Impôt sur le revenu : pourquoi certains devront s’en acquitter ?
La réforme du prélèvement à la source, en vigueur depuis
le 1er janvier 2019, avait pour objectif de simplifier la collecte de l’impôt, mais elle permet également de revenir a minima sur le décalage d’un an entre la perception des revenus et leur déclaration. Cependant, certains d’entre vous resteront redevables d’impôt à payer au mois de septembre.
Explications.
Le prélèvement à la source a pour ambition de s’adapter en temps réel à la situation du contribuable. Celui-ci s’articule autour de deux systèmes, une retenue à la source qui vise schématiquement les personnes titulaires de traitements et salaires ou de pensions de retraites, et un acompte pour les contribuables titulaires de revenus fonciers, de rémunérations relevant de la gérance, de bénéfices agricoles, de bénéfices industriels et commerciaux ou non commerciaux.
Assiette d’acompte historique
Une première réponse à cette question réside dans la structure même du prélèvement à la source. En effet, qu’il s’agisse du calcul de l’acompte, ou bien de la détermination du taux du prélèvement à la source, ceux-ci sont déterminés à partir d’une assiette historique. À titre d’exemple, les acomptes appelés par les services de l’administration fiscale entre les mois de janvier 2019 et août 2019 étaient établis sur la déclaration d’impôt sur le revenu déposée en 2018 et portant sur les revenus de l’année 2017. Les acomptes appelés entre les mois de septembre 2019 et décembre 2019 étaient établis sur la déclaration d’impôt sur le revenu déposée en 2019 et portant sur les revenus de l’année 2018.
Or, le montant de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 qui fait actuellement l’objet de la campagne déclarative porte sur les revenus perçus en 2019. Ainsi, les acomptes qui ont été payés au titre de l’année 2019, ne correspondaient ainsi aucunement à la réalité des revenus perçus en 2019. Au mois de septembre 2020, vous aurez ainsi selon votre situation, une restitution d’impôt ou un reversement à effectuer.
À titre d’exemple, Monsieur Cas est associé exploitant de la SCEA Rembart à hauteur de 51 %. Sa quote-part de bénéfices s’élève à 80 000 € en 2017, 85 000 € en 2018 et 100 000 € en 2019. L’assiette de l’acompte s’est élevée à 6 667 € avec un taux de prélèvement à la source de 23,61 % entre janvier et septembre 2019. L’assiette de l’acompte s’est élevée à 7 083 € avec un taux de prélèvement à la source de 24,63 % entre septembre et décembre 2019. Monsieur Cas s’est acquitté au total d’un montant d’acompte s’élevant à 19 570 €. Or, l’impôt sur les revenus de l’année 2019 s’élèvera à 27 086 €. Ainsi, au mois de septembre 2020, Monsieur Cas devra s’acquitter d’un montant d’impôt complémentaire de l’ordre de 7 516 €.
Reprise partielle du CIMR
Une seconde réponse à cette question peut résulter de la reprise partielle du crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR). Afin d’éviter une double sortie de trésorerie sur l’année 2019 entre, d’un côté, les appels de prélèvements à la source et, de l’autre, le paiement de l’impôt sur les revenus de l’année 2018, le législateur avait instauré un mécanisme de crédit d’impôt permettant de «gommer» les bénéfices courant de l’année 2018. Les cas de démarrage d’activité en 2018 sont particulièrement concernés par une éventuelle reprise du CIMR. En effet, le CIMR reposait, notamment pour les bénéfices professionnels, sur un système de comparaison. Il était nécessaire de comparer le bénéfice courant de l’année 2018 (hors plus-values/moins-values, subventions d’équipement, indemnité d’assurance pour perte d’éléments d’actif) avec le revenu courant le plus fort de la période 2015-2017. L’application de ce système de comparaison étant impossible pour les contribuables ayant démarré leur activité en 2018, l’ensemble des bénéfices de l’année 2018 étaient qualifiés de courant. Ils ont ainsi pu bénéficier pleinement du CIMR.
