Agroalimentaire
La pénurie de sucre s’installe en Europe
Les sucreries françaises vont être confrontées à une pénurie de sucre en Europe, qui fait déjà bondir les cours et qui va permettre de mieux rémunérer les planteurs de betteraves.
Les sucreries françaises vont être confrontées à une pénurie de sucre en Europe, qui fait déjà bondir les cours et qui va permettre de mieux rémunérer les planteurs de betteraves.
Après la pénurie de colza et de tournesol, qui a fait bondir le prix des huiles et des biocarburants, le marché européen va-t-il connaître aussi une pénurie de sucre ? C’est ce qui semble se profiler. La production de sucre en Europe à 27 et au Royaume Uni en 2022 est attendue à 16,2 millions de tonnes, soit un million de tonnes de moins qu’en 2021. La consommation, elle, devrait atteindre 18,1 millions de tonnes et les exportations vers des pays tiers environ 700 000 t. Résultat, il manque à l’appel 2,7 millions de tonnes pour satisfaire les besoins de l’industrie et des ménages. Or, le niveau des importations n’a jamais atteint ce seuil. Elles se situent plutôt aux alentours de 2,2 millions de tonnes chaque année. Avec des prix du fret maritime qui atteignent des sommets, notamment en provenance du Brésil où les prix sont multipliés par trois en mai 2022 par rapport à novembre 2020, selon l’International Grain Council, le coût des importations devient très élevé, voire prohibitif. Or, la production brésilienne de canne à sucre est en baisse et surtout, elle sert à produire des biocarburants, eux-mêmes portés par les cours du pétrole, au plus haut avec la crise ukrainienne.
Un bond de 500 à 700 € la tonne de sucre
Du coup, les prix du sucre en Europe bondissent actuellement à 700 €/t et se déconnectent totalement des cours mondiaux qui restent plafonnés à un peu plus de 500 €/t actuellement. Le même phénomène s’est produit tout au long de la campagne pour le colza, avant même la guerre en Ukraine. Les cours européens de la graine se sont décorrélés de ceux du soja américain ou brésilien. Le colza navigue aujourd’hui à 1 000 €/t, contre 600 €/t pour le soja. Avec quelques mois de décalage, le sucre suit donc la même tendance, qui pourrait se renforcer.
C’est en tout cas l’avis de Cyril Lesaffre, PDG de la sucrerie du même nom, basée en Seine-et-Marne dans la région parisienne, pour qui «plus les acheteurs de sucre attendent, plus les cours montent. C’est très positif pour la filière. Au lieu des 27-28 € la tonne de betteraves en 2021, on sera plutôt entre 35 et 40 € la tonne pour la prochaine récolte». Ce sont bien sûr les prévisions de Lesaffre, mais d’autres groupes sucriers ont déjà annoncé des prix du même ordre, 35 €/t. Les planteurs de betteraves vont apprécier.
Après l’effondrement des cours du sucre dû à la suppression des quotas en 2019 et la crise de la jaunisse qui a amputé la récolte et les rémunérations en 2020, les perspectives pour les betteraviers sont enfin positives. Ils étaient jusqu’alors écartés de l’envolée des cours des matières premières agricoles, blé, orge, colza ou tournesol, ce ne sera plus le cas.
Les industriels face au prix du gaz
Pour les industries sucrières, l’envolée du cours du sucre est aussi une bonne nouvelle. En 2019, la tonne de sucre s'était effondrée à 280 €, et en 2020, la production de sucre de Lesaffre a été quasiment amputée de moitié à cause de la jaunisse. Cette année, c'est la hausse du prix du gaz qui va affecter leurs marges. L’industrie sucrière est, en effet, très dépendante du prix du gaz, dont les prix ont été multipliés par cinq en deux ans, passant de 20 à 100 € le Mwh actuellement.
Face au mur du prix de gaz, estimé à 500 millions d’euros contre 125 M€ pour l’ensemble des usines habituellement, les directeurs industriels ont commencé à réfléchir à la réduction des coûts, en renonçant par exemple à la déshydratation, privilégiant des pulpes fraîches pour l’alimentation animale. Mais la hausse des cours du sucre devrait assurément leur enlever une très grosse épine du pied.