«La grande majorité des ventes porte sur des terres occupées»
Rôle et points de vue des notaires avec Me François Desjardins, président de la Chambre des notaires de la Somme, et Me Bruno Lemoine, notaire à Roye.
De g. à dr. : Me Bruno Lemoine, notaire à Roye, et Me François Desjardins, président de la Chambre des notaires de la Somme et notaire à Quevauvillers.
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AAP
Quelles sont les relations entre la Safer Picardie et la Chambre des notaires de la Somme ?
François Desjardins : Nous avons des relations constantes, car la Safer est un acteur incontournable sur le marché foncier agricole. Nous lui notifions toutes nos ventes, même si elles ne sont pas soumises à préemption de telle sorte à ce qu’elle ait un éventail d’informations complet sur le prix des terres. Mais celui qui connaît la vraie valeur de la terre reste le fermier, car c’est lui qui la travaille.
Quel est le nombre de transactions que gèrent les notaires de la Somme ?
François Desjardins : Donner un chiffre est impossible, et d’autant que les ventes de terre sont très atypiques et variées. Ainsi, par exemple, les surfaces peuvent varier de 1 500 m2 à 20 ou 30 ha, mais la fourchette moyenne est aux alentours d’un à deux hectares. Par ailleurs, la grande majorité des ventes dans le cadre d’une cessation d’activité ou d’une succession porte sur des transactions avec les fermiers déjà en place. Quant à la vente de terres libres, elle est réduite à la portion congrue, car il y en a très peu et les prix sont particulièrement élevés. En d’autres termes, elle est exceptionnelle.
Que constatez-vous sur l’évolution des prix ?
Bruno Lemoine : Nous constatons, sans surprise, une montée progressive des prix des terres libres comme des terres occupées d’ailleurs. Mais cette montée est tout de même raisonnable. Il ne s’agit, en aucun cas, d’une montée des prix exponentielle. Une fois cela dit, la pression foncière est telle que cette tendance ne peut que se poursuivre. Quand on voit des Chinois qui achètent des terres en France, comme aux Etats-Unis ou encore en Afrique, on se rend compte que même sur le marché mondial, le besoin de terres est conséquent.
Xavier Desjardins : Il ne faut pas oublier non plus que les terres agricoles sont des biens qui ont une rentabilité tout à fait correcte, ce qui les rend d’autant plus intéressants, sans compter la fiscalité qui s’y applique (lire p. 4, ndlr). Sans oublier non plus la valeur sentimentale qui est attachée à la terre.
Quel est le profil des acheteurs ?
Bruno Lemoine : Ce sont généralement des agriculteurs qui achètent. Avec le droit de préemption, l’agriculteur peut préempter. S’il considère que les prix sont trop élevés, il peut se rapprocher du tribunal de grande instance pour que ce dernier fasse une estimation. Contrairement à ce que l’on a pu voir dernièrement dans l’Indre (vente de 1 700 ha à un groupe chinois, ndlr), il n’y a pas vraiment d’investisseurs étrangers chez nous, hormis les Belges et les Hollandais, mais ces derniers sont à la recherche de surfaces a minima de 100 ha.
De quelle façon se déroulent les négociations ?
Bruno Lemoine : Quand il s’agit de terres libres, c’est souvent la foire d’empoigne, car vu le peu de terres libres, tout le monde est forcément intéressé. Les enchères peuvent monter très vite. Mais, heureusement, la Safer intervient pour modérer les prix et nous, nous jouons un rôle de médiateur pour fluidifier les négociations. Puis, la Safer exerce son droit de préemption pour éviter les surenchères.
Xavier Desjardins : C’est souvent dans le cas de terres occupées, une partie de ping-pong entre le bailleur et le fermier en place. Mais dans cette partie, ce sont souvent les arguments du fermier qui l’emporte, car c’est lui qui connaît la terre. Notre rôle consiste à modérer chacune des parties pour que la négociation aboutisse à un prix raisonnable.
Dans tous les cas, la transaction aboutit, car lorsque le propriétaire décide de vendre ses terres, ce sont à des occasions bien précises telles qu’une succession, une cessation d’activité, des difficultés financières ou encore le lancement de nouveaux projets.
Autrement dit, il a besoin de faire sa vente dans un délai assez court et il sait très bien que pour une terre occupée, les occasions de vente ne sont pas si nombreuses hormis avec le fermier en place. Aussi s’il ne s’entend pas avec son fermier, l’occasion de vendre des terres occupées ne se présentera pas forcément dans les années à venir.