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Fermeture de Matines Montdidier, comment en est-on arrivé là ?

Directeur général de Matines, Daniel Pagniez revient sur les raisons qui conduisent l’entreprise à condamner son site de conditionnement de Montdidier (80) et son adaptation aux nouvelles attentes des consommateurs. 

Dans le cadre de la restructuration de Matines, le site de conditionnement d’œufs de Montdidier est condamné à fermer ses portes en mars prochain.
Dans le cadre de la restructuration de Matines, le site de conditionnement d’œufs de Montdidier est condamné à fermer ses portes en mars prochain. 
© D. R. / Avril

Qu’ils soient éleveurs pour Matines ou salariés de l’entreprise, tous s’interrogent sur les raisons qui conduisent à la fermeture du centre de conditionnement Matines de Montdidier d’ici quelques semaines. Comment justifiez-vous cette issue ? 

L’entreprise Matines est déficitaire depuis six exercices. Elle perd de l’argent. Elle n’a pas la compétitivité qui lui permet d’en gagner. Le projet de fermeture du centre de conditionnement de Montdidier fait partie du projet d’évolution de notre activité industrielle pour changer cette situation. Ce projet n’est pas pris à la légère mais il s’impose. 

 

Quel est l’avenir du site de Montdidier qualifié localement de performant et compétitif ?

Ce n’est pas parce qu’un site industriel tourne qu’il est rentable. C’est malheureusement le cas avec le site de Montdidier. D’où la décision qui a été prise de le fermer au 31 mars prochain. 

 

Quel sera l’impact de cette fermeture de site pour les éleveurs des Hauts-de-France ? Que va devenir leur production ?

Aucun éleveur des Hauts-de-France travaillant sous contrat avec Matines ne sera impacté. Tous les œufs qu’ils produisent continueront à être enlevés dans le cadre contractuel qu’ils ont avec nous. Nous continuerons à respecter nos engagements, comme cela est le cas depuis le début. Sans le soutien du Groupe, Matines n’existerait plus. Dans le même temps, Matines n’existerait plus si elle ne pouvait pas compter sur les éleveurs avec qui elle travaille et sur ses clients. Ce projet de fermeture impacte aussi directement les 48 salariés du site de Montdidier et nous faisons tout ce qui est possible pour eux. Nous cherchons des solutions pour chacun d’entre eux avec une cellule locale qui travaille à leur proposer un reclassement interne ou externe à l’entreprise Matines.  

L’arrêt de Montdidier va-t-il, comme on a pu l’entendre, «profiter» à d’autres sites Matines en France ?

La fermeture de Montdidier ne va profiter à personne. Nous avons le projet d’arrêter l’activité industrielle du site de Montdidier. Ce n’est pas l’activité commerciale de Matines qui s’arrête mais, nous recentrons cette activité industrielle sur nos autres centres de conditionnement : en Bretagne, dans le sud-est et le sud-ouest, où sont nos bassins de consommation.   

 

Quel a été l’impact du Covid-19 sur l’activité 2020 ? Et plus particulièrement celui du confinement ?

L’impact des confinements sur l’œuf coquille a été très limité. Il y a effectivement eu une augmentation des achats d’œufs en GMS pendant le premier confinement, mais il y a eu dans le même temps un effondrement des achats d’œufs sur le segment de la restauration. 

 

Matines s’est fixée l’objectif de produire 100 % d’œufs alternatifs d’ici 2025. Est-ce réalisable ?

Cet engagement date de 2018 et il tient compte de l’évolution de la demande de nos clients. Le marché de l’œuf alternatif se structure rapidement. Le dernier exemple, c’est l’arrêt de la commercialisation par la GMS d’œufs standards en marques de distributeurs (MDD) depuis le 31 décembre 2020. Cela veut dire que l’on peut encore trouver des œufs standards dans les grandes surfaces, mais ces œufs ne sont plus vendus sous marques de distributeurs. 

 

Votre entreprise est parfois critiquée pour ne pas avoir «anticipé» l’abandon de l’élevage de poules pondeuses en cages. Pourquoi ne pas avoir pris le virage plus tôt ?

Nous sommes en train de transformer notre filière et cela nous conduit à emmener nos éleveurs partenaires dans ce changement, pour répondre aux attentes nouvelles des consommateurs. En 2012, quand il a fallu nous adapter au changement de cahier des charges pour la production d’œufs standards, nous l’avons fait avec nos éleveurs partenaires et nous les avons accompagnés pour cela. Mettre des œufs en marché demande un temps long. La filière ne peut pas se transformer du jour au lendemain. La preuve, ce qu’il y a encore beaucoup d’œufs standards sur le marché aujourd’hui. 

 

Quand un client de Matines annonce vouloir arrêter la commercialisation d’œufs standards, quelle est la réaction de l’entreprise ?

Nous répondons à des appels d’offres lancés par des acheteurs, que ce soit en MDD ou pour placer nos marques nationales que sont Matines et Mas d’auge. Une entreprise qui ne répond à ces exigences d’acheteurs et au marché en sort mécaniquement. Nous agissons en fonction de la loi de l’offre et de la demande. Cela est valable pour l’œuf comme pour d’autres productions. Une entreprise se doit de répondre aux attentes des consommateurs, au risque de disparaître.

 

Quel est le poids réel du consommateur dans la nouvelle structuration de la filière œufs ? Le consommateur sera-t-il plus heureux quand il n’aura plus d’autre choix que des œufs alternatifs ?

Il existe énormément d’études qui démontrent aujourd’hui que le consommateur veut une nouvelle offre. Le marché évolue. L’objectif de Matines est de mettre en marché des œufs qui correspondent à une demande. Car à la fin, le but est bien de créer de la valeur, pour nous, comme pour nos partenaires éleveurs.

 

Matines dans le grappin des associations animalistes

Depuis 2016, la marque Matines et certaines associations de défense des droits des animaux entretiennent des rapports pour le moins… compliqués ; au premier rang desquelles l’ONG L214. Au cours des dernières années, L214 s’est ainsi illustrée au moins à quatre reprises en s’introduisant dans des bâtiments d’éleveurs sous contrat avec Matines pour y tourner illégalement des vidéos et dénoncer les conditions d’élevage en cages des poules pondeuses.
Interrogé sur le poids de ces associations dans le changement de stratégie de Matines et son ambition d’atteindre 100 % d’œufs alternatifs d’ici 2025, Daniel Pagniez botte en touche. Le même dirigeant de Matines reste tout autant discret, pour ne pas dire muet, quand on lui demande s’il craint qu’après l’élevage en cages, les autres modes d’élevage viennent eux aussi à s’attirer les critiques d’associations de défense des animaux. En décembre 2018, on se souvient qu’une pétition avait été lancée par L214 demandant au groupe Avril, l’actionnaire de Matines, de mettre un terme à l’élevage de poules pondeuses en cages. En l’espace de quelques jours, elle avait recueilli 60 000 signatures. En juin 2019, la même association ne se gênait pas de son côté pour «revendiquer» la décision de Matines d’abandonner l’élevage de poules pondeuses en cages pour des modes d’élevage alternatifs. Suite à cette annonce, L214 saluait «une bonne décision», la corrélant avec «plusieurs mois de campagne et d’enquêtes» qu’elle avait réalisé. 
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