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Face à l’érosion, l’union des moyens fait la force

Environ 150 personnes ont participé la semaine dernière à la deuxième édition des assises régionales de l’érosion en Hauts-de-France, Ruis’sol. L’occasion d’un état des lieux des chantiers réalisés et de ceux qui restent à engager pour préserver les sols de la dégradation. 

Face aux représentants de la profession agricole et d’élus d’autres collectivités, le message du vice-président du Conseil départemenal de la Somme Emmanuel Noiret résonne comme un appel à «mener une démarche volontaire et concertée». «Si chacun fait dans son coin, ce ne sera pas efficace», a-t-il dit.©
Face aux représentants de la profession agricole et d’élus d’autres collectivités, le message du vice-président du Conseil départemenal de la Somme Emmanuel Noiret résonne comme un appel à «mener une démarche volontaire et concertée». «Si chacun fait dans son coin, ce ne sera pas efficace», a-t-il dit.©
© V. Marmuse/CAIA

Face à des événements pluvieux de plus en plus fréquents et violents, «c’est l’union qui fera la force», a résumé le vice-président du Département de la Somme en charge du développement agricole et de la ruralité. Agriculteur de profession à Cayeux-sur-Mer (80), l’élu du canton de Friville-Escarbotin est d’autant plus à l’aide pour affirmer que «si le monde agricole est fautif dans l’érosion et le ruissellement, il n’est pas le seul. L’urbanisme et la voirie ont aussi leur part et les collectivités doivent être mieux impliquées». Face aux représentants de la profession agricole et d’élus d’autres collectivités, son message résonne encore comme un appel à «mener une démarche volontaire et concertée». «Si chacun fait dans son coin, ce ne sera pas efficace», a-t-il dit. 

 

Maintenir des éléments de paysage

Une fois ce constat établi, la suite du programme des Assises de l’érosion consistait à établir un bilan des initiatives déjà engagées, un panorama des outils mobilisables et… un recueil des bonnes volontés. En premier lieu, pour le directeur de l’Agence de l’eau Artois-Picardie, Thierry Vatin, le rôle de l’aménagement du territoire est majeur : «Face au changement climatique, le maintien de tout élément de nature est favorable à contrer ses conséquences comme à l’agriculture.» Sans oublier aussi le rôle des villes : «Les inondations, on les doit autant à l’artificialisation des sols en zone urbaine qu’à la disparation d’éléments qui retiennent l’eau en zone rurale. Et tout cela, on le paie aujourd’hui.» La lutte contre le ruissellement et l’érosion est un enjeu d’autant plus majeur que ces phénomènes altèrent la qualité de l’eau : «Le ruissellement dégrade le bon état des masses d’eau, rapporte Thierry Vatin, alors que nous nous sommes fixés l’objectif d’atteindre le bon état écologique pour 50 % des masses d’eau du département d’ici cinq à six ans. Aujourd’hui, nous n’en sommes qu’à 22 %. C’est dire s’il y a du boulot». 

Du côté du monde agricole, les choses semblent aussi assez claires, si l’on en croit le président de la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France, Olivier Dauger : «Comme pour d’autres domaines, le monde agricole peut être source de solutions pour lutter contre le changement climatique et donc l’érosion, qui en est une conséquence», a souligné M. Dauger. Un exemple ? Miser sur l’agroécologie et l’incitation au changement de pratiques. Problème, selon lui, «même si nous avons mis en place un certain nombre de choses, nous ne pouvons pas tout faire… Il faut créer des partenariats, trouver des solutions ensemble, coordonner les choses».

 

Choisir la bonne échelle 

La réussite d’un programme de lutte contre ces phénomènes tient, selon l’Agence de l’eau Artois-Picardie «au choix de la bonne échelle». «On ne peut pas travailler à de petites échelles, détaille Thierry Vatin, mais à celle d’un bassin versant, on peut espérer des résultats intéressants. Une petite fascine ou un bout de haie par-ci, par-là, ne sert à rien.» Qu’ils soient déployés par des bureaux d’étude, les chambres d’agriculture, Symcea ou le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), les outils permettant de réaliser les diagnostics, eux aussi, existent. 

Vient enfin la question de la concertation. Selon les mots d’Hervé Canler, chargé d’études à l’Agence de l’eau Artois Picardie, elle est «essentielle» : «Les études et la concertation avec le monde agricole sont un préalable à tous travaux.» D’expérience, il constate toutefois que «beaucoup d’études déjà réalisées ont été laissées dans les cartons comme certains aménagements qui n’ont pas été efficaces parce qu’il n’y a pas eu de concertation suffisante». Quid enfin des moyens ? Sans aucun doute, il s’agit du sujet sur lequel l’esprit de concorde est le plus difficile à trouver. Conseiller départemental du Pas-de-Calais, Alain Méquignon fait ce constat : «La gouvernance des programmes de lutte contre le ruissellement et l’érosion n’est pas un sujet facile avec des EPCI (intercommunalités) qui se saisissent de la compétence et d’autres qui ne le font pas…» (lire encadré) «Pour définir qui fait, les moyens à y consacrer et les responsabilités, ce n’est pas simple (…) Les ambitions sont grandes, mais les moyens ne suivent pas. Ce qui a été fait jusqu’à présent a montré une certaine efficacité, mais qu’en sera-t-il demain ?» Pas vraiment rassurant quand on connait l’ampleur de ce qui reste à faire et d’un risque qui n’a pas fini de s’aggraver. 

