Irrigation : la Dreal demande des restrictions drastiques dès 2022
La Dreal des Hauts-de-France veut utiliser une «harmonisation» pour faire passer des restrictions drastiques des volumes d’eau pour l’irrigation.
La Dreal des Hauts-de-France veut utiliser une «harmonisation» pour faire passer des restrictions drastiques des volumes d’eau pour l’irrigation.
Suite aux épisodes de sécheresse que le pays a connu ces dernières années, le gouvernement a souhaité revoir la gestion des situations de crise liées à la sécheresse hydrologique. En juin 2021 ont été publiés un décret et un guide sur le sujet. Le décret prévoit que désormais les trois échelons de la gestion de crise en cas de sécheresse sont l’arrêté d’orientation de bassin (AOB) à l’échelle des grands bassins versants qui fixe les orientations relatives aux conditions de déclenchement, aux mesures (en fonction du niveau de gravité), et aux conditions de dérogation (apport du décret). Ces éléments doivent ensuite être traduits dans un arrêté-cadre départemental ou interdépartemental qui a vocation à traduire les orientations de façon concrète. Et enfin à chaque dépassement de seuil les arrêtés de restrictions temporaires des usages de l’eau pris dans le bassin versant en situation de sécheresse. Ces modifications règlementaires sont actuellement en traduction dans les bassins versants. À l’échelle du bassin Artois-Picardie, la Dreal s’apprête à mettre en consultation publique sa proposition de retranscription, faisant fi du désaccord de fond exprimé par l’agriculture depuis plusieurs mois, tant cette proposition s’avèrerait dévastatrice de l’économie des filières industrielles.
Déclenchement plus rapide
Alors que le gouvernement attend avant tout de l’harmonisation des modes d’actions, le projet de la Dreal Hauts-de-France veut apporter de sérieux durcissements sur les deux éléments clés des arrêtés sécheresse : les seuils de déclenchement de mesures, et les mesures de restriction elles-mêmes. Concernant d’abord la question des seuils de déclenchement, l’arrêté d’orientation Artois-Picardie fixerait des seuils de déclenchement beaucoup plus précoces.
Ainsi, le seuil de «l’alerte», premier niveau de contraintes, actuellement fixé à un retour dix ans passerait à un seuil de retour cinq ans. Pour le seuil «d’alerte renforcée» actuellement fixé sur un retour vingt ans, il serait ramené à dix ans. D’une manière simplifiée, la proposition de la Dreal aboutirait à «faire monter» d’un cran les restrictions. Conséquence : dans un schéma de déficit de pluviométrie estival, les restrictions arriveraient entre six et huit semaines plus tôt en saison ; pour certaines, avant même d’irriguer selon les années.
Contraintes plus fortes
Concernant les mesures en elles-mêmes, il est possible aujourd’hui d’avoir des mesures de restrictions en volume. Il appartient aux agriculteurs de gérer leur consommation. L’arrêté Artois-Picardie indique que l’interdiction d’arroser serait tous les jours entre 11h et 18h en alerte et entre 9h et 20h en alerte renforcée. Les services de l’État proposent une traduction en baisse de volume entre 15-30 % en alerte, et 50 % en alerte renforcée pour l’irrigation par aspersion. Cette restriction ne s’appliquerait pas aux méthodes d’irrigation par système localisé type goutte à goutte ou micro-aspersion. Dans tous les cas, dès le passage en seuil de crise, l’irrigation sera purement et simplement interdite.
Laurent Degenne, président de la FRSEA Hauts-de-France
Gérer de façon responsable
Nous partageons la préoccupation de gérer durablement la ressource, mais les contraintes imposées dans ce projet d’arrêté vont même à l’encontre : les contraintes horaires n’amènent rien à la gestion de la ressource. En effet, la contrainte horaire entrainera un suréquipement afin d’arroser beaucoup sur des plages horaires restreintes. Aucun pilotage des volumes et aucune régularité des apports dans ce cas-là. Pire, si les conditions de températures ou de vent sont défavorables sur les plages horaires retenues, la ressource sera gaspillée.
Les pratiques sont différentes selon les conditions pédoclimatiques des territoires. Comme cela est prévu réglementairement, nous demandons de renvoyer la définition des restrictions aux arrêtés et aux comités sécheresse départementaux. L’arrêté de bassin est bien là pour fixer des orientations, pas pour décider d’actions identiques à mener partout sur le territoire.
Si l’État, et en l’occurrence le préfet, a besoin de visibilité en période d’étiage pour prévenir toute difficulté d’approvisionnement des citoyens en eau potable définitive, nous demandons à pouvoir gérer avec responsabilité les quantités d’eau prélevées et ainsi, la durabilité de la ressource, et les restrictions ne doivent intervenir que lorsque c’est nécessaire... C’est ce que permet l’arrêté actuel avec des seuils de détection précoces de la diminution de la ressource. Ainsi, en 2020, année extrêmement sèche et caniculaire, après deux années déficitaires en recharge des nappes, l’arrêté existant a permis d’alerter quand il le fallait et où il le fallait. Preuve est faite de l’efficacité des textes actuels.