Juridique : que se passe-t-il quand un associé décède ?
Le décès d’un associé dans une société civile d’exploitation agricole n’entraîne pas la dissolution de la société.
Le décès d’un associé ne provoque pas la dissolution de la société. Sauf clause contraire, la société se poursuit avec les autres associés et le(s) héritier(s) de l’associé décédé. Il peut être convenu que le décès entraîne la dissolution de la société ou que celle-ci continue avec les seuls associés survivants.
Si les statuts stipulent que la société se poursuit avec les héritiers, sans aucune précision, ils deviennent associés de plein droit, à condition qu’ils acceptent la succession du défunt. Les statuts peuvent prévoir que l’entrée du ou des héritiers de l’associé décédé doit se faire au moyen d’une clause d’agrément. Dans ce cas, il faut se référer à cette clause qui est mentionnée dans les statuts.
Souvent, la décision des associés autorisant l’entrée des associés doit être donnée à l’unanimité, sauf si la clause prévoit une majorité différente. Si l’agrément est refusé, les héritiers peuvent prétendre à une indemnité représentant au moins la valeur des parts sociales du défunt ou encore si une clause le prévoit, la reprise des biens en nature. La valeur de ces parts doit tenir compte de la valeur économique, mais aussi des créances détenues par l’associé décédé.
Indivision et démembrement des parts sociales
Très souvent, le décès conduit au constat d’une indivision successorale entre les héritiers, à laquelle s’ajoute, dans certains cas, un démembrement de propriété. Il en est ainsi, par exemple, lorsque l’époux survivant devient usufruitier des parts transmises par le conjoint décédé, et les enfants, titulaires de la nue-propriété. Dans ces conditions, il convient de déterminer les droits de chacune des personnes concernées. La jurisprudence reconnaît à chaque indivisaire la qualité d’associé, mais précise que la liberté d’exercer les droits qui y sont attachés est limitée aux règles de l’indivision. Ces parts démembrées, entre le conjoint survivant, l’usufruitier, et les enfants, nus-propriétaires, appellent certaines précisions.
En effet, s’il ne fait aucun doute que le nu-propriétaire a la qualité d’associé, en revanche, la question reste controversée pour l’usufruitier. L’usufruitier exercerait certes, conformément aux dispositions statutaires ou légales, certaines prérogatives attachées à la qualité d’associé, mais sans avoir pour autant cette qualité. Si l’on retient cette position, à savoir que seul le nu-propriétaire possède la qualité d’associé, l’usufruitier n’aura pas accès aux fonctions et droits spécifiques attachés à cette qualité. Il s’ensuit, par exemple, que l’usufruitier ne peut pas être gérant de la société si les statuts exigent la qualité d’associé pour exercer cette fonction.
S’agissant du droit de vote, il appartient à l’usufruitier pour les décisions concernant l’affectation du résultat et au nu-propriétaire pour toutes les autres décisions. Il est cependant possible de déroger conventionnellement à cette règle. Le nu-propriétaire doit donc être convoqué aux assemblées et les mêmes documents d’information que ceux adressés au titulaire du droit de vote, à savoir l’usufruitier, doivent lui être communiqués. Rappelons enfin que le titulaire du droit de vote doit en tout état de cause exercer son droit de vote dans le respect des droits fondamentaux de l’autre titulaire de droits démembrés. Ainsi, afin d’éviter tout conflit, il peut être envisagé, pour les décisions de nature à affecter les droits de chacun des protagonistes, de prévoir l’intervention conjointe du nu-propriétaire et de l’usufruitier dans les statuts.
Devenir du foncier du défunt
Si les terres exploitées sont au nom de la société elle-même, le décès n’aura aucune influence sur la mise en valeur du foncier. Le plus souvent, si le défunt est propriétaire en partie et locataire pour le reste, et que ces terres sont mises à disposition au profit de la société, la convention s’éteint avec le décès de l’associé.
Dans ce cas, ce sont les règles
du statut du fermage qui s’appliquent, à savoir, que le propriétaire peut résilier le bail dans les six mois du décès, sauf s’il s’agit de baux co-titulaires, ou le bail se poursuit avec le conjoint, le partenaire pacsé ou les ascendants ou descendants qui participent aux travaux de manière effective, ou qui y ont participé au cours des cinq dernières années qui ont précédé le décès. Mais la société ne dispose pas d’une priorité particulière pour que les biens soient mis à disposition.
