Georges Dufour, un paysan engagé dans sa commune
Dans le cadre du Printemps de Bienvenue à la ferme, l’agriculteur à la retraite depuis janvier 2016, ouvre les portes de sa ferme, à Saveuse, le 1er mai. Retour sur l’histoire d’un homme et d’une famille où l’engagement n’est pas un vain mot.
Il aurait pu être pharmacien, sans vraiment de vocation. Il est devenu paysan avec vocation. «J’ai toujours été paysan. C’est un état d’esprit, une façon de voir les choses, comme un rapport au temps et la nature spécifique», dit Georges Dufour. Une vocation transmise par son père et son grand-père, même s’il n’a pas connu ce dernier, mort deux ans avant sa naissance. Mais étant né le même jour que lui, il a hérité naturellement de son prénom, mais aussi de son regard aigu sur le monde environnant et le milieu agricole.
Et, comme tout fils de paysan, il a toujours suivi les pas de son père, aidant à la ferme quand il n’y avait pas école, dans les champs comme à l’étable. Comme son père, il développe très vite une passion pour l’élevage des vaches laitières, mais aussi les chevaux, des trotteurs, que son père entraîne pour les courses. Reste qu’il n’y a pas suffisamment de place à la ferme pour qu’il puisse s’installer. Ne sachant que faire, il décide de suivre les pas de sa tante, pharmacienne dans le village d’à côté.
L’opportunité de racheter une ferme de 25 ha à Fontaine-le-Sec avec son frère va lui permettre de revenir vers ses racines. Il s’installe en 1976. Son frère s’occupe des chevaux, regroupés à Fontaine-le-Sec, lui, d’une trentaine de vaches sur la ferme familiale à Saveuse. Les deux font aussi des céréales et un peu de betteraves fourragères pour les vaches. De 90 ha, avec le regroupement des deux fermes, puis le rachat progressif de terres de voisins à Saveuse, l’exploitation atteint plus de 130 ha.
«J’aimais bien travailler dans les champs, mais je me sens avant tout éleveur. J’ai d’ailleurs toujours autant de hâte à ce que les génisses vêlent. La souche sur laquelle je travaillais était la même que celle de mon père, c’est dire qu’il était bon dans la sélection», raconte-t-il. Georges l’est tout autant, même s’il est trop pudique pour le dire. Il fera aussi des porcs et de la volaille, avec le même succès. «Eleveur, précise-t-il, c’est un vrai métier. Il faut être doté d’un vrai coup d’œil pour intervenir dès qu’une bête n’est pas bien.» Un réflexe qu’il n’a pas perdu, puisque, même en retraite, il ne résiste pas à l’envie de passer voir les vaches tous les matins pour s’assurer qu’elles vont bien. «Mais, ajoute-t-il en riant, je me sèvre progressivement.» C’est aujourd’hui, Gilles, l’un de ses fils qui a pris la relève. Gautier, un autre de ses fils, vient aussi de rejoindre la ferme. «Ici, c’est famille, famille», dit l’épouse de Georges Dufour, fille, épouse et mère d’agriculteurs.
Le goût des autres
Si l’agriculteur est heureux dans sa ferme, il a aussi besoin de rencontrer d’autres personnes et de découvrir des horizons différents. Aussi quand son père cesse d’être administrateur de la caisse locale du Crédit agricole d’Amiens, en 2002, Georges prend la relève. Il en devient le président et est administrateur à la caisse régionale. «C’est important d’avoir une vision différente sur plein de choses et de voir comment cela se passe chez les autres et dans d’autres professions.» Mais, plus encore, ce sont les valeurs de solidarité et de mutualité qui l’animent au premier plan. «J’aime bien m’occuper des gens», reconnaît-il. Même si s’occuper des autres apportent autant de «satisfactions que d’emmerdements. Mais bon, il paraît que j’ai un côté un peu Mère Teresa», plaisante-t-il.
C’est dans la même logique qu’il s’engage dans sa commune, après que son père cesse son mandat de maire en 2001. «Je ne me suis présenté que lorsqu’il a arrêté, car je considérais qu’il n’était pas correct que deux personnes de la même famille siège au conseil municipal. Il faut que tout le monde puisse représenter son village», explique-t-il. Pour son premier mandat, faute de temps, il demande à occuper un poste de conseiller municipal, mais siège aussi à Amiens métropole. De quoi lui donner une vision plus globale des problématiques communales sur un territoire plus large. Considérant en 2008 que le maire n’est pas suffisamment un chef de troupes, il monte sa propre liste. S’il arrive largement en tête des suffrages au premier tour, l’union des listes adverses renverse la vapeur au second tour. Il est battu. Un vrai coup dur pour celui qui a toujours été présent quand il était sollicité. Il aura sa revanche en 2014. Son projet ? «Tout faire pour que les gens se sentent bien dans le village, créer l’unité en son sein, et un village propre et calme.» Il suffit de se promener dans Saveuse pour se rendre compte de la réussite de son projet.
Mais l’homme n’est pas du style à se reposer sur ses lauriers. Sur son exploitation, une partie des bâtiments est inoccupée depuis qu’il a arrêté les volailles. «Je suis un peu comme la nature, j’ai horreur du vide. Ce bâtiment avait un potentiel important, je trouvais dommage de le laisser partir en déshérence», commente-t-il. Mais qu’en faire ? L’idée émerge au début des années 2000 quand la Chambre d’agriculture et Amiens Métropole lancent une enquête conjointe pour recenser les bâtiments agricoles qui pourraient être transformés en hébergements à la ferme. Le lieu s’y prête parfaitement, selon les Bâtiments de France.
Georges n’hésite plus. ll se lance en 2004 avec son épouse et crée cinq chambres d’hôtes et un gîte avec deux chambres. «C’était l’occasion ou jamais de redonner un potentiel à ce bâtiment, comme d’augmenter sa valeur patrimoniale», relève-t-il. Et une occasion de plus de montrer à ses visiteurs ce qu’est le métier d’agriculteur. Parce que lorsqu’on est paysan, on le reste, quoi qu’il advienne.
Portes ouvertes
Visite de l’exploitation, marché de producteurs, artisanat local et dégustation. Cochon grillé à partir de 13h.
Ferme des Kintrabell, 3 rue de l’Eglise, à Saveuse. Tél. : 03 22 54 17 37 ou 06 24 08 00 50. Mail : contact@leskintrabell.com