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La méthanisation dans les Hauts-de-France

Alors que les Hauts-de-France font figure d’exemple en matière de méthanisation, la Somme, elle, peine à se développer. Point sur la situation et informations pratiques liées à la concrétisation des projets.

Les Hauts-de-France comptent vingt-quatre sites de méthanisation agricoles.
Les Hauts-de-France comptent vingt-quatre sites de méthanisation agricoles.
© CA80


Un processus de fabrication de biogaz, réinjecté dans les réseaux d’énergie GRDF ou GRTGaz, après dégradation de la matière organique ou végétale par des micro-organismes, nommé méthanisation. «Dans ce domaine, les Hauts-de-France représentent 30 % de la production nationale, assure la CCI Hauts-de-France. La région fait figure d’exemple.»
Elle comptait, en janvier 2018, vingt-quatre sites de méthanisation d’origine agricole, dont vingt en cogénération et quatre en injection de biométhane.
«Fin 2018, on en comptera quatre de plus, dont deux dans l’Oise et deux dans l’Aisne, toutes d’origine agricole», annonce la CCI. Une production cumulée de 65 GWh, soit l’équivalent en énergie de 6 000 foyers et un gain sur les émissions de CO2 de plus de 22 000 t. La chambre d’agriculture aurait même eu vent de cinq autres projets colectifs...
La Somme, elle, est un peu le «petit poucet» de la région, avec un seul centre collectif d’origine agricole, à Soyécourt. Un autre, à Eppeville, fonctionne néanmoins grâce, en partie, à la participation d’agriculteurs. «Difficile d’expliquer pourquoi cette diversification a du mal à se développer dans le département», avoue Romain Six, conseiller à la Chambre d’agriculture de la Somme.
Pourtant, l’intérêt, pour l’agriculteur, est multiple. Diversification de l’activité et du revenu, valorisation des effluents d’élevage et sous-produits, autonomie énergétique, fertilisation optimisée, réduction des odeurs des effluents d’élevage et des émissions de gaz à effet de serre...
Le méthaniseur n’a pas un estomac difficile. Il mange toutes les matières organiques fermentescibles, soit les déjections animales, les plantes entières, les résidus de cultures et les végétaux verts, les déchets de l’industrie agro-alimentaire et les déchets organiques urbains, comme les boues, les déchets alimentaires…
Chaque substrat a cependant ses propres caractéristiques. Le pouvoir méthanogène, qui est le volume maximal de méthane dégagé par tonne de matière fraîche, dépend de la teneur et de la composition de la matière organique. Par exemple, 1 t de lisier vaut 13 m3 de biogaz, 11 litres de fioul et 30 KWh électrique ; 1 t de fumier est égal à 60 m3 de biogaz, 35 l de fioul et 100 KWh électrique ; ou encore 1 t de paille donnera 220 m3 de biogaz, 120 litres de fioul et 350 KWh électrique.

Un million d’euros de budget minimum
«Pour qu’un projet soit durable, il faut au moins 80 % des apports de matière en propriété. Et le mix des produits permet de cumuler les primes», explique Romain Six.
Le coût ? «Tout dépend du projet. Mais il faut au moins compter un million d’euros et une taille de 80 KW pour que le tout soit viable économiquement.» Cet investissement comprend la construction du méthaniseur, dont les parois seront en béton isolé, du système de chauffage et du bâtiment de stockage pour les intrants. L’agriculteur, ou son salarié, devront ensuite remplir le bol quotidiennement et surveiller que la machine tourne bien. «Comptez entre 1 et 3 heures par jour de main-d’œuvre».
En Hauts-de-France, les porteurs de projet peuvent s’appuyer sur des acteurs principaux pour l’obtention d’aides. Il existe un collectif opérationnel régional pour le biométhane injecté (Corbi), qui réunit conseil régional, CCI, chambres d’agriculture, Ademe, GRDF, ainsi que des partenaires publics et privés. Le montant total des aides publiques ne doit pas dépasser 70 % pour les études et 40 % pour les investissements. Une participation financière de 15 % minimum de l’entreprise est requise. La chambre d’agriculture, elle, propose un accompagnement de la phase d’émergence à la mise en service (dimensionner l’unité et le modèle économique, recherche de financements, études de faisabilité, analyse du gisement, etc.).
Pour amortir l’investissement, les porteurs de projets peuvent aussi compter sur les rentrées d’argent que permettent l’installation. Les conditions d’achat de l’électricité produite sont fixées par l’arrêté du 13 décembre 2016. Le tarif s’élève à 175 €/kWh pour une installation inférieure à 80 kW, à 155 €/kWh pour une installation comprise entre 80 et 500 kW. Au-delà de 500 kW, on rentre dans une procédure d’appel d’offres. Pour accélérer la mise en route des unités, ces tarifs baissent régulièrement de 0,5 % par trimestre à partir de 2018.
La prime aux effluents d’élevage est aussi à prendre en compte. Quand ceux-ci représentent plus de 60 % des intrants, la prime sur le kWh d’électricité vendu est augmentée de 5 centimes. La contractualisation est d’une durée de vingt ans, avec un plafond de 140 000 heures.