 

Agriculteurs, ils s’engagent dans une transition pour les sols 

Et si, pour limiter le phénomène de ruissellement et d’érosion, il suffisait de changer certaines pratiques agricoles ? À l’échelle de la région, plusieurs agriculteurs sont venus témoigner de ce qu’ils ont mis en œuvre. Avant de s’engager dans les détails de chacune de leurs méthodes, l’ingénieur conseil de la Chambre d’agriculture Nord-Pas-de-Calais, Aristide Ribaucour, l’affirme : «L’important, c’est de favoriser la porosité des sols et la portance.» Alors que la culture de pommes de terre est régulièrement montrée du doigt, Jean-Paul Dallene explique comment le prébutage d’automne qu’il pratique depuis quelques années lui permet de préserver ses parcelles. Le constat d’abord, c’est celui de la formation d’une croûte de battance et d’un rendement stagnant qui l’ont amené à s’interroger. Sa recette ? Créer des buttes «fin août», y semer un couvert multi-espèces, et finalement y planter ses pommes de terre. Les bénéfices ? «Plus de vie dans le sol, ce qui favorise l’infiltration de l’eau dans le sol, constate-t-il. On a trois fois plus de vers de terre qu’avant. Je n’arrive pas encore à me passer de la fraise pour la plantation, mais je l’utilise à une vitesse moins rapide, donc j’économise du gasoil (…) Le plus gros bénéfice se situe au niveau de l’eau. Mes sols en stockent plus, j’ai moins besoin d’irriguer et les sols ressuient plus vite avant plantation.» 
Dans la commune d’O-de-Selle (80), Nicolas Portois raconte, lui aussi, comment il est passé d’agriculteur à éleveur de vers de terre en ayant glissé vers un système sans labour. Et de constater dans le même temps «un gain de temps dans le travail et de carburant». 
Agriculteur à Flesquières, dans le Nord, Emmanuel Leveugle s’est lancé dans le semis direct avec l’objectif de moins travailler ses sols, et donc de les préserver. En lien avec l’Institut Saint-Éloi de Bapaume, il a, pour cela, mis au point un semoir direct – «le semoir est la porte d’entrée pour l’agriculture de conservation», explique-t-il -, en partageant les plans en libre accès sur le web. L’idée ? «Permettre à tout un chacun de se lancer à moindres frais et de ne pas prendre trop de risques.» Pour Emmanuel Leveugle, «l’érosion est une perte de notre outil de travail et de biodiversité (…) Il faut désormais s’intéresser à d’autres leviers que les travaux d’hydraulique douce, même si ceux-ci ne sont pas à abandonner et qu’il faut continuer à les entretenir».

 

Quel rôle pour les intercommunalités ? 

À l’échelle des Hauts-de-France, le moins que l’on puisse dire est que la situation est assez disparate. La prise en charge de la compétence «gestion des eaux» est, en effet, un casse-tête. Et chacun fait preuve de plus ou moins de volontarisme. Dans le Pas-de-Calais, la Communauté d’agglomération Grand Calais Terres et Mer fait figure d’exemple. Depuis 2017, la lutte contre l’érosion est intégrée dans une compétence «ruralité», ce qui a conduit l’EPCI à réaliser en premier lieu un diagnostic des dispositifs existants : haies, fascines, bandes enherbées, bassins de rétention… L’entretien comme la réalisation de nouveaux ouvrages est confiée à des associations d’insertion. La prochaine étape va consister, «dès 2022» selon Jean-Paul Imbert, chargé de mission à la Communauté d’agglomération Grand Calais Terres et Mer, à réaliser une enquête hydraulique douce à l’échelle de mini bassins versants «pour voir si les ouvrages existants sont efficaces et s’il y a besoin de nouveaux ouvrages». Celle-ci sera réalisée par la chambre d’agriculture. Dans la Somme, Francis Petit souligne, pour sa part, l’engagement de la Communauté de communes du territoire Nord-Picardie dont il est vice-président à «mettre en place une programmation pour les cinq à six ans à venir pour monter le niveau d’équipements à un niveau satisfaisant». Et l’élu de l’assurer : «La volonté politique est essentielle».
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