Expo : plongée au coeur des "amours en guerre" à l'Historial
Jusqu’au 14 avril, l’Historial de la Grande Guerre présente
l’exposition temporaire, «Amours en guerre».
Cinquante-deux mois sépareront ceux qui partent à la guerre de celles qui restent. Cinquante-deux mois d’une longue attente entre des couples déjà formés ou en devenir, avec l’espérance que la grande faucheuse n’emporte pas l’être chéri. Si la guerre déchire des nations entières, elle en fait autant à l’échelle intime, créant des bouleversements profonds tant dans le lien amoureux que dans la déclinaison du quotidien.
Pour supporter l’absence et lutter contre les liens distendus par la séparation, les échanges épistolaires entre ceux qui sont au front et celles qui sont à l’arrière vont devenir vitaux. S’écrire tous les jours devient la règle, même pour ceux et celles qui, jusque-là, n’écrivaient pas et ne savent plus quoi écrire au fil des mois. Mais écrire, c’est autant donner un gage de vie qu’alimenter la flamme de l’amour. Alors, on écrit.
Ce sont des millions de lettres que les mobilisés ou engagés écriront à leur bien aimée. «Si les correspondances conjugales parlent avant tout de l’ordinaire, elles contribuent, malgré la distance, à faire perdurer les liens amoureux et familiaux», raconte Marie-Pascale Prévost-Bault, conservatrice à l’Historial de la Grande Guerre.
C’est cette histoire de l’intime au travers des «amours en guerre» que l’Historial de la Grande Guerre a décidé de décliner pour le centenaire de la Bataille de la Somme. «La tradition de l’Historial est d’évoquer les relations humaines lors de la Grande Guerre, sous l’angle du vécu de millions de civils et de militaires. Or, rien de mieux que les relations amoureuses pour présenter une approche intime du conflit», explique Hervé François, directeur de l’Historial.
De la séparation au retour ou à la mort
Pour comprendre ce que nos grands-parents ou arrière-grands-parents ont vécu tout au long de ce conflit, l’exposition suit les traces épistolaires de leurs intimités bouleversées par la grande catastrophe. Divisée en trois grandes sections - les séparations, la longue durée de la séparation, et le retour ou la mort -, le visiteur découvre au fil du parcours une frise photographique, constituée à partir des collections de l’Historial, mais aussi des fonds prêtés par d’autres institutions et collectionneurs privés.
Le début de l’exposition donne immédiatement le ton. L’œil est tout de suite capté par une grande photo où un couple en pleurs se dit adieu, ayant saisi tout le tragique de la situation et sachant déjà que rien ne garantit qu’il se retrouvera. Adieux déchirants, dernier baiser, promesses scellées. En regard de ce cliché, un autre montre des femmes et des enfants derrière une grille, présageant déjà la séparation inéluctable entre le front et l’arrière. Entre ces photos, une femme en habit de veuve, sous ses pieds un amas de lettres. Que cela se soit passé il y a cent ans ne change rien à l’émotion éprouvée. Personne dans sa vie n’échappe à la séparation des êtres chers.
Toutes les photographies sélectionnées ensuite suivent la logique de l’exposition et sont mises en regard avec des objets d’artisanat conçus par les soldats au front, des correspondances, des œuvres graphiques et le contenu de chaque section dans lesquels ils apparaissent. C’est alors l’occasion de découvrir comment la vie quotidienne s’organise à l’arrière du front, le rôle que vont jouer les femmes dans la société, celles qui ne vont pas manquer d’audace pour obtenir des laissez-passer afin de rejoindre leur mari au front, les astuces déployées par les couples pour déjouer la censure…
Sur la longue durée du conflit, le manque affectif et la frustration sexuelle s’expriment également à la fois dans les correspondances, mais aussi dans les cadeaux envoyés à l’être cher (fleurs, bagues, objets, photographies, etc.), dans les dessins ou dans l’artisanat de tranchées. La prostitution n’est pas non plus absente, ainsi que les maladies vénériennes, la crainte des infidélités, aussitôt chassées de l’esprit lors des permissions. Sans oublier les mariages par procuration, les marraines de guerre, avant que ne sonne l’heure du retour ou celle des deuils. De la tragédie de toute guerre à la force de l’amour, cette exposition nous rappelle l’essentiel de la vie.
Place André Audinot, Péronne
Ouvert tous les jours de 9h30 à 18h