La Région au Sia : les paysans à l'avant-poste
Comme chaque année, la première région agricole, les Hauts-de-France, sont présents au Salon international de l’agriculture. Aux côtés des agriculteurs, des éleveurs, des pêcheurs, des professionnels, de ses partenaires, la Région est venue afficher fièrement les richesses agricoles et agroalimentaires, mais aussi dresser un point sur l’actualité.
À l’occasion du Salon international de l’agriculture, la Région réaffirme son soutien aux professionnels du monde agricole. Elle a mis en place une stratégie agricole ambitieuse pour accompagner les agriculteurs dans le défi de la compétitivité, mais aussi dans celui de la transition agro-écologique. L’objectif : renforcer la filière agricole régionale, développer les nouveaux modes de production et ainsi répondre aux volontés sociétales actuelles, que sont la production locale et biologique et le bien-être animal.
L’agriculture entre de bonnes mains
D’emblée, première à prendre la parole lors de l’inauguration du stand de la Région le mardi 25 février, Marie-Sophie Lesne, vice-présidente de la Région en charge de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la bioéconomie, rappelle que si le monde agricole est en pleine mutation, il faut lui laisser le temps de s’adapter : «Ce n’est pas avec des contraintes comme les ZNT que cela doit se faire, mais au travers d’un accompagnement. Nous avons perdu 30 % d’exploitants entre 2010 et 2016, il n’est pas question de continuer. Ce que nous voulons, c’est plus d’agriculteurs qui fournissent des produits sains et traçables !»
«La Région est mobilisée pour accompagner les nouveaux agriculteurs à se préparer au mieux à leur installation en agriculture», explique Marie-Sophie Lesne. Dans ce cadre, la Région finance un point d’accueil unique pour faciliter l’accès au métier d’agriculteur : le Point accueil installation transmission (PAIT). «Autre étape de la vie de l’agriculteur que la Région soutient : la diversification d’une exploitation agricole avec la mise en œuvre d’une nouvelle activité sur l’exploitation agricole», martelle-t-elle. Pour répondre à ces enjeux, les Hauts-de-France soutient les projets de diversification des exploitations avec le Plan Activ’Ta Diversification. Cela consiste à fournir des aides pour financer des projets de diversification ; des subventions seront accordées dans le cadre de visites pédagogiques à la ferme ; tout agriculteur en questionnement ou en projet de diversification sera accompagné par des organismes partenaires de la Région. Le 24 septembre 2019, la région a voté un nouveau dispositif pour compléter sa gamme d’aides aux agriculteurs : le Pass’Agri filières. Ce nouveau dispositif soutient les exploitations qui investissent dans des productions agricoles nouvelles ou à développer, dans la transformation et la commercialisation des produits issus de leur exploitation quelle que soit la filière, et dans des activités d’accueil et de service à la ferme. Ce soutien se matérialise par une subvention de 30 % ou 40 % (pour les productions sous Siqo) pour des investissements éligibles compris entre 4 000 € et 30 000 €.
Transition écologique, bioéconomie, agroécologie
«En avril 2018, la Région organisait les premières assises de la bioéconomie en Hauts-de-France. Près de deux-cents participants (chercheurs, porteurs de projets, exploitants agricoles et industriels) se sont réunis et ont co-construits le masterplan de la bioéconomie», affirme Marie-Sophie Lesne. L’objectif, entre écologie et économie, est de répondre aux enjeux de la transition énergétique tout en assurant le développement économique de la filière avec des emplois durables. Dans ce masterplan, la Région se fixe quatre grandes ambitions : faire des Hauts-de-France le leader européen des protéines ; structurer durablement une filière de matériaux biosourcés ; développer un mix énergétique intégrant le biogaz ; et développer les ingrédients à destination de l’alimentation et du bien-être. «Le masterplan bioéconomie s’inscrit dans la dynamique d’envergure plus large pour répondre aux défis économiques, sociaux et environnementaux : Rev3, la Troisième révolution industrielle…», souligne-t-elle.
Face aux limites de l’intensification des pratiques agricoles (régression de la biodiversité et de la fertilité des sols, disparition des systèmes bocagers traditionnels, baisse de la qualité de l’eau...), «l’agroécologie vise à accompagner les agriculteurs dans la transformation de leurs pratiques afin qu’ils puissent répondre aux exigences de consommation de la société, et avoir un avantage compétitif basé sur la durabilité et la qualité», détaille Olivier Dauger, président de la Chambre régionale d’agriculture Hauts-de-France, invité à s’exprimer après Marie-Sophie Lesne.
«Conscients des difficultés pour les agriculteurs de changer leurs pratiques, la région, l’État, la chambre régionale d’agriculture et les autres partenaires travaillent actuellement à l’élaboration d’un plan régional ambitieux en faveur de l’agroécologie. Avec ce plan, il s’agira d’accompagner de manière opérationnelle les agriculteurs dans la réflexion stratégique sur leur système de production et dans le déploiement de solutions concrètes alliant agriculture et écologie», déclare Marie-Sophie Lesne.
