Fermeture des cantines : nouveau défi pour les agriculteurs fournisseurs
Confinés, déconfinés, restaurants fermés, cantines à demi-effectifs… Depuis un an, les agriculteurs qui vendent leurs produits en circuit court doivent gérer l’imprévu. Cette nouvelle fermeture des écoles est un coup dur de plus.
Confinés, déconfinés, restaurants fermés, cantines à demi-effectifs… Depuis un an, les agriculteurs qui vendent leurs produits en circuit court doivent gérer l’imprévu. Cette nouvelle fermeture des écoles est un coup dur de plus.
Du jour au lendemain, Carine Bouvet, installée à Tours-en-Vimeu avec son mari, Benoît, s’est retrouvée avec une charolaise entière fraîchement abattue sur les bras. Elle était prévue pour la restauration scolaire des collèges de Gamaches et de Friville-Escabotin*, qui devaient être livrés le 9 avril. La vache part toujours quinze jours voir trois semaines avant la date de livraison. "Quand Emmanuel Macron a annoncé la fermeture des écoles, mercredi, j’étais dépitée, mais j’ai tout de suite réagi», témoigne l’éleveuse.
Post sur Facebook, appels et messages à son réseau personnel… Carine s’est démenée pour trouver «un plan B». «Une génisse représente trente colis de 10 kg. Je ne les ai pas atteints, mais j’ai proposé beaucoup de vente au détail, et les clients ont répondu présents.» Elle va notamment faire une grosse livraison près d’Arras, où elle a conservé un réseau d’amis d’enfance, qui ont relayé son annonce. «La casse est limitée, mais c’était du stress et beaucoup d’énergie dépensée», avoue-t-elle.
Le gros point d’interrogation, désormais, repose sur la vache prévue pour le 20 mai à destination des collèges, et qui doit donc partir pour l’abattoir dans une quinzaine de jours. «D’ici-là, les établissements scolaires sont censés être rouverts, mais c’est un risque à prendre.» Toute une organisation est à nouveau chamboulée, car pour livrer cinq établissements à raison d’une bête par mois, Carine a établi un programme à l’année. «Cela permet de faire une finition optimale de nos vaches, pour garantir la meilleure qualité possible. On aime le travail bien fait !»
Reconditionnement et prix cassés
À la Laiterie de la Baie, à Ponthoile, Christelle Fromentin est dans le même embarras. Les yaourts, beurre, lait, et crème fraîche qui étaient au menu de la semaine des six collèges et lycées qu’elle livre chaque semaine lui restent sur les bras. «Nous travaillons à J-8 pour préparer les commandes. Il va donc falloir reconditionner les préparations pour pouvoir vendre aux particuliers et mettre en place deux semaines de promotions pour écouler le maximum», se désole-t-elle. L’enjeu est de satisfaire des clients qui cherchent dans les produits fermiers de l’ultra-frais. «Nous avons une DLC (date limite consommation, ndlr) de vingt-cinq jours, et les gens achètent rarement au-delà de deux semaines avant cette DLC.»
«Les annonces gouvernementales sont toujours faites à la dernière minute, et à chaque fois, c’est un nouveau défi que nous devons relever pour écouler nos produits déjà fabriqués»
Pour l’agricultrice, c’est l’urgence qui est le plus dur à gérer. «Les annonces gouvernementales sont toujours faites à la dernière minute, et à chaque fois, c’est un nouveau défi que nous devons relever pour écouler nos produits déjà fabriqués», souligne-t-elle. Lors du premier confinement, il y a un an, 47 % du chiffre d’affaires ont été perdu du fait de la fermeture des restaurants et des écoles. «Les gens se sont rués sur les commerce de proximité comme le nôtre. Ça n’a pas compensé la totalité des pertes, mais ça en a sauvé une partie. Le déconfinement a été une épreuve de plus, car les gens sont retournés travailler et ont réduit leurs achats de proximité, alors que les restaurants n’ont pas rouvert et que les cantines n’ont pas commandé autant qu’avant.» Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? La saison touristique sur laquelle la Laiterie de la Baie mise beaucoup, dont Pâques sonne le coup d’envoi, est sacrément retardée.
Pour être moins dépendant des consommations urbaines et touristiques, Christelle Fromentin mise sur d’autres canaux de vente. «Nous avons développé notre propre site de vente en ligne, et nous avons mis en place un système de livraison dans un rayon de 10 km. Nous vendons aussi grâce au Drive fermier qu’a mis en place la chambre d’agriculture.» Ne pas mettre tous ces œufs dans le même panier est une stratégie efficace en temps de crise.
*via la plateforme de vente aux professionnels et aux collectivités Approlocal
«On fait marcher nos réseaux»