Glyphosate : remettre de la rationalité dans le débat
Le 12 novembre, la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate a présenté son rapport d’étape. Ce rapport souligne les impasses techniques et l’impact économique de la sortie du glyphosate.
En un an d’existence, la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, installée fin octobre 2018, a mené plus de cinquante auditions pour entendre toutes les parties prenantes et a effectué deux visites sur le terrain pour constater l’impact d’une interdiction du glyphosate sur différentes filières agricoles. Julien Dive, président de la mission d’information, précise que le premier rapport d’étape de la mission, présenté le 12 novembre, a pour ambition de replacer le débat dans une atmosphère rationnelle en redonnant sa place à la science. «Nous voulons remettre la science au cœur du débat et des décisions politiques pour aller contre l’irrationalité de certains arrêtés», insiste Jean-Baptiste Moreau, co-rapporteur du texte.
En introduction, Jean-Luc Fugit, co-rapporteur du texte, a souhaité rappeler que si les transitions sont souhaitables, l’agriculture française est déjà vertueuse. «Il existe une vraie dynamique dans ce sens, mais les solutions de sortie ne sont ni uniques ni simples. Il faut avoir une attitude exigeante, bienveillante et réaliste», ajoute le député. Les membres de la mission ont regretté que seules les données de vente du glyphosate jusqu’en 2017 soient disponibles. Ils souhaitent donc généraliser les enquêtes sur l’usage de ce produit au sein des interprofessions, mais aussi créer une plateforme nationale d’enregistrement des produits phytopharmaceutiques, en particulier du glyphosate. Jean-Baptiste Moreau précise qu’il s’agit de suivre l’utilisation réelle du produit, car les ventes n’en sont pas toujours un bon indicateur.
Des impasses à une sortie totale en 2021
Le rapport met en lumière deux limites à la sortie totale du glyphosate en 2021. Il se penche d’abord sur l’impact économique engendré par l’arrêt du glyphosate dans les exploitations. «Il faut identifier les coûts pour accompagner les filières dans les transitions», explique Julien Dive. Le rapport avance ainsi que les données fournies par les filières agricoles permettent de prévoir une hausse des charges entre 50 et 150 E/ha. De plus, le rapport précise les impasses techniques. Les pratiques culturales où il n’existera pas, d’ici 2021, d’alternative au glyphosate sont donc identifiées. En plus des vignes en forte pente, de certaines vivaces… les deux co-rapporteurs et le président de la commission ont largement évoqué l’agriculture de conservation des sols comme pratique culturale où il n’existera pas d’alternative. «Il s’agit d’une pratique vertueuse qui permet de stocker du carbone et de préserver la biodiversité, elle ne doit pas être mise en péril !», insiste Jean-Baptiste Moreau. Le rapport énonce donc que pour ces usages, il faudra mettre en place des dérogations. Toutefois, les députés s’inquiètent du calendrier à venir, ils jugent qu’il serait inconscient d’attendre décembre 2020 pour présenter les dérogations. Le rapport propose donc de faire préciser à l’Inra et aux instituts techniques, au plus tard en juin 2020, les situations qui ne pourront supporter un arrêt du glyphosate en janvier 2021, sans menacer la survie de l’exploitation, ni son environnement, ainsi que les délais qu’il faut raisonnablement envisager pour préparer leur sortie définitive afin que les agriculteurs aient de la visibilité et anticipent au mieux les changements et se préparent sereinement à la transition. La mission attend donc de l’état qu’il clarifie son message à l’égard du monde agricole.