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La politique anti-nitrates renforcée la mauvaise surprise de l’été

Extension du classement en zones vulnérables de 3900 communes supplémentaires.

© Actuagri

 

Les agriculteurs s’attendaient à un durcissement du zonage anti-nitrates mais pas à ce point là. Mercredi 23 juillet, Ségolène Royal annonçait la couleur en Conseil des ministres : 3 900 communes supplémentaires vont être classées en zones vulnérables au regard de la qualité des eaux. Rien moins que 63 000 exploitants seraient concernés. Régions plus particulièrement concernées : le Midi-Pyrénées, le Limousin, les Pays de Loire et le Centre.
Pourquoi une telle extension ?
D’une part, Bruxelles demandait que soit plus largement pris en compte le problème de l’eutrophisation des eaux (excès de végétation). Le gouvernement a donc conçu un critère, celui de 18 milligrammes de nitrates par litre d’eau, considéré comme un facteur d’eutrophisation. Analyses faites, c’est ce qui a conduit à rajouter 3 900 communes sur la liste de celles qui sont classées vulnérables.

18 milligrammes contestés
Ce critère de 18 milligrammes est unanimement contesté par les organisations agricoles.
«C’est un chiffre qui n’a pas de base scientifique», regrette Eric Thirouin, membre du bureau de la Fnsea et président de la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir (voir l'interview ci-dessous). L’eutrophisation n’est pas due qu’aux nitrates, affirme Guy Vasseur, président de l’Apca, qui insiste aussi sur la responsabilité des phosphates, plutôt d’origine urbaine et sur le fait qu’un même critère est utilisé quel que soit le type de masse d’eau (continentale, littorale..).
«La valeur a été retenue en cohérence avec ce qui est pratiqué par les bassins pour la prise en compte de l’eutrophisation littorale et marine», explique-ton au ministère de l’Agriculture, faisant référence à la gestion du problème des algues vertes. Mais on ne cache pas qu’il s’agit effectivement d’un paramètre sévère, seul capable, semble-t-il, de satisfaire les exigences de la Commission européenne. Depuis des années, Paris tente de convaincre Bruxelles, sans succès, qu’une des grandes causes de l’eutrophisation réside aussi dans la présence de phosphate.

Un jugement le 4 septembre
Contesté ou pas, ce nouveau dispositif est là pour répondre à la pression des autorités européennes très actives sur la qualité de l’eau. La directive nitrates, qui a vingt-trois ans d’âge, fut une des premières mesures prises par les européens en matière environnementale. Malgré cela, régulièrement, la France est pointée du doigt pour le mauvais état sanitaire de ses eaux. Le 4 septembre, la Cour de justice de l’UE doit statuer, à la demande de la Commission, sur le contenu des programmes d’action anti-nitrates engagés par la France. Sur ce sujet, on n’en est pas encore au stade de l’amende à payer.
Mais un autre contentieux oppose la France à l’Union européenne : celui qui porte, justement, sur le classement des zones vulnérables. Là, c’est une amende de 20 millions d’euros plus une astreinte de 3,5 millions par mois qui pourraient être infligés au pays. L’Europe aurait pu enclencher le processus de l’amende le 10 juillet. elle ne l’a pas fait. Mais il n’est pas question de tarder davantage au risque de devoir payer cette amende, explique-t-on dans l’entourage du
ministre de l’Agriculture. et de souligner que l’Allemagne, les Pays Bas, le Danemark, l’Irlande avaient fait classer l’ensemble de leurs pays en zone sensible.

Le plan écophyto sera revu
L'élargissement des zones vulnérables s’inscrit dans un vaste chantier pour rendre plus efficace la politique de l’eau, détaillé le 23 juillet en Conseil des ministres par Ségolène Royal. faute de résultats probants, le plan Ecophyto sera revu. La ministre de l’Ecologie dit vouloir maintenir l’objectif du Grenelle de diviser par deux le volume de pesticides utilisé chaque année par rapport à 2008, mais la date de 2018 est aujourd’hui hors de portée, la consommation évoluant peu.

