La filière méthanisation va se doter d’un site d’expérimentation
Les acteurs de la filière ont signé un manifeste pour réaffirmer leur ambition : faire des Hauts-de-France la première région européenne d’injection du biométhane.
Ils s’étaient déjà réunis il y a deux ans à Lille. Les acteurs de la filière méthanisation se sont à nouveau rassemblés, mardi 20 septembre, à Arras, pour réaffirmer leur ambition. Celle-ci est la même qu’en 2014, mais cette fois pour un territoire plus vaste : faire des Hauts-de-France, et non plus seulement du Nord-Pas-de-Calais, la première région européenne d’injection du biométhane. Un enjeu qui s’inscrit pleinement dans la troisième révolution industrielle initiée par des acteurs locaux.
Cette demi-journée d’échanges a été l’occasion de faire le point sur les enjeux et perspectives d’une filière en pleine construction, mais pas uniquement. Une annonce a également été faite, celle de la création d’un technocentre, sorte de vitrine des technologies de la méthanisation (cf. encadré). Enfin, des engagements ont été pris par l’ensemble des partis. L’objectif affiché est de «déployer 40 unités de production à l’horizon 2020» (cf. encadré).
Pour atteindre cet objectif, Philippe Vasseur, présenté ici comme le commissaire spécial à la revitalisation et à la réindustrialisation des Hauts-de-France, estime qu’il faudra «un engagement des territoires, mais aussi un engagement des acteurs économiques, les agriculteurs, les industriels».
La filière peut d’ores et déjà compter sur le soutien de la Région : «La méthanisation va prendre une grande part dans le projet énergétique que m’a demandé de rédiger Xabier Bertrand (président du Conseil régional, ndlr.) et que je présenterai en fin d’année», a assuré Philippe Rapeneau, vice-président au Conseil régional, délégué au développement durable. Il souligne que cette énergie renouvelable est «un enjeu économique importante, créateur d’emplois locaux et de richesses».
Cinq unités en région
Aujourd’hui, les Hauts-de-France comptent cinq unités de méthanisation avec injection de biométhane dans le réseau de distribution (à ne pas confondre avec les unités en cogénération, qui permettent, elles, de créer de l’électricité et de la chaleur) : deux dans le Nord, deux dans le Pas-de-Calais et une dans l’Aisne. En France, ce sont 24 sites qui injectent du gaz sur les réseaux, avec une majorité de sites agricoles.
La région occupe ainsi le premier rang national en nombre d’unités. De plus, 40 projets sont actuellement à l’étude, dont deux ou trois sont actuellement en construction. Une autre unité, basée dans la Somme, devrait commencer à injecter du gaz dans les semaines à venir. De plus en plus de projets se montent de manière collective, c’est une tendance nette dans le paysage. Pour l’instant, la production de biométhane des cinq unités de la région représente 9 millions de mètres cubes, soit 90 GWh, ce qui correspond à la consommation de plus de 7 000 logements, ou encore à la consommation annuelle en carburant de 390 bus.
«Il y a quelques millions, foncez !»
Les acteurs régionaux se sont structurés en organisant un Corbi (Comité opérationnel régional du biométhane injecté), sorte de «club de réflexion et d’animation», comme le décrit Bruno Waterlot, directeur territoire Pas-de-Calais chez GRDF. Ce Corbi est composé de la Région, des Chambres de commerce et d’industrie, de l’Ademe ou encore de la Dreal, de GRDF, de la Chambre d’agriculture, de porteurs de projets agricoles... Il s’appuie également sur un groupement d’industriels régionaux prestataires de la méthanisation, Méthania. Ces derniers, les industriels, étaient d’ailleurs beaucoup représentés lors de cette journée organisée à Artois Expo à Arras. Des agriculteurs ont également pu témoigner, relater leur expérience.
De nombreux outils existent déjà pour appuyer le développement de la filière. L’Ademe, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, peut, par exemple, soutenir financièrement certains projets. «Il y a également un petit peu d’argent au niveau des fonds européens à mettre dans la méthanisation, ajoute Philippe Rapeneau. Il y a quelques millions, foncez !» L’acceptabilité des populations envers ces projets de grande envergure, et ainsi la communication, seront également une étape clé dans ce développement. Tout comme la simplification administrative.
En outre, plusieurs acteurs s’accordent à dire que les agriculteurs, impliqués depuis plus de
dix ans dans la méthanisation, doivent rester les porteurs de projets, les propriétaires de leurs méthanisateurs… Pour Arnauld Etienne, conseiller référent méthanisation à la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, «le monde agricole est incontournable, notamment parce qu’il est détenteur des matières premières et qu’il utilise les sous-produits issus de la méthanisation».
Création d’un technocentre de la méthanisation
Afin de valoriser au mieux la filière méthanisation naissante, les différents acteurs de la région ont le projet de créer un technocentre. «Il s’agira d’une unité de production de biométhane», explique Rémy Rochard, président directeur de la société Chaumeca. De nouvelles technologies, du matériel, classique ou innovant, pourront être testés sur ce site d’expérimentation, qui deviendra une véritable vitrine. «Il y aura une partie consacrée à la recherche et développement, un lieu de promotion, de formation…», poursuit Rémy Rochard qui ajoute que le projet pourrait permettre de créer dix emplois directs et une centaine d’emplois indirects.
De nombreuses collectivités sont d’ores et déjà intéressées pour accueillir le projet, dont la réalisation passera par une AMO (Assistance à maîtrise d’ouvrage). «Je veux que l’on constitue un jury indépendant pour faire un choix de lieu le plus objectif possible», insiste Philippe Vasseur, ancien président de la Chambre d’industrie et de commerce Nord de France. D’après lui, ce technocentre devrait voir le jour assez rapidement : «Nous n’avons pas de date précise, mais ça va se lancer dans les mois qui viennent.»