des mentions officielles, mais aussi des marques privées, garantissent déjà un élevage en plein air. «La volaille dispose déjà d’une segmentation bien identifiée avec les labels rouges et la bio», estime Anne Richard. La filière met également en avant que cette obligation ne concernera que le marché français : «On se tire une balle dans le pied
Même interrogation dans la viande rouge. «Sur le principe, personne dans la filière n’est favorable» à l’indication du mode d’élevage sur les produits carnés, assure Paul Rouche, directeur délégué de Culture Viande. Il appelle les parlementaires à «laisser du temps aux acteurs plutôt que de stigmatiser». Une crainte des filières viande serait que les distributeurs «mettent la pression en demandant d’aller plus vite et plus loin» que ce qui pourra être prévu par la future loi. En effet, «le délai est très court» pour 2023, et cela sera très compliqué à mettre en place.
En lait, cet article a été «découvert récemment», interpelle Caroline Le Poultier. En effet, pour la filière laitière, «on ne sait pas ce qui se cache derrière les modes d’élevage», qui semblent plutôt correspondre aux élevages hors sol plutôt que laitiers. De plus, la filière travaille déjà sur une définition commune de la notion de pâturage afin de proposer aux consommateurs une définition unique pour l’ensemble des produits laitiers.

Produits phytos
Dans la filière fruits et légumes, l’obligation d’indiquer «le nombre de traitements» de produits phytosanitaires provoque une forme d’incompréhension. «Quelle est l’utilité de cette information pour le consommateur ?», interroge Bruno Dupont, le président d’Interfel. «On est dans une logique d’information la plus claire pour le consommateur, ajoute-t-il, mais celui-ci ne va jamais aussi loin, et ce n’est pas forcément l’information qu’il attend en premier.» Avant de préciser que «ce n’est pas le nombre de traitements qui détermine la toxicité des produits», voyant dans cette mesure le contraire de «cette logique pertinente des Etats généraux de l’alimentation (EGA), qui était de rapprocher les citoyens de l’alimentation».
Au-delà de ce constat, cette mention n’est pas, pour lui, «du tout compatible avec la réglementation communautaire», ce qui lui fait penser que l’amendement pourrait être modifié, voire supprimé d’ici le vote final. «Les termes sont très imprécis. On ne sait pas très bien ce que cela peut vouloir dire», relève, pour sa part, Daniel Sauvaitre, président de l’Association nationale pommes poires. «J’ai envie de penser que face aux difficultés, cet amendement ne sera jamais mis en application», ajoute-t-il.

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