Localement vôtre
À l’image de la richesse des produits sous Siqo, en 2018, les Hauts-de-France a lancé un label «Ici, je mange local» décerné chaque année aux écoles, collèges, lycées, établissements médico-sociaux ou encore, cuisines centrales qui s’approvisionnent localement. Ce dispositif se décline en quatre niveaux. Le niveau starter récompensant les établissements qui s’engagent dans la démarche, et les niveaux 1, 2 et 3 correspondant aux pourcentages d’approvisionnement en denrées locales des établissements. Un ruban vert sera ajouté sur la distinction de tout établissement parvenant à 20 % au moins de denrées bio locales.
Afin d’amplifier cette démarche auprès des producteurs, la région a voté en octobre 2018 un dispositif de soutien à l’approvisionnement local. L’objectif souhaité par la région est double : massifier la demande en produits locaux, notamment dans la restauration collective (établissements scolaires, dont en premier lieu les lycées, établissements de santé et de soins, administrations, entreprises, restauration privée…) ; accompagner la structuration de l’offre, avec un appui aux producteurs agricoles (pour la production, la transformation, la commercialisation en circuit court), à l’artisanat (métiers de bouche…) et aux industries agroalimentaires.
AgriForce ? Xavier Bertrand, défendeur du monde agricole
«Ne vous contentez pas d’aimer les agriculteurs durant neuf jours dans l’année pendant le Salon de l’agriculture ! La politique, c’est comme l’amour, faites attention aux déclarations», s’exclame Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France. «Imaginez… Quelle profession accepterait de bosser jusque 70 ou 100 heures par semaine ? De vivre en dessous du Smic ou du seuil de pauvreté ? D’avoir des retraites de misères ? De se faire insulter, cracher dessus et de voir son exploitation vandalisée par des délinquants ? Qui accepterait cela ? Personne ? Et pourtant, c’est ce que l’on constate en France. Nous, les politiques, on vient neuf jours dans l’année pour vous dire que l’on vous aime et faire notre bonne action… Ça ne doit pas marcher comme ça !»
Pour le président de la Région, il faut maintenir un système d’entreprise familiale agricole. Est-ce réalisable ? Oui, mais à plusieurs conditions, selon lui. «La première est de savoir si ceux qui nous nourrissent doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part des responsables politiques. Si vous pensez que c’est le cas, cela veut donc dire qu’il faudra se battre pour obtenir les moyens nécessaires dans les années à venir. Le deuxième sujet, c’est de régler le problème une bonne fois pour toute, le «qui fait quoi ?» entre l’Europe, l’État et les collectivités locales. Si cela n’est pas réglé, vous pouvez mettre tout l’argent que vous voulez, cela ne suffira pas.»
Pour le président des Hauts-de-France, le chef de l’État et le gouvernement ne doivent pas faiblir face à l’Europe, afin de ne pas être en dessous de 376 milliards d’euros pour la Pac.
«De plus, l’État doit aussi se concentrer sur la question du revenu agricole, de la sécurité alimentaire. Les paysans bénéficient des aides, mais bien souvent, trop peu ou trop tard. Résultat des courses : les paysans n’ont pas la trésorerie et l’esprit tranquille. Il faut laisser un “tiot” temps aux agriculteurs et non les fusiller.»
Il rappelait aussi le dossier du Brexit qui va impacter la Région, puisque 12 % des produits agricoles régionaux ont exporté vers le Royaume-Uni. Sans parler des pêcheurs dont l’inquiétude est grande. «Si les Anglais ne veulent plus que nous allions pêcher dans leurs eaux, eh bien, il faudra avoir le courage de leur interdire de venir dans les nôtres !», clamait le président.
Pour pallier aux problèmes agricoles, Xavier Bertrand propose de créer une force permanente de pilotage, au nom encore incertain, mais qui pourrait être «AgriForce». «Cela permettra que tous les mois, nous ayons une réunion au niveau politique. Elle sera pilotée, soit par Marie-Sophie Lesne, soit par Jean-Michel Serres, soit par moi-même. Cette réunion réunira tous les représentants agricoles, les représentants du Département et l’État de façon à examiner les sujets d’actualité et les urgences. Cela permettra de savoir si nos solutions sont efficaces ou non. La Région ne peut pas prendre la place de l’État. Cependant, fin 2022, je propose que le budget agricole, propre à la Région, augmente de 20 à 25 % et qu’il se situe à 30 millions d’euros par an. Ce qui nous permettra de répondre aux nouveaux enjeux ! Si on perd les paysans, on perd la qualité des produits, le paysage, la création d’emploi, mais la belle image de la France», conclut Xavier Bertrand sous un tonnerre d’applaudissement.