Nouvelles contraintes
Reste à savoir, et c’est peut-être la question principale, comment les exploitations d’élevage, principales concernées, vont faire face à la nécessité de moderniser leur exploitation et leurs pratiques. «Cela ne passe pas au niveau du terrain» souligne Guy Vasseur. «Ni les exploitants ni les techniciens ne comprennent qu’on empile de nouvelles mesures au lieu de remettre à plat le mécanisme».
Depuis plusieurs mois, l’Etat et les régions planchent sur un plan de modernisation des exploitations. Budget, environ 200 millions d’euros, pour partie financé par l’Europe pour partie par l’Etat français (52 millions d’euros) et les régions.
Dans les régions touchées par l’extension des zones vulnérables il faudra s’adapter, orienter des sommes prévues sur d’autres objectifs, vers la lutte anti-nitrates. «Nous serons attentifs aux éleveurs, a assuré Ségolène Royal. Ils bénéficieront des aides maximales possibles», notamment via les agences de l’eau, pour les travaux de mise aux normes des bâtiments et de création d’unités de méthanisation. Cela suffira-t-il ?

 

 

INTERVIEW Eric Thirouin
Président de la Commission environnement de la Fnsea
«Il faut remettre à plat la directive Nitrates»
Vous avez été reçu au ministère de l’Agriculture, le 24 juillet, sur la nouvelle carte des zones vulnérables, quelle est votre première réaction ?
A la suite d’une première condamnation de la France en juin 2013 par la Cour de Justice de l’Union européenne pour un zonage insuffisant datant de 2007, le gouvernement a élaboré une nouvelle délimitation des zones vulnérables. Pour éviter une nouvelle condamnation, la France a durci les critères.  Concrètement, ce sont 63 000 exploitations, 3888 communes et 3,4 millions d’hectares supplémentaires qui intègrent ce nouveau zonage.
D’un agriculteur sur deux on passe à deux agriculteurs sur trois  concernés par cette nouvelle carte.  C’est purement scandaleux et indéfendable ! On ne change pas en permanence des règles qui vont obliger les agriculteurs et notamment  les éleveurs, surtout les plus petits, à procéder à de lourds investissements.
Je l’affirme d’autant plus fort que  le nouveau critère qui a été retenu, le seuil de 18mg/l de concentration en nitrates  à l’origine de l’eutrophisation n’a aucun caractère scientifique. Et d’ailleurs aucune étude réellement scientifique n’a été menée là-dessus.

Quelles demandes avaient vous faites au ministère de l’Agriculture ?
La première chose que nous demandons, c’est un plan d’accompagnement et de soutien pour permettre aux agriculteurs de se mettre  en phase avec ces nouvelles exigences. Mais ce que nous voulons aussi c’est une approche différente de la problématique Nitrates. Ce que nous appelons «Nitrates Autrement». Nous ne voulons pas d’une logique réglementaire tatillonne et aveugle qui s’applique sans distinction à tout le monde, sans tenir compte de la réalité du terrain et des situations. Bref, nous ne voulons plus de cette directive Nitrates et nous appelons à sa remise à plat, dès cet automne.
Notre démarche est une logique d’objectifs  et de résultats qui s’appuient sur des éléments scientifiques et techniques  incontestables et qui tiennent compte des progrès réalisés.
Et il nous faut aussi une vraie expertise collective sur l’impact des nitrates sur l’eutrophisation des eaux continentales et littorales et sur la pertinence de la fixation d’un seuil unique.

Que va-t-il se passer à l’automne ? Appelez vous à une mobilisation syndicale ?
Le nouveau zonage va faire l’objet d’une consultation sur le terrain et j’encourage les Fdsea à rencontrer les préfets pour faire valoir leur point de vue. Le 4 septembre prochain, la Cour de justice de l’Union européenne va se prononcer sur le programme d’actions de la France : l’épandage des engrais sur les pentes, les calendriers d’épandage et de stockage des effluents, notamment. Nous demandons à ce que les discussions soient réouvertes sur le sujet au niveau national et régional.

 

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