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Eolien : les élus perdent la main sur les projets

La loi Brottes de 2013 a été, pour de nombreux territoires, la porte ouverte aux installations d’éoliennes sans consentement des élus locaux. Jean-Jacques Stoter, élu à la CC2SO, en témoigne.

Dans la  CC2SO, la saturation de l’espace a eu raison de l’acceptabilité des habitants.
Dans la CC2SO, la saturation de l’espace a eu raison de l’acceptabilité des habitants.
© A. P.

Jean-Jacques Stoter a perdu la main sur l’éolien, et cela l’agace au plus haut point. «J’ai le titre de vice-président en charge de l’aménagement de l’espace, à la CC2SO (Communauté de communes Somme Sud-Ouest), mais ma fonction est en réalité bien réduite.» Car, depuis cinq ans, les machines à vent poussent où bon leur semble dans le territoire.
«Nous avions élaboré des ZDE (Zones de développement de l’éolien), soit onze zones dans notre territoire, pour une capacité de 156 MW. Nous refusions les projets de parcs éoliens en dehors et le préfet suivait notre avis», précise l’élu local.
Mais la loi Brottes de mars 2013, qui visait à alléger les dispositifs, l’a fait «changer de couleur». Adieu la règle des cinq mâts qui conditionnait la possibilité de bénéficier des tarifs d’achat d’EDF, adieu également les ZDE, et bonjour le Schéma régional éolien (SRE), bien plus ouvert. A la poubelle, la feuille de route de Jean-Jacques Stoter.
Les promoteurs, dont les projets avaient été retoqués, ont représenté leur dossier déjà tout ficelé au préfet, qui, conformément à la nouvelle loi, donnait cette fois son accord. Une centaine de mâts occupent désormais le territoire, produisant 170 MW, et presque autant de puissance éolienne est en projet, à Montagne-Fayel, Lamaronde, Quevauvilliers, Quesnoy-sur-Airaines, Warlus, Airaines… Si bien que, dans le territoire, difficile de trouver une zone vierge d’éoliennes. «Nous sommes devenus le terrain de chasse des promoteurs éoliens.» Et cette saturation de l’espace a eu raison de l’acceptabilité des habitants. La construction des six premières éoliennes de la CC2SO, à Bougainville, en 2005, n’a pas suscité d’émotion particulière. Mais, désormais, chaque nouveau projet hérisse les poils, notamment ceux de Jean-Jacques Stoter.
L’élu est pourtant loin d’être un anti-éolien. «Je préfère une éolienne à 1 km de chez moi, plutôt qu’une centrale atomique à 20 km.»
D’autant que les éoliennes apportent une entrée d’argent considérable aux collectivités : 1 150 000 €, auxquels sont appliqués une clé de répartition définie par la CC2SO en 2006. Jusqu’à 10 MW produits, la commune concernée touche 50 % de la fiscalité, la communauté de communes 30 %, et les autres communes du territoire 20 %. Au-delà de ces 10 MW, l’argent est partagé entre la CC2SO et toutes les autres communes. «C’est autant de fiscalité en moins pour les habitants.» Ce pactole permet aussi de mener à bien des projets : attribution d’enveloppes aux associations, création d’une crèche à Airaines…

Colère et jalousies
La plupart des agriculteurs voient évidemment les éoliennes d’un bon œil. Mais difficile pour eux de s’exprimer sur le sujet, visiblement tabou dans le secteur. «Je touche 7 000 Ä par an, pendant vingt ans, pour 800 m2 de terrain utilisé. Dix fois plus que quand on cultive, confie Stéphane*, exploitant et bailleur d’une parcelle à un promoteur éolien. Mais ce coup de pouce financier m’a aussi desservi. Il a suscité la jalousie des autres agriculteurs du village et les foudres des habitants qui n’en voulaient pas…»
Car ces citoyens en sont arrivés à un point où l’argent ne fait plus le bonheur. A Quesnoy-sur-Airaines, les nuisances des vingt-quatre éoliennes aux alentours ont surpassé l’intérêt des indemnités qu’elles rapportent. D’autant que les nouvelles machines sont toujours plus grandes, plus puissantes, et donc plus dommageables. «Nous pensons que nous avons plus qu’apporté notre contribution au développement éolien, ajoute Jean-Jacques Stoter. D’autres départements sont bien moins fournis, pour des conditions similaires.»
Pour tenter de reprendre la main, les élus du territoire misent sur le nouveau PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal), document opposable au tiers, qui sera en place en 2020. Dans sa clé de voûte, le Projet d’aménagement et de développement durable, figurera une carte, avec la situation actuelle et à venir. La partie n’est donc pas terminée.

* Le nom a été changé pour conserver l’anonymat. Aucun des promoteurs contactés (Valeco, Enercon…) n’a répondu à nos sollicitations.

Le vent vaut de l’or

L’énergie du vent est un business à large échelle. Avec un tarif de rachat d’électricité de 82 € le mégawattheure, chaque éolienne de 2 MW garantit à son promoteur 360 000 € de revenu annuel pour un temps de fonctionnement moyen annuel de 2 200 heures. Le coût de l’éolienne installée se situe, selon France Energie éolienne, entre 1 million et 1,3 million d’euros. Soit un amortissement entre trois et cinq ans maximum. La manne profite aussi aux fabricants (essentiellement allemands, danois, espagnols). Les grands groupes investissent en masse. Areva a acheté 51 % de la société Multibrid, fabricant d’éoliennes allemand, pour 150 millions d’euros. Alstom a acheté Ecotècnia, un fabricant d’éoliennes espagnol, pour 350 millions d’euros. On compte aussi des retombées pour l’emploi. «Aujourd’hui, l’éolien représente 18 000 emplois ETP directs et indirects, répartis au sein de 700 entreprises en France», assure le Syndicat des énergies renouvelables.

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