Cependant, le législateur a instauré une mesure anti-abus qui aboutit pour ces contribuables à comparer les bénéfices de l’année 2018 avec les bénéfices de l’année 2019. Dès lors que le bénéfice de l’année 2019 est en deçà de celui de l’année 2018, le contribuable s’expose à une reprise d’une partie de son CIMR au mois de septembre 2020.
À titre d’exemple, Monsieur Picard, célibataire, a démarré son entreprise agricole sous forme individuelle en janvier 2018. Il clôture son exercice au 31 décembre 2018.
Le bénéfice agricole de l’année 2018 s’est élevé à 90 000 €. Le montant de son impôt sur le revenu 2018 aurait dû s’élever à 22 986 €. Cependant, le CIMR a gommé complètement son imposition. Si le bénéfice de l’année 2019 s’élève à 80 000 €, alors l’administration fiscale considérera qu’en 2018, Monsieur Picard a réalisé 10 000 € de bénéfices exceptionnels en raison du mécanisme de comparaison indiqué ci-dessus. Au mois de septembre 2020, il verra ainsi son CIMR repris à hauteur de 2 554 €.
Le cas échéant, dans cette situation, vous pourrez par voie de réclamation précontentieuse auprès des services de l’administration fiscale, tenter d’éviter cette remise en cause, notamment en démontrant que la baisse du bénéfice de l’année 2019 résulte uniquement de la variation de votre activité par rapport à 2018.
CIMR complémentaire pour certains
En revanche, certains d’entre vous n’ont certainement pas pu bénéficier l’an dernier d’un CIMR gommant l’ensemble des bénéfices courant de l’année 2018. Ce cas s’applique en pratique dans l’hypothèse où votre bénéfice courant de l’année 2018 était supérieur au bénéfice courant le plus fort de la période 2015-2017. Dans cette situation, l’excédent de bénéfice de l’année 2018 n’a pas été gommé par le CIMR. Cependant, si votre bénéfice courant de l’année 2019 est au moins égal au bénéfice courant de l’année 2018, voire supérieur, vous pourrez bénéficier au mois de septembre 2020 d’un complément de CIMR.
À titre d’exemple, Monsieur Hugo, célibataire, exploitant à titre individuel une activité agricole a réalisé en 2018 un bénéfice courant de 90 000 €. Le bénéfice courant le plus fort de la période 2015-2017 s’est élevé à 72 000 €. Le montant de son impôt sur le revenu de 2018 s’est élevé à 22 986 €. Cependant, dans le cas présenté, comme le bénéfice 2018 était supérieur au bénéfice le plus fort de la période 2015-2017, le CIMR a été partiel en raison de l’existence d’un bénéfice exceptionnel de 18 000 €. Le CIMR s’est élevé à 18 389 €. Monsieur Hugo a dû s’acquitter au mois de septembre 2019 d’un montant d’impôt sur les revenus de l’année 2018 de l’ordre de 4 597 €.
Si le bénéfice courant de l’exploitation agricole de Monsieur Hugo est au moins égal à 90 000 E en 2019, alors au mois de septembre 2020, celui-ci pourra bénéficier d’un complément de crédit d’impôt modernisation du recouvrement d’un montant de 4 597 €.
En revanche, si le bénéfice courant de l’exploitation agricole de Monsieur Hugo est inférieur à 90 000 € mais supérieur à 72 000 €, il pourra bénéficier en septembre 2020 d’un complément partiel de CIMR. À titre d’exemple, si le bénéfice de l’année 2019 s’élève à 80 000 €, Monsieur Hugo aura le droit à un complément de CIMR, en septembre 2020, qui sera d’un montant de 2 044 €. En revanche, au vu de la présente situation, si le bénéfice agricole 2019 de Monsieur Hugo est inférieur à 72 000 €, il ne pourra pas en principe bénéficier d’un complément de CIMR. Dans ce dernier cas, il vous sera néanmoins possible par voie de réclamation précontentieuse de solliciter auprès des services de l’administration fiscale la restitution du complément de CIMR, sous réserve de démontrer que le surcroit d’activité de l’année 2018 était ponctuelle.
Il est ainsi nécessaire d’être accompagné par votre conseil habituel, notamment afin de rédiger vos réclamations précontentieuses.