Fin de la taxe d’habitation : ce que prévoit la réforme
Les ministres Jacqueline Gourault et Gérald Darmanin ont dévoilé comment ils comptent compenser la fin de la taxe d’habitation pour les collectivités locales. Explications.
L’engagement du président de la République de supprimer la taxe d’habitation a ouvert la voie à une refonte de la fiscalité locale. Après des mois de travaux, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, et Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics, viennent de réaliser une concertation avec les associations d’élus locaux à Bercy, avant le débat au Parlement prévu à l’automne, dans le cadre de la loi de finances pour 2020, et qui rentrera certainement en vigueur en 2021.
En tout cas, ils confirment leur intention de supprimer la taxe d’habitation en trois fois pour les 20 % de ménages qui dépassent un certain seuil de revenu, et qui ne profitent pas pour l’instant de ce dégrèvement. Il sera acquis à horizon 2023.
Face à la colère des zones rurales, qui s’est exprimée au cours des débats, le gouvernement envisage d’injecter un milliard de plus dans les finances locales pour accompagner les petites communes.
Gérald Darmanin insiste sur le fait que «nous ne sommes pas dans la précipitation. Nous voulons donner de la visibilité aux maires avant les municipales, en respectant les priorités que nous nous sommes données : ne pas créer d’impôt supplémentaire, compenser à l’euro près les ressources pour les collectivités et simplifier la fiscalité locale».
Le gouvernement estime que cette réforme de la taxe d’habitation est une mesure de justice fiscale. «Nous allons rendre, au total, à peu près 17 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français», estime le ministre. Le gain moyen à terme de la réforme sera de 723 € par foyer fiscal pour 24,4 millions de foyers.
Les 20 % restants
Le gouvernement va appliquer le même schéma que pour les 80 % des ménages les plus modestes, c’est-à-dire que la taxe d’habitation, pour les 20 % des foyers les plus aisés, baissera d’un tiers en 2021, à nouveau d’un tiers en 2022, et disparaîtra en 2023. Donc, 2022 sera la dernière année où des Français paieront une taxe d’habitation sur leur résidence principale.
En revanche, les résidences secondaires seront toujours taxées, mais la taxe changera de nom.
Quant à la redevance télévisuelle, elle ne sera pas supprimée. Celle-ci sera adossée certainement à l’impôt sur le revenu, mais il est prévu que cette réforme intervienne ultérieurement.
Financement de la réforme
Le montant de la taxe d’habitation représente 23 milliards d’euros en 2018, auxquels il faut retirer
2,6 milliards d’euros de taxe de résidence secondaire, que les contribuables continueront à payer. Sur cette somme restante, l’Etat prend en charge 3,7 milliards d’euros de dégrèvement. Il faut aussi rajouter 300 millions de frais donnés aux Régions. C’est donc une baisse d’impôts de 17 milliards d’euros pour les citoyens qu’il faut compenser pour les collectivités locales.
Le gouvernement propose aux élus locaux de donner l’intégralité de la taxe foncière au bloc communal : la part départementale redescendra aux communes et les intercommunalités conserveront leur part actuelle. Si une commune a une recette de 50 de taxe foncière et de 100 de taxe d’habitation, elle aura demain 150 de taxe foncière. En compensation, les Départements se verraient affecter une part d’un impôt national. Le gouvernement envisage d’affecter une partie de la TVA aux Départements, comme cela avait été fait aux Régions.
Certains maires dénoncent le fait que des communes toucheront moins de taxe foncière que de taxe d’habitation et qu’un dispositif de compensation sera nécessaire.
Sur les 36 000 communes, le gouvernement répond que 24 000 toucheront plus de taxe foncière que de taxe d’habitation avant la réforme. D’ailleurs, il est prévu qu’elles garderaient ce surplus de taxe foncière, à condition qu’il n’excède pas 15 000 €.
Plusieurs centaines de communes devraient ne pas voir de différence. Mais 10 000 communes auront des ressources inférieures à ce qu’elles avaient avant. C’est pourquoi le gouvernement envisage de compenser en attribuant un milliard de recettes supplémentaires aux collectivités.
Révision des valeurs locatives dès 2022
Le gouvernement va proposer d’ouvrir le sujet de la réévaluation des valeurs locatives de la taxe foncière, qui n’a pas été traité depuis cinquante ans. Il est fort probable que le prochain projet de loi de finances autorise Bercy à travailler sur ce point en 2021 en collectant les données locatives des habitants et, qu’à partir de 2022, la réforme puisse être mise en place. Le gouvernement actuel recherche avant tout à remettre de la justice dans les bases de calcul, qui n’ont pas été revues depuis les années 1970, mais ne semble pas avoir la volonté d’augmenter les impôts fonciers.
Tout le monde le sait, d’innombrables injustices existent, et ce ne sera pas simple de remettre tout à plat. Ce travail devrait durer de cinq à six ans. Aujourd’hui, il arrive fréquemment que certaines résidences dans Paris payent moins d’impôts que certaines grandes villes moins attrayantes pour une surface équivalente.
Le système actuel pose aussi un problème de lisibilité parce que la commune et le Département peuvent intervenir sur le calcul de la taxe foncière. Quand une commune baisse ses taux, alors que le Département les augmente, les efforts de la commune ne se voient pas. Cette réforme permettra peut-être de renforcer le lien citoyen entre le contribuable et sa commune.
L’Etat s’engage à garantir des ressources pérennes pour toutes les collectivités. Le ministre précise à ce sujet que «l’on n’entend plus les Régions parler de pouvoir de taux depuis qu’elles ont récupéré une fraction de la TVA, qui est une recette très dynamique. De même, de nombreux présidents de conseils départementaux ne verront pas non plus d’un mauvais œil de bénéficier d’un impôt national dynamique, en particulier dans les départements pauvres. On renforce les Départements en leur garantissant des ressources fondées non pas sur des iniquités territoriales, mais sur la solidarité nationale. Il faut garder en perspective que cette réforme a d’abord été conçue pour les citoyens, pour leur garantir une fiscalité plus simple et plus juste».