A propos du résultat fiscal
La clôture d’exercice de la société n’est pas modifiée. Néanmoins, les héritiers peuvent demander que le calcul d’un résultat intermédiaire soit réalisé au moment du décès. Le principe en matière d’imposition des bénéfices des sociétés est que le résultat n’est réalisé qu’à la clôture de l’exercice. Résultat : seuls les associés présents à la clôture de l’exercice ont droit à une quote-part du bénéfice.
Par conséquent, lorsqu’un associé décède en cours d’exercice, le résultat fiscal apparaissant à la clôture est attribué à l’associé en place à la clôture. Pour ce qui concerne les héritiers de l’associé décédé, ils ne sont imposés au titre de l’exercice au cours duquel est intervenu le décès que s’ils acquièrent la qualité d’associé avant sa date de clôture. En effet, les héritiers qui ne deviennent pas associés sont simplement créanciers de la société et n’ont droit qu’à la valeur des parts.
Dans le cadre d’une exploitation individuelle, le décès du chef d’entreprise entraîne la cessation d’activité de l’entreprise et l’imposition immédiate de l’ensemble des résultats en cours de réalisation ou en sursis d’imposition, et des plus-latentes. Dans le cadre d’une société, le décès d’un associé n’entraîne pas la cessation d’activité de la société. Malgré l’absence de cessation d’activité, le décès d’un associé peut aboutir au constat d’un profit exceptionnel généré par l’extinction, au passif de la société, d’un ou de plusieurs emprunts suite aux assurances décès souscrites en même temps que les prêts. Dès lors que l’emprunt a été souscrit par la société, son remboursement partiel ou total provoque l’annulation de la dette d’emprunt figurant au passif du bilan de la société et constitue, de ce fait, un profit imposable au titre de l’exercice en cours.
Le profit exceptionnel constaté s’ajoute au résultat de la société et il est attribué aux associés présents à la clôture de l’exercice selon la clé de répartition du résultat adoptée avant la clôture de l’exercice. Toutefois, les associés décident souvent d’affecter, aux héritiers de l’associé décédé et à son conjoint, ce profit exceptionnel résultant de l’extinction de la dette, à condition que les héritiers deviennent associés et en opérant quelques modifications contractuelles. Il est ainsi possible de modifier la clé de répartition avant la date de clôture de l’exercice au cours duquel est intervenu le décès afin d’attribuer aux héritiers une quote-part plus importante du résultat.
Même si l’attribution du résultat exceptionnel peut être faite au profit des héritiers associés, le résultat exceptionnel n’a pas pour autant disparu, et il génère nécessairement un surcoût d’imposition. Le profit qui résulte de l’annulation de la dette de l’entreprise emprunteuse, du fait de l’indemnisation du prêteur, peut être réparti extra-comptablement par parts égales sur l’année de sa réalisation et les quatre années suivantes. Pour bénéficier de cet étalement, les contrats doivent être souscrits sur la tête d’un dirigeant, c’est-à-dire d’une personne qui exerce dans l’entreprise une activité prépondérante. Il s’agit notamment des associés de Gaec et des associés exploitants d’EARL.
Compte courant créditeur de l’associé décédé ?
La succession ne doit pas oublier de déclarer le compte d’associé dont le défunt était titulaire. Le compte courant créditeur vient augmenter la succession de la créance que constitue la somme correspondante. Les héritiers ont la possibilité d’en demander le remboursement immédiat à la société. Le paiement de cette dette peut être échelonné selon des modalités définies entre les parties. En principe, le compte courant est à comprendre dans l’actif successoral pour sa valeur nominale, augmentée éventuellement des intérêts courus au jour du décès.
Cotisations sociales du défunt
Les cotisations sociales sont calculées en fonction de la situation de chaque exploitant au 1er janvier de l’année considérée, ce qui implique que l’exploitant en place au 1er janvier est redevable des cotisations pour l’année civile entière. Ainsi, même en cas de cessation d’activité en cours d’année, l’exploitant agricole est tenu au paiement des cotisations pour toute l’année. Il existe toutefois une exception à ce principe. En cas de décès de l’associé-exploitant, les cotisations sont calculées au prorata temporis (entre le 1er janvier de l’année considérée et la date du décès de l’associé). Le conjoint survivant peut cependant opter pour que les cotisations sociales soient calculées sur l’année civile entière. Cette option doit être formulée dans les douze mois qui suivent le décès de l’associé-exploitant.