«Il faut bâtir ensemble une nouvelle stratégie agricole»
La Chambre d’agriculture de région demande la signature d’un pacte d’avenir entre la profession agricole, l’Etat et la Région.
Xavier Bertrand était l’invité de la première session de la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais-Picardie, qui s’est tenue lundi dernier près d’Arras, à Saint-Laurent-en-Blangy (62). L’occasion pour le président de la nouvelle grande région d’écouter les attentes de la profession agricole et d’évoquer les grandes lignes de la future politique agricole régionale. «C’est un signe fort», souligne Christophe Buisset, président de la nouvelle Chambre d’agriculture de région, qui rappelle que «le Nord-Pas-de-Calais-Picardie est une région agricole majeure ; un leader sur le volet des productions végétales, et qui dispose d’un élevage présent sur la quasi-totalité de son territoire, avec un poids économique et social incontournable». Selon lui, il apparaît vital de «construire ensemble un projet stratégique pour l’agriculture et l’agroalimentaire de la nouvelle région».
Nouveau projet stratégique
«Il nous faut à tout prix avoir une vision d’avenir forte, à la fois pour nos éleveurs et nos agriculteurs, surtout les jeunes, mais aussi pour nos salariés et, plus largement, pour les acteurs qui entreprennent sur nos territoires, affirme-t-il. Pour y parvenir, il faut s’appuyer sur ce qui nous rassemble». Toujours est-il qu’il est nécessaire de poser quelques préalables. Pour Christophe Buisset, il ne peut y avoir d’agriculture sans consommateurs : «Ce nouveau projet stratégique doit les intégrer aussi, en s’appuyant sur nos labels, nos marques régionales et la restauration hors domicile (RHD).» Et ce dernier de lancer l’idée d’un chèque restaurant «produits locaux Nord-Pas-de-Calais-Picardie» pour tous les habitants de la région. «Il faut que notre agriculture, qui est plurielle, soit porteuse de solutions à la fois pour l’emploi et pour une alimentation de qualité, mais accessible à tous les consommateurs», insiste-t-il. Par ailleurs, le président de la Chambre d’agriculture de région estime que l’Etat doit être «un facilitateur aux côtés des forces économiques et sociales agricoles. Sur ce lien entre producteurs et consommateurs, le ministère de l’Agriculture peut et doit jouer un rôle clé en éclairant le consommateur sur l’étiquetage et l’origine des produits. Il doit également porter cette vision à l’échelle européenne d’une région qui fait de l’agriculture et de l’agroalimentaire le socle d’une économie territoriale dynamique.» Et de poursuivre : «La réforme de l’organisation territoriale et la gestion du 2e pilier de la Pac renforcent la capacité d’intervention du Conseil régional, qui doit réaffirmer sa volonté de remettre nos filières agricoles au premier rang via des aides à la modernisation des outils de production ou en appuyant des investissements qui feront gagner en compétitivité aussi bien l’amont que l’aval, notamment sur l’abattage et la transformation.»
Pacte d’avenir
D’après Christophe Buisset, la Région doit pouvoir s’appuyer également sur des filières et des organisations de producteurs «adaptées aux forces du marché et aux nouvelles formes de consommation». C’est pourquoi, celui-ci demande la signature d’un pacte d’avenir entre la profession agricole, l’Etat et la Région. Avant de préciser le rôle de chacun : «A l’Etat de mettre en place les dispositifs pour compenser immédiatement le différentiel de compétitivité par une baisse de plusieurs points des charges sociales, comme il vient de l’annoncer ; de faire appliquer également des mesures coercitives envers la grande distribution lorsque cela s’avère nécessaire. Aux législateurs de porter une véritable ambition sur l’instauration d’une TVA sociale dès 2017. A la Région de porter haut l’ambition agricole régionale en termes d’innovations, de communication, de promotion, de formations, de reconversion et d’accompagnement social en lien avec les Conseils départementaux. Et à la profession agricole de bâtir une organisation des filières capable de rémunérer les producteurs.» Il prévient par ailleurs que «l’intensité des difficultés actuelles doit être regardée et analysée avec lucidité et courage. Aucune vision économique n’a de sens si la situation des exploitations agricoles et la situation de ces femmes et de ces hommes ne sont pas convenablement prises en compte. Il faudra les accompagner pour les aider à prendre leur décision : poursuivre leur activité, se reconvertir et se former». Message reçu par Xavier Bertrand qui veut «travailler main dans la main avec la profession dans un état d’esprit différent. Il y a une volonté de notre part d’être à vos côtés, comme sur le plan pour l’élevage. Un certain nombre d’erreurs ont été commises par le passé. Il faut bâtir ensemble une nouvelle stratégie». Ce dernier s’est dit prêt sortir des sentiers battus pour co-bâtir cette nouvelle politique agricole : «Il faut changer de paradigme passer d’une logique revendicative à une logique combative, martèle-t-il. Essayons de montrer dans cette région que nous avons un autre avenir. Nous ne sommes pas la région la plus riche de France, mais nous sommes riches de notre agriculture.»
«J’ai une obligation de résultats»
Le président de la Région veut proposer plus qu’un plan conjoncturel, «même si l’année 2016 s’annonce très difficile. Je sais que les plans d’urgence ne suffiront pas pour sauver tous les agriculteurs, admet-il. Afin de ne pas multiplier les pansements sur une jambe de bois, nous devons raisonner avec un ou deux coups d’avance plutôt que de réagir lors des crises, en élaborant des mesures plus structurelles qui marient ambitions et actions concrètes». Ce dernier propose notamment la création de «zones franches agricoles. «Jusqu’à un certain niveau de revenus, on instaurerait une franchise fiscale, sociale et normative», dit-il. Enfin, Xavier Bertrand entend bien se donner les moyens de ses ambitions : «Je sais que pour avoir une stratégie de conquête agricole, il faut mettre de l’argent. Mais je ne sais pas forcément où le mettre. À vous de me donner des pistes.» Il assure enfin que la Région fera le maximum dans le cadre de ses compétences et de son budget. «Nous mobiliserons les fonds du 2e pilier de la Pac, mais aussi d’autres crédits régionaux», indique-t-il. Et de continuer : «Vous attendez des conseillers régionaux et du président que nous soyons des lobbyistes du monde agricole et paysan. Tout se joue au niveau national et européen. En tant qu’avocat, je plaiderai les dossiers, mais je ne suis pas celui qui rendra les arbitrages.» Le nouveau patron de la grande région veut aller vite. L’objectif est de présenter la nouvelle feuille de route avant l’été prochain.