La gestion des terres au cœur des enjeux climatiques
Dans son dernier rapport, le Giec alerte sur l’épuisement des terres mondiales et sur ses conséquences sur le réchauffement climatique. L’agriculture est pointée du doigt.
Le 7 août, une délégation composée de 195 pays, réunie depuis le 1er août, à Genève en Suisse, a approuvé le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Les 107 auteurs, venus de 52 pays, ont examiné plus de 7 000 publications scientifiques.
Cette étude est consacrée au «changement climatique, la désertification, la dégradation des sols, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres». Elle évalue également les conséquences de l’agriculture et de la sylviculture sur la qualité des sols. Le texte, rendu public le 8 août, décrit donc la manière dont le changement climatique impacte les sols et inversement.
Il livre un constat alarmant sur la situation climatique actuelle : minimum record enregistré au mois de juillet pour l’étendue de la couche de glace de l’Arctique, canicule qui frappe l’Europe le mois dernier avec des températures de 1,5 à 3°C au-dessus des normales saisonnières… Enfin, les températures mondiales pour le mois de juillet ont été 1,2°C au-dessus de celles de la période préindustrielle (le Giec a préalablement annoncé qu’une augmentation supérieure à 2°C entraînerait des effets dominos pour la plupart irréversibles). Les experts du Giec soulignent également que le changement climatique favorise la dégradation des sols du fait de l’augmentation des évènements pluvieux intenses, des inondations et des épisodes de sécheresse. Le rapport analyse ainsi plus particulièrement la manière dont les hommes utilisent les terres, soulignant que les activités humaines ont une forte influence sur la qualité des sols.
Durant la présentation du rapport, le 8 août, les orateurs n’ont eu de cesse de marteler que la terre était une ressource essentielle. Elle joue un rôle central pour lutter contre le changement climatique. Elle est à la fois un problème et une solution ; si elle peut stocker des gaz à effet de serre, leur exploitation peut aussi en rejeter. Le rapport met notamment en avant l’impact de la production alimentaire sur la baisse de la biodiversité et sur le changement climatique. Les conséquences de l’artificialisation des terres, qui entraîne une baisse de stockage de carbone dans les sols, n’ont pas été oubliées par les auteurs. Cependant, l’agriculture et la déforestation ont été largement présentées comme les deux principales causes du changement climatique.
L’agriculture source de solutions
Les experts préconisent ainsi d’opérer une transformation dans la gestion des terres et dans le système agro-alimentaire afin de maintenir les températures mondiales à un niveau acceptable. Concernant les sols, ils recommandent de limiter les émissions de carbone, d’augmenter le stockage dans les sols, de restaurer les zones humides et, enfin, de renforcer la sécurité foncière pour les agriculteurs des pays du Sud.
Valérie Masson-Delmotte, co-rapporteuse, a ainsi souligné que des solutions se trouvaient dans les mains des agriculteurs, mais aussi de tous les consommateurs. Les experts appellent de ce fait à réduire le gaspillage alimentaire, et surtout à rééquilibrer les régimes alimentaires. Ceux-ci doivent comporter des aliments de qualité d’origine animale et végétale produits dans des systèmes résilients, durables et respectueux.
Une dernière proposition qui conforte les agriculteurs français dans les efforts déjà accomplis. Ils s’estiment être déjà largement engagés dans la lutte contre le changement climatique avec l’adaptation constante de leurs pratiques, pour concilier performances économiques et écologiques, des systèmes d’élevage respectueux, l’utilisation de la rotation des cultures, le développement des bioénergies et, enfin, le développement de l’agriculture de conservation des sols pour stocker du carbone.
Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, n’a pas manqué de souligner que son ministère soutenait la transition vers l’agroécologie et une bioéconomie plus résiliente, et travaillait activement à la reconquête des sols, en luttant contre leur artificialisation. Le monde agricole signale donc que l’agriculture, si elle fait partie du problème, est aussi une formidable source de solutions.