Fermage et environnement : les fermiers veulent du gagnant gagnant
La section nationale des fermiers et métayers de la Fnsea a tenu son congrès à Amiens.
Il était question cette année d’environnement au congrès de la Snfm (section nationale des fermiers et métayers de la Fnsea) qui a rassemblée quelque deux cents personnes, délégués et invités, les 6 et 7 février à Amiens. En effet, les règlementations environnementales impactent de plus en plus l’agriculture au point de susciter un réel ras le bol chez les agriculteurs. «Jusqu’où peut-on aller sans entraver l’activité agricole?», s’est interrogé Pascal Férey, vice président de la Fnsea, lors de la table ronde à laquelle il intervenait aux côtés de Sylvie Le Brun, présidente de la Snfm, Jean-Claude Buisine, député de la Somme, et Lionel Manteau, président régional de l’association française de droit rural. Les fermiers demandent que ces règlementations tiennent davantage compte de leur situation liée au statut du fermage.
Information et contractualisation
C’est le cas pour les zonages qui se multiplient et s’empilent. «Ils entravent la liberté d’entreprendre, et les agriculteurs ne s’y retrouvent pas. Nous demandons un peu plus de concertation. Ceux qui exploitent les terres, fermiers ou propriétaires, doivent être directement informés lorsqu’une nouvelle zone est créée», a plaidé Sylvie Le Brun. «Nous sommes opposés à l’instauration de servitudes d’ordre public. Nous défendons la contractualisation», a-t-elle ajouté.
Que les agriculteurs soient agacés par ces zonages, Jean-Claude Buisine en a convenu. Reconnaissant le manque de coordination entre les diverses instances intervenant dans ce domaine, il a toutefois incité les agriculteurs à s’associer davantage aux décisions. «Vous devez être force de proposition dans le cadre de future la loi d’avenir», a-t-il ajouté, tout en s’engageant à relayer leurs revendications auprès du gouvernement. Sabine Brun Rageul, la représentante du ministère de l’Agriculture, a pour sa part assuré les congressistes que le ministre n’est pas favorable à la multiplication de ces zonages, et souhaite que les pratiques y soient volontaires».
A la collectivité d’indemniser
La loi d’orientation de 2006 a permis d’introduire des clauses environnementales dans les baux. Lionel Manteau estime qu’il y a encore du flou dans cette possibilité, on manque de recul. «Ces clauses ne doivent pas s’opposer au statut du fermage, mais certaines manquent de précision» a-t-il fait notamment remarquer. Le dispositif reste donc à améliorer.
«Nous avons accepté les clauses environnementales pour éviter des expropriations à tout va », a rappelé Sylvie Le Brun. « Mais nous ne voulons pas que les bailleurs puissent les introduire dans les baux en dehors des zonages reconnus», a-t-elle insisté.
Les fermiers ne sont pas d’accord pour que la perte de revenu engendrée par ces clauses soit compensée par une baisse du prix du fermage». C’est l’Etat ou les collectivités qui doivent indemniser le fermier, et pas le bailleur», a déclaré la présidente de la Snfm. «Les baux à clauses environnementales, c’est pour rendre service à la société», a ajouté Pascal Férey.
Le congrès a soulevé le problème des terres gérées par le conservatoire du littoral et les conservatoires d’espaces naturels. Elles tombent dans le domaine public si bien que le statut du fermage ne peut plus s’appliquer. En outre, les cahiers des charges imposés sur ces terres ne sont pas compatibles avec la règlementation Pac. «Si l’on ne fait pas attention à la qualité de la relation entre les agriculteurs et ces territoires, ils seront abandonnés car ce sont souvent des éleveurs, déjà en situation difficile, qui les mettent en valeur», a prévenu Pascal Ferey. Des propos appuyés par un délégué du sud de la France : «l’activité agricole maintient et développe la biodiversité, alors que celle-ci s’appauvrit dans les terres abandonnées», a-t-il rappelé. S’opposant par principe à toute dérogation au statut du fermage, la Snfm demande que «tout opérateur public qui achète des terres contracte un bail rural, au lieu de conclure des conventions précaires. Et qu’à défaut de bail, soient passées des conventions d’au moins neuf ans», a défendu Sylvie Le Brun.
Des mesures agro-environnementales pérennes
La présidente a par ailleurs souligné l’intérêt des mesures agro-environnementales territorialisées qui compensent les contraintes tout en encourageant les pratiques respectueuses de l’environnement. Mais «nous souhaitons qu’elles soient pérennes, en tout cas souscrites pour une période allant bien au-delà des cinq ans pour que le fermier ait le temps d’investir», a-t-elle ajouté.
Dans toutes ces questions relatives à l’environnement, l’enjeu pour la Snfm est d’arriver à un résultat gagnant gagnant. Les propriétaires sont d’ailleurs sur la même longueur d’onde. Comme l’a montré dans son intervention Josiane Béliard, la présidente des propriétaires ruraux de la Fnsea, dont le congrès l’an dernier avait pris également pour thème l’environnement.
ZOOM
Ce que les fermiers revendiquent
Les fermiers ont d’autres revendications qui ne sont pas liées à l’environnement. Sylvie Le Brun les a repris dans son discours de clôture du congrès. En voici l’essentiel.
• Sur la reprise des biens de famille, un sujet qui a été beaucoup discuté lors de ce congrès, la Snfm estime que le simple régime déclaratif est source de démantèlements d’exploitations dramatiques pour les fermiers. Bien souvent le bailleur donne congé sans avoir lui-même de réel projet d’exploitation. Sans remettre en cause le droit des propriétaires, «nous demandons, si le fermier conteste le congé, qu’une analyse de la situation économique des deux parties soit faite en Cdoa», a-telle plaidé.
• Les dernières élections des assesseurs aux tribunaux paritaires des baux ruraux et à la commission consultative en 2010 ayant été «catastrophiques», Sylvie Le Brun a demandé que soit revue l’organisation de ces élections. Et surtout, face aux prétentions de certains de vouloir abolir ces instances, elle en a réaffirmé tout l’intérêt «pour une bonne application du statut du fermage».
• Il arrive que bailleur donne congé à un fermier arrivé à l’âge légal de la retraite sans avoir validé tous ses trimestres. La présidente de la Snfm a demandé que la résiliation du bail ne soit effective qu’à la fin de l’année culturale où le fermier aura acquis tous ses trimestres.
• «Le bail cessible n’a pas suscité un grand engouement», constate Sylvie Le Brun. Dans un souci de cohérence, nous souhaitons qu’une majoration du prix de ce bail soit négociée dans chaque département et que ce bail soit conclu pour neuf ans au lieu de cinq.
• Dans le même esprit, la Snfm souhaite que le fonds agricole soit automatique. «C’est reconnaître l’entreprise en tant qu’entité économique au lieu de considérer seulement des blocs d’hectares», a commenté Sylvie Le Brun.
• S’agissant du dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti, «pourquoi le fermier doit-il passer par le bailleur pour obtenir un allègement de charge ?
C’est une source de conflits», a souligné Sylvie Le Brun.
Plus généralement, les fermiers souhaitent une évolution du statut du fermage. «Nous demandons la constitution d’un groupe de travail sur ce sujet», a indiqué Sylvie Le Brun, tout en sollicitant un rendez-vous auprès du ministre pour discuter de tous les points précédemment évoqués dans le cadre de la préparation de la future loi d’avenir de l’agriculture.