Semences fourragères
La production de «petites graines» en danger
Sans une rémunération suffisante, la production de semences de graminées et de légumineuses fourragères pourrait continuer de diminuer partout sur le territoire national. Les Hauts-de-France ne font pas exception, d’où un appel de Semences fourragères de Picardie (SFP) et de la Fnams à revaloriser les prix à la production.
Sans une rémunération suffisante, la production de semences de graminées et de légumineuses fourragères pourrait continuer de diminuer partout sur le territoire national. Les Hauts-de-France ne font pas exception, d’où un appel de Semences fourragères de Picardie (SFP) et de la Fnams à revaloriser les prix à la production.
De quoi parlent les producteurs de semences des Hauts-de-France lorsqu’ils se retrouvent au sein d’une commission «semences» organisée par la coopérative Noriap et sa filiale Semences fourragères de Picardie (SFP) ? De leurs engagements de surfaces pour les années à venir, des résultats de la campagne passée, mais aussi (et surtout) du niveau de rémunération de leurs productions. Et le moins que l’on puisse dire, au regard du niveau, c’est qu’il y a urgence pour redresser la barre. D’après des chiffres nationaux présentés par Semae, l’interprofession des semences et plants, l’année 2022 aura été «mouvementée», en particulier en ce qui concerne la production de semences fourragères. Après deux ans de hausse, les surfaces dédiées à ce type de semences accusent en 2022 une baisse de 10 %, passant de 56 308 ha (2021) à 50 627 ha. Principale raison invoquée par Sébastien Douay, responsable des relations interprofessionnelles de Semae pour le nord de la France : «un contexte économique plus favorable aux productions de consommation qu’aux semences». Autrement dit, compte tenu de l’inflation des cours d’un certain nombre de cultures de vente, dont le blé, «les agriculteurs ont tendance à délaisser des productions risquées, comme l’est la multiplication de semences».
Chiffre d’affaires à l’hectare en baisse
Quelles que soient les espèces considérées, le constat est alarmant : les coûts de production ont littéralement «explosé» en 2022 selon Semae, après des années de relative stabilité : + 78 % pour la fertilisation, + 40 % pour l’énergie ou encore + 5 % pour le matériel. À cela s’ajoute également des contraintes sur l’utilisation de produits phytosanitaires de plus en plus fortes, et des rendements pas forcément au rendez-vous comparé aux prévisions. Les semences fourragères ne seraient toutefois pas les seules concernées, puisque rien qu’en pommes de terre, «les surfaces de multiplication de plants devraient baisser entre 10 et 15 % dans la région», selon Sébastien Douay. D’une manière générale, si on ajoute à ce contexte le fait que tous les hectares emblavés ne sont pas forcément récoltés en raison des conditions météo ou de qualité, «les chiffres d’affaires à l’hectare pour un grand nombre d’hectares sont en baisse, et c’est une tendance lourde», constate-t-on chez Semae. Dans un tableau pas forcément très clair, il reste heureusement à la production de semences quelques arguments à faire valoir. Elle permet en effet une diversification des cultures comme l’exige la nouvelle Pac, a un impact positif sur la structure du sol, fournit de l’azote, permet de valoriser des parcelles peu ou pas exploitées, protège les sols de l’érosion…
Risque d’abandon
Pour garantir un maintien de la production de semences sur le territoire national, la rémunération reste essentielle, rappelait toutefois le 9 janvier le président de la commission SFP, Luc Vermersch, d’autant que le contexte n’est plus le même qu’il y a quelques années plus tôt : «Les nouvelles générations ont une approche directe. Si un jeune agriculteur prend une gamelle une année avec une production, on ne l’y reprendra pas l’an prochain.» À moins que le bénéfice soit nettement plus important que le risque. Au sein de l’interprofession des semences (Semae), même si la réglementation l’empêche, la question de la rémunération des producteurs de semences est dans un certain nombre de têtes, à en croire le président de la Fnams, Thomas Bourgeois. «Il faut mettre les semenciers face à leurs responsabilités. S’ils veulent garder une production française, et communiquer là-dessus, il va falloir qu’ils fassent un effort.» Pour Luc Vermersch, la question serait d’abord un problème de «réactivité» : «Il y a un décalage entre le moment où l’on fait part des difficultés que l’on à trouver des surfaces et la revalorisation des prix que peuvent accorder nos clients semenciers.» L’autre préoccupation partagée avec la Fnams, c’est celle de la répartition de la valeur entre les différents acteurs de la filière. Pour autant, selon l’agriculteur-multiplicateur de semences, «un savoir-faire, ça se paie… Quand on aura sorti les semences de nos assolements, on ne les retrouvera pas !» Le risque est alors de voir cette production se faire dans d’autres parties du monde… comme cela se pratique déjà pour certaines espèces.