Isabelle Deléglise, affineuse de fromages passionnée
En 2012, Isabelle décide de changer de vie pour se lancer dans la fabrication et la vente de fromages affinés. Portrait.
Elle fait plus d’heures qu’avant, elle gagne moins bien sa vie, mais elle est épanouie comme elle ne l’a jamais été. C’est son mari qui le dit. La ferme, les vaches et les vergers, c’est toute l’enfance d’Isabelle à Brunembert, dans le Boulonnais. Si sa vie y est heureuse, elle n’imagine pas pour autant prendre le relais de ses parents. «Je n’étais pas tentée par l’agriculture, puis je ne me voyais pas travailler avec mes parents», se souvient-elle.
Elle troque ses tenues «champêtres» contre des talons et jupes droites dans l’univers des assurances. Mais la conseillère en patrimoine, qui a gravi les échelons dans l’entreprise, sait qu’elle ne vend que «du vent». Avant d’ajouter : «J’ai toujours envié mes parents et mes frères qui travaillaient avec passion dans l’exploitation familiale.»
Le concret d’un côté, le vent, de l’autre. Il est temps de revenir à l’essentiel. Isabelle démissionne le 16 octobre 2012 et s’installe… deux jours plus tard dans la ferme familiale. Que faire ? Du fromage, lui lance un de ses frères, après lui avoir dit qu’il ne voulait pas travailler avec elle, car elle était trop «commandante». A provocation, provocation et demi. Isabelle relève le défi avec appétit. Bien lui en a pris.
Un parcours sans-faute
Rendez-vous est pris à la Chambre d’agriculture du Pas-de-Calais pour «débriefer» le parcours d’installation, puis à l’Association régionale de vente directe pour apprendre à fabriquer du fromage. «Le premier fromage qu’on a fait, c’était de la mimolette, chez un collègue. Je suis tombée amoureuse de la mimolette. C’est d’ailleurs mon produit phare. Il faut dire que je suis la seule en France à faire de la mimolette fermière en bio», raconte-t-elle.
L’amoureuse a cependant d’autres «amourettes» : la tomme affinée au cidre (de 30 à 35 par semaine) et deux pâtes molles (le Carré d’Isa et le Pavé du Wint : 80 fromages de chaque, une fois tous les quinze jours). Sans oublier le fromage blanc vendu au magasin et à une commune et un collège dans le cadre d’un contrat de restauration collective (260 kg tous les quinze jours). Son produit phare est produit, lui, à une trentaine par semaine.
L’investissement de départ, soit 100 000 euros, pour le laboratoire de transformation, a dû être revu à la hausse. «On était parti sur une base de transformation de 50 000 litres de lait à transformer sur cinq ans. On a déjà atteint cette année les 70 000 litres», dit-elle. L’affaire tourne bien, et même très bien. Reste que la taille humaine de l’entreprise suffit à Isabelle. «Je ne veux pas augmenter ma capacité de production. Je veux rester maître de mon produit et le commercialiser moi-même. J’ai besoin du contact avec mes clients», commente-t-elle.
Si Isabelle veut rester maîtresse de ses produits, ces derniers n’ont pas toujours été très «obéissants» avec elle. «Faire un fromage ce n’est pas facile, car on travaille avec du lait cru. Des fromages, oui, j’en ai raté, et j’ai dû tout jeter. C’est la vie. Mais, je suis connue pour aimer les difficultés», dit-elle en éclatant de rire. Des difficultés cependant toutes relatives, car «on savait où on allait et j’avais le soutien de ma famille», conclut-elle. Inutile d’ajouter que pas un membre de la famille n’a échappé à la passion contagieuse d’Isabelle pour ses fromages.