Energies renouvelables
Éoliennes et élevage : la profession agricole demande des comptes
Lors de la session du 21 juin, les élus de la Chambre d’agriculture de la Somme se sont interrogés sur le lien supposé entre la présence de champs éoliens et la dégradation de la santé d’animaux d’élevage. Et demandent à l’État d’intervenir.
Lors de la session du 21 juin, les élus de la Chambre d’agriculture de la Somme se sont interrogés sur le lien supposé entre la présence de champs éoliens et la dégradation de la santé d’animaux d’élevage. Et demandent à l’État d’intervenir.
Existe-t-il un lien entre la présence d’éoliennes à proximité d’exploitations agricoles et la dégradation de la performance des ateliers d’élevage de ces fermes et la santé des animaux ? La Chambre départementale d’agriculture ne s’aventure pas à le déclarer aussi franchement, mais elle s’interroge. Le 21 juin dernier, une majorité d’élus (3 abstentions) ont ainsi adopté une motion concernant le développement de l’éolien dans le département. Sous le titre «Développement des projets éoliens en milieu agricole et leurs effets sur les animaux d’élevage», le texte d’une page et demie dresse un panorama de l’éolien dans le département – près de 850 éoliennes sont en fonctionnement en janvier 2022 –, souligne le cadre réglementaire qui permet l’installation de ces mâts, et demande en dernier lieu à l’État de prendre davantage en considération la présence d’exploitations agricoles dans l’environnement de futurs parcs éoliens. Et attend des mesures. À titre d’exemple, la chambre d’agriculture verrait d’un bon œil que la réalisation d’études d’impact des éoliennes sur les animaux d’élevage s’effectue dans un périmètre plus large que celui retenu jusqu’alors, et que celles-ci soient réalisées en prenant compte de nouveaux critères. Enfin, il va sans dire que ces études devraient être à la charge du pétitionnaire éolien ; autrement dit, celui qui fait la demande auprès des pouvoirs publics d’installer de nouvelles machines. Lorsqu’il s’agit de parcs éoliens déjà en activité, la chambre d’agriculture demande que l’évaluation de leurs effets sur le comportement des animaux soit plus simple, notamment en «facilitant la réalisation de tests d’arrêts inopinés, partiels ou complets».
Les nuisances sans la profitabilité
Ce qui justifie l’adoption de cette motion par les élus de la chambre d’agriculture, c’est «l’émergence de plusieurs situations conflictuelles entre des opérateurs éoliens et des exploitations d’élevage aux niveaux samarien et national», souligne la chambre d’agriculture. Quelques minutes avant le vote de la motion, dans son rapport moral, la présidente Françoise Crété déclarait «regretter qu’à une ou deux exceptions près, les éoliennes n’appartiennent jamais à des collectifs d’agriculteurs ou d’investisseurs locaux», s’agissant «d’une filière extrêmement profitable». «Comme souvent, a-t-elle dit, les opérateurs ne veulent pas partager le gâteau. Or, c’est bien notre espace agricole qui est convoité, qui est artificialisé et que nous devons partager.» De là à dire que le monde agricole hérite des nuisances liées à la présence d’éoliennes sans la profitabilité, il n’y a qu’un pas presque franchi. «Les désordres constatés dans certains élevages, même si le lien de cause à effet n’est pas clairement établi, doivent nous pousser à la prudence et à faire appliquer des règles de précaution», note la présidente de la Chambre départementale d’agriculture.
Ouverture aux autres énergies
Quid des autres énergies ? Méthanisation, photovoltaïsme ou encore production d’hydrogène vert sont autant de domaines dans lesquels les agriculteurs peuvent avoir un rôle à jouer, estime Mme Crété : «Pour ce qui est de l’énergie solaire, le potentiel de développement est réel. Nous n’avons pas encore épuisé le potentiel du photovoltaïque en toiture, alors il faut persévérer.» Toutefois, là encore, les pouvoirs publics sont appelés en renfort : «Nous souhaitons que l’État pose rapidement le cadre d’un développement régulé de l’agrivoltaïsme. Les projets installés sur des terres agricoles doivent maintenir une utilisation agricole prépondérante. Le maintien d’une agriculture a minima ne doit pas servir d’alibi.» En ce qui concerne la méthanisation, la chambre d’agriculture rappelle qu’une dizaine d’unités sont actuellement en production, et compte «entre dix et quinze projets». Problème, le contexte inflationniste n’incite pas au démarrage des chantiers. À cela, il faut ajouter «un parcours administratif et réglementaire qui n’arrange rien et pèse sur le moral des investisseurs». Revendiquant un rôle de «facilitateur», la chambre d’agriculture insiste sur sa capacité à «servir d’interface entre les porteurs de projet, les services de l’État et les collectivités», afin dit-elle, «d’anticiper le plus en amont possible les points de blocage administratifs».
Enfin, pour ce qui est de la production d’hydrogène, la filière semble «prometteuse», bien qu’elle en soit encore «aux balbutiements». Selon les responsables de la chambre d’agriculture, une première installation «à taille humaine» devrait sortir de terre «dans l’est de la Somme, d’ici deux à trois ans». Sur chacun de ces sujets, la profession agricole semble désormais attendre de l’État qu’il pose des «garde-fous» ; une manière sans aucun doute d’éviter de reproduire les mêmes situations qu’avec le développement de l’éolien.
À Hombleux, l’opération séduction de Valorem
Financement participatif
La commune n’est toutefois pas la seule à bénéficier de retombées liées à la présence d’éoliennes sur son territoire. Un «pacte financier» entre Valorem, la communauté de communes de l’est de la Somme et les communes qui en font partie permet en effet à chacun de toucher une part de recettes. Enfin, les habitants du territoire sont également partie prenante. Dans un souci «d’impliquer les habitants dans ce projet, Valorem a proposé aux habitants de la région de financer directement le développement du projet éolien dans une démarche de financement participatif», explique l’entreprise. Le résultat ? En 2020, 200 000 € ont ainsi été récoltés. Mais ce n’est pas tout… «Pour aller plus loin, l’entreprise a proposé aux prêteurs, via sa fondation Watt for Change, de céder tout ou partie de leurs intérêts au profit d’Aprémis, une association qui lutte contre la précarité énergétique», rapporte en effet Valorem.
Bénéfice d’image
Alors que 20 % d’entre eux ont répondu à l’appel, l’argent récolté a permis à l’association de repérer des publics en état de précarité énergétique, puis de développer un programme d’accompagnement spécifique mené par des bénévoles (visites à domicile, médiation, accompagnement technique pour mener les propriétaires bailleurs à la rénovation énergétique). Cette initiative a également été financée par la société de projet Hombleux énergies dans le cadre d’un dispositif innovant porté par Enercoop, qui rachète l’électricité produite par le parc. En termes d’image, le coup est assurément réussi, et assumé par Jean-Yves Grandidier, président de Valorem qui l’assure : «Ce projet donne du sens supplémentaire à la production d’énergie verte et matérialise ce qu’est la transition énergétique solidaire». Avec de tels arguments, s’opposer devient tout de suite plus compliqué.