Egalim : les distributeurs sont-ils prêts à revaloriser les prix en amont ?
Le début de l’année 2019 est marqué par l’entrée en vigueur d’ordonnances issues de la loi Egalim, mais aussi par les négociations commerciales annuelles. Comment
se comportent les distributeurs ?
Le 1er février, l’ordonnance de la loi Egalim, relative au relèvement du SRP (seuil de revente à perte), est entrée en vigueur. Un mois plus tôt, c’est celle concernant l’encadrement des promotions qui entrait en application. Celle relative à l’encadrement des promotions en volume sera publiée le 1er mars. Le début de l’année 2019 est donc marqué par ces ordonnances, mais aussi par les négociations commerciales, qui doivent se conclure le 1er mars.
En parallèle, on assiste à une campagne de communication de certaines enseignes de distribution afin d’expliquer aux consommateurs que les ordonnances de la loi Egalim vont affecter fortement leur pouvoir d’achat. Un comportement dénoncé par le ministre de l’Agriculture, qui estime qu’un consommateur ayant un panier alimentaire équilibré ne verra pas son pouvoir d’achat amputé. Pour s’assurer que les enseignes de distributions respectent la loi, leur comportement est scruté attentivement. Respectent-elles l’encadrement des promotions ? Les négociations tarifaires prennent-elles en compte les prix payés aux producteurs ? Quelles sont les voies de contournement imaginées par les enseignes ? Des questions déterminantes afin de connaître l’impact réel des Egalim sur la répartition de la valeur et la rémunération des producteurs.
Pour Patrick Bénézit, vice-président de la FNSEA, les distributeurs sont fidèles à leur image, et oublient ainsi de rappeler les engagements pris sur les indicateurs de coûts de production, car la loi Egalim ne se limite pas au relèvement du SRP, mais inclut les promotions, l’inversion de la construction et la prise en compte des indicateurs de coûts de production pour une juste rémunération des producteurs.
Il ajoute que les niveaux d’inflations mis en avant par certaines GMS, opposées à cette loi, sont loin de la réalité. «Certains produits vont légèrement augmenter, mais cette augmentation peut être indolore pour les consommateurs en rémunérant mieux les producteurs. Je ne vois pas pourquoi les agriculteurs français devraient payer les faibles marges des produits d’appel», souligne Patrick Bénézit.
Certaines pratiques des maillons de la chaîne s’avèrent tout de même vertueuses. Ainsi, on remarque que des laiteries et des GMS multiplient les initiatives afin de revaloriser le prix à l’amont. Intermarché, par exemple, a signé des accords avec Savencia, Bel et Sodiaal afin de revaloriser l’achat de produits laitiers. Le prix moyen payé aux producteurs devrait être supérieur à 370 € les 1 000 litres (prime incluse) dans les trois accords qui concernent 60 % des achats de produits laitiers du distributeur. Lidl, de son côté, a revalorisé le prix du lait à 356 € les 1 000 litres pour les producteurs de la coopérative Sodiaal. Si ces accords vont dans le bon sens, le prix payé n’atteint pas encore le prix de revient que le Cniel a fixé à 396 €.
Des premiers contournements de la loi
De plus, on note un risque de report de la guerre des prix sur les marques distributeurs. Intermarché, par exemple, indique qu’il baisse les prix de tous ses produits alimentaires commercialisés sous sa propre marque. Leclerc, de son côté, indique baisser les prix de ces marques pour tous les produits, sauf l’alimentaire. Ces communications semblent être le signe d’un report de la guerre des prix sur les MDD qui ne sont pas concernés par le relèvement du SRP.
Enfin, on assiste déjà à des contournements, légaux ou pas, de la loi Egalim et de ses ordonnances. Certaines enseignes utiliseraient les cartes de fidélité afin de proposer à leurs clients des promotions personnalisées sur les produits alimentaires. Cumulables à des promotions sur prospectus, elles permettraient d’aboutir à un rabais supérieur à 34 % des volumes (limite de l’ordonnance Egalim sur l’encadrement des promotions en volume). Cette pratique n’est pas permise par l’ordonnance, elle est donc illégale et doit être signalée à la DGCCRF.
D’autres contournements sont légaux, ainsi l’emploi du terme offert, plutôt que de gratuit est permis. De plus, les distributeurs multiplient les «super-promo» sur les produits non-alimentaires et relancent de manière massive les jeux, concours et autres loteries. Si ces pratiques semblent légales, leur financement doit tout de même être expertisé par la DGCCRF afin de vérifier que, de manière directe ou indirecte, ce ne soit pas les fournisseurs de produits alimentaires qui financent ce type d’opération commerciale.
La FNSEA estime ainsi qu’il est nécessaire de pouvoir compter sur un arbitre fort afin de mettre en œuvre les moyens pour veiller au respect de la loi. Il est ainsi important que les modalités de contrôle des ordonnances soient communiquées. «Face à une propagande purement commerciale, il est nécessaire que toutes les ordonnances soient publiées, notamment celles sur les prix abusivement bas, mais aussi sur les sanctions et les contrôles, afin que toutes les modalités soient connues et que des sanctions puissent être prises par les autorités compétentes. C’est le seul moyen pour que la loi soit correctement appliquée et ainsi qu’on observe un retour de valeur», insiste le vice-président de la FNSEA.