170 €
de bénéfices annuels
Comptez entre dix et quatorze ans avant que le méthaniseur ne soit rentable. Selon Romain Six, «une unité de 15 000 t et de 250 kW produira 500 000 de chiffre d’affaires. Si on fait le ratio d’EBE, il y aura 140 000 de charges. Il reste donc 170 000 Ä par an de bénéfices, en comptant un demi temps plein en main-d’œuvre».
Mais avant d’avoir une telle poule aux œufs d’or dans son terrain, quelques précautions sont à prendre. «Il faut être accompagné d’un bon biologiste, car la ration des animaux d’élevage doit être optimisée pour que les effluents produisent le plus de gaz possible.» Le choix du constructeur s’avère le plus délicat. «C’est un projet industriel, différent du métier d’agriculteur. Etre bien accompagné est donc primordial.»

 

Le gouvernement met les gaz
Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique, a présenté le 26 mars quinze mesures du groupe de travail «méthanisation» pour «accélérer l’installation de projets de méthanisation». Parmi ces mesures, figure l’utilisation du bioGNV (le biogaz pour les véhicules) par les engins agricoles, mais aussi un soutien financier pour les méthaniseurs qui alimentent les bus et camions, dans le but de développer un nouvel usage direct local du biométhane, en particulier lorsqu’on est loin du réseau de gaz.
Ces avancées s’inscrivent dans le plan d’action pour la bioéconomie de Stéphane Travert, présenté au Salon de l’agriculture, le 26 février. Au programme : lancement d’appels d’offres pour les projets de méthanisation avec injection atypique ; simplification des règles de soutien tarifaire à la production de gaz ; création d’un tarif de rachat à guichet ouvert pour les installations de 500 kW à 1 MW ; et simplification de la règlementation «loi sur l’eau».  Cette mesure permettra de raccourcir les délais administratifs d’installation de méthaniseurs agricoles de plus petite taille.
Les agriculteurs méthaniseurs réunis au sein de l’AAMF (Association des agriculteurs méthaniseurs de France) ont critiqué plusieurs de ces mesures. Ils émettent de «fortes réserves» sur la proposition d’autoriser les mélanges d’intrants et sont «fermement opposés à la sortie du digestat du statut de déchet», arguant que cela représenterait «de trop gros risques sanitaires». Par ailleurs, le mécanisme d’appel d’offre «tarif de rachat à guichet ouvert ne correspond pas aux besoins du monde agricole». Enfin, ils dénoncent «un plan dépourvu de moyens financiers».

Quelles technologies ?

Il existe différentes technologies de méthanisation qui nécessitent toutes que le digesteur soit chauffé, isolé et hermétique. Le procédé en voie liquide, en continue (infiniment mélangé) est le plus répandu, de petite ou moyenne taille. La teneur en matière sèche du mélange est inférieure à 12 % pour être pompée et brassée avec une alimentation quotidienne de l’installation. Les fermentations se déroulent dans des digesteurs en forme de cuves cylindriques, surmontées d’une membrane souple et étanche.

La voie solide, en continue, sera plus adaptée aux grosses installations, type industrielles. La voie solide peut aussi être envisagée en discontinue. Les digesteurs à cellules, silos ou caissons sont installés en parallèle et mis en route à intervalle régulier pour une production relativement constante de biogaz. Ce procédé est adapté aux faibles volumes, mais est encore peu répandu à l’heure actuelle.
A chaque fois, la matière organique résiduelle, ou digestat, est stockée, puis épandue sur les terres agricoles. Désodorisé par le processus de digestion et soumis à plan d’épandage, ce déchet contient l’ensemble des éléments fertilisants des matières entrantes.

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