Gare aux animaux sur les voies SNCF !
SNCF Réseau Hauts-de-France souhaite attirer l’attention des éleveurs sur les conséquences des divagations d’animaux sur le trafic ferroviaire. Mathilde Savoye, chef de pôle Environnement et développement durable à Lille, nous en explique les raisons.
Quelle est l’ampleur du problème des divagations dans la région Hauts-de-France ?
Mathilde Savoye : En 2017, 39 heurts d’animaux d’élevage ont été recensés dans la région. Dans près de 70 % des cas, des vaches étaient impliquées. Les chevaux sont la cause de 16 % des heurts et les moutons de 10 %. Quelques tendances se dégagent : plus de chevaux impactés dans l’Oise, par exemple, un réseau plus rural en Picardie et plus urbain dans le Nord-Pas-de-Calais, des incidents qui se produisent plutôt l’été alors que les animaux sont au pâturage, des chiffres variables d’une année à l’autre. Pour autant, le phénomène est généralisé sur le territoire régional et récurrent. C’est une cause régulière de retard des trains, même si ce n’est pas la principale.
Les animaux sauvages sont-ils aussi la cause de heurts et de retards ?
M. S. : Oui, et même de façon plus prégnante que les animaux domestiques puisque la faune sauvage est dans le top cinq des causes de retard des trains. En 2017, on a recensé 66 incidents avec la faune sauvage, principalement des heurts de sangliers.
Qui établit ce recensement ?
M. S. : La divagation de personnes ou de gros animaux (à partir de la taille d’un mouton) sur les abords de voies ferrées fait l’objet d’un signalement par les conducteurs de trains. Cela va permettre de prévenir les agents sur le terrain pour qu’ils interviennent, et aussi les conducteurs des trains suiveurs, qui vont ralentir leur convoi pour éviter les heurts.
En cas de heurt, le conducteur doit arrêter son train pour inspecter le convoi et évaluer les dégâts. Il signale l’incident de la même façon.
Une base de données regroupe l’ensemble des signalements qui ont débouché sur des retards de plus de cinq minutes, ce qui nous donne une bonne image du phénomène, de son ampleur et de sa répartition géographique.
Quelles sont les conséquences de ces heurts ?
M. S. : Le principal impact est, bien entendu, le retard du train concerné, mais aussi des trains suiveurs et l’irrégularité induite sur le trafic. Par exemple, les 39 heurts de 2017 ont impacté 189 trains au total et causé 56 heures de retard cumulé soit, en moyenne, 1 heure 30 par incident. C’est énorme et cela a un impact global sur l’entreprise. Les conséquences se traduisent aussi par des dégâts sur le matériel roulant et notamment les rames de TER, qui doivent parfois être immobilisées plusieurs jours pour réparation, perturbant alors le plan de maintenance. Les frais peuvent atteindre 10 à 15 000 euros. Enfin, du fait de ces retards, des entreprises fret qui utilisent le réseau ferré peuvent demander un dédommagement.
Vous le voyez, ces incidents peuvent avoir des conséquences lourdes pour SNCF et ses clients.
Quelles sont les conséquences pour les propriétaires des animaux d’élevage impliqués ?
M. S. : La responsabilité civile du propriétaire est engagée. Des poursuites pénales et des demandes d’indemnisation peuvent être engagées. SNCF dispose d’un pôle assurances-dommages, dont l’une des missions est de gérer ces problématiques.
Comment limiter les heurts sur les voies ferrées ?
M. S. : Seules les lignes à grande vitesse et les abords de certaines gares ou de points sensibles sont clôturées. Ainsi, rien n’empêche la circulation des animaux sur les voies, et donc les accidents. Ce sont les propriétaires des animaux au pâturage qui doivent vérifier et entretenir leurs clôtures. C’est d’ailleurs une obligation inscrite au Code rural. Les éleveurs doivent donc être prudents et s’assurer que leurs installations empêchent bien la divagation de leurs animaux.
Comment communiquer vers les éleveurs ?
SNCF Réseau a mené une campagne de sensibilisation en ce sens en Normandie, dans le cadre du partenariat signé en 2016 au niveau national entre SNCF Réseau, la FNSEA et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, qui va au-delà de cette simple question des heurts. L’essentiel pour nous est de faire passer le message que ces incidents, si minimes soient-ils parfois, peuvent avoir un fort impact sur notre activité et qu’il convient donc de trouver ensemble des solutions pour les limiter.
Responsabilité civile du fait des animaux
Selon l’article 1243 du Code civil, le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé.
Conditions
La nature zoologique des animaux est indifférente et le texte s’applique aux animaux les plus variés : animaux de compagnie, animaux de ferme ou d’élevage. Cependant, la nature juridique de l’animal est importante car seuls sont visés, les animaux susceptibles d’être appropriés, à l’exclusion donc des animaux sauvages qui vivent à l’état libre tel que le gibier.
Pour faire jouer cette responsabilité, un préjudice doit avoir été causé par un fait actif de l’animal, c’est-à-dire qu’il y a fait actif de l’animal dès que celui-ci a eu un rôle causal dans la production du dommage.
En d’autres termes, le simple fait que l’animal soit la cause directe du dommage de la victime suffit à engager la responsabilité civile de son propriétaire ou de celui qui s’en sert.
Effets
Le texte rend responsable le propriétaire de l’animal ou celui qui s’en sert, même lorsque l’animal s’est égaré ou échappé. Le seul moyen pour le propriétaire de l‘animal de se décharger de la présomption est d’établir que l’animal avait été confié à une autre personne.
Il convient aussi d’ajouter que la responsabilité du propriétaire de l’animal ou celui qui s’en sert est une responsabilité de plein droit, car elle ne repose pas sur une idée de faute. Ainsi, la démonstration de l’absence de faute de sa part constitue un moyen de défense inefficace.
Dans le cadre d’un accident ferroviaire, la seule hypothèse dans laquelle le propriétaire de l’animal ou celui qui s’en sert pourra échapper à sa responsabilité est d’apporter la preuve que le dommage est dû à un cas de force majeure (exemple : cheval effrayé par le tonnerre).
Camille Gourguechon (FDSEA de l’Oise)