Décarbonation
La transition agroécologique deviendra-t-elle une opportunité en or ?
Tous les acteurs de l’aval des filières agricoles souhaitent décarboner l’amont agricole, principale source d’émissions de gaz à effet de serre de leurs activités. Une économie de la transition bas carbone est émergente, mais encore floue, et surtout insuffisante pour les agriculteurs. Agro-transfert a mené l’étude Acclim-agri pour mieux la comprendre. Les résultats étaient présentés ce 3 décembre, à Méaulte.
Tous les acteurs de l’aval des filières agricoles souhaitent décarboner l’amont agricole, principale source d’émissions de gaz à effet de serre de leurs activités. Une économie de la transition bas carbone est émergente, mais encore floue, et surtout insuffisante pour les agriculteurs. Agro-transfert a mené l’étude Acclim-agri pour mieux la comprendre. Les résultats étaient présentés ce 3 décembre, à Méaulte.

Pacte vert européen, stratégie nationale bas carbone… La décarbonation est sur toutes les lèvres. «Toutes les industries agroalimentaires ont des objectifs sur ce sujet, et leurs plus grosse émissions sont liées au secteur amont de leurs activités, soit les exploitations agricoles», présente Sylvain Rullier, de l’Ademe. Des dispositifs de financements voient le jour, mais difficile pour les principaux concernés de s’y retrouver. Ce 3 décembre à Méaulte étaient présentés les résultats de l’étude Acclim-agri qu’a menée Agro-transfert, dans le but de «permettre aux acteurs des filières de comprendre et s’approprier le fonctionnement de ce nouvel écosystème d’acteurs et d’identifier les freins et leviers pour l’accélération de la transition».
Dans les fermes, les leviers agronomiques sont désormais connus : «optimisation des apports azotés, mise en place de couverts, agroforesterie, prairies temporaires… Mais les freins économiques empêchent de massifier ces pratiques», pointe Sylvain Rullier. Pourtant, un système économique émerge pour financer la transition agricole. «La vente d’un effort chiffré “bas carbone“ peut se faire à la tonne de produit, ou à l’échelle de l’exploitation», présente Justine Lamerre, cheffe de programme agriculture bas carbone chez Agro-Transfert. Ainsi, on distingue deux types de financements pour les agriculteurs : les crédits carbone, qui se mesurent en teqCO2/t, qui ne rémunèrent pas l’effort déjà mené, mais la transition à venir, et les primes filières, exprimées en teqCO2/t produit, qui rémunèrent la performance bas carbone d’un produit. Sont-elles cumulables ? «Il y a un flou juridique à ce sujet.»
Crédits carbone et primes filières
Les crédits carbone intéressent en général les entreprises qui souhaitent compenser. «Elles financent les efforts des autres pour compenser ceux qu’elle n’a pas pu réaliser.» Plusieurs dispositifs existent pour le calcul et la certification de ces crédits carbone, au choix pour les acheteurs et des vendeurs, tels que Soil Capital, Verified Carbon Standard, Gold Standard, ou encore le label bas carbone (100 % français). La réglementation devrait évoluer sur ce sujet. «Un cadre de certification européen pour le marché volontaire des absorptions de carbone, dont celle permises par le carbon farming (pratiques permettant de façon générale de réduire les émissions et d’augmenter le stockage de carbone), va voir le jour. Les référentiels seront-ils harmonisés ? Notre Label Bas Carbone sera-t-il compatible ?» Les primes filières, elles, sont souvent portées par une coalition d’acteurs. «Cette coalition se fait entre l’agriculteur, qui peut être représenté par sa coopérative, et l’industriel, ainsi qu’un tiers de confiance que certifie les progrès, comme Earthworm et PADV (Pour une agriculture du vivant).»
Besoin de clarté
L’étude Acclim-agri pointe des difficultés de mise en œuvre de ces pratiques. «Les données sont au cœur des transactions, or, elles sont parfois peu accessibles (incomplètes, non harmonisées, détenues par divers opérateurs), non réglementées (droit de propriété), et peu vérifiables. Il faut mettre en place une chaîne de traçabilité robuste.» Pour les agriculteurs, les questions sont nombreuses : Quel usage des efforts qui seront achetés par les industriels ? Quelle répartition du risque ? La trop faible rémunération des efforts fournis est un des principaux freins à la transition avancés. Les industriels prennent aussi des pincettes. Les efforts financés sont-ils réels et peuvent-ils être revendiqués, sans risquer d’accusation d’écoblanchiment ? Les actions seront-elles toujours conformes demain si la réglementation évolue ? Une des solutions pour répondre à ces questions serait la mise en place d’une gouvernance inter-filière territorialisée, impliquant les pouvoirs publics.
Chez Tereos, des primes filières
Ce 3 décembre, plusieurs acteurs témoignaient de leur engagement auprès de la transition agro-climatique des agriculteurs. Parmi eux, le groupe sucrier Tereos a mis en place des primes filières. «Pour nous, les activités agricoles représentent 47 % de nos émissions et la betterave représente 22 % de cette partie agricole», détaille Jérôme Hary, agriculteur dans le Nord et président de la Commission Innov’action de Tereos. Le but est donc d’emmener le plus grand nombre possible d’agriculteurs dans la décarbonation de l’activité agricole. L’accompagnement, y compris financier, apparait indispensable. La coopérative a donc lancé mille premiers bilans carbone à l’échelle des exploitations, qui devront être terminés à l’été 2025. «Cela représente 10 % de nos coopérateurs.» Tereos propose ensuite un engagement sur cinq ans en primes filière, qui peuvent aller jusqu’à 150 €/ha par an. «Pour cela, le groupe sucrier a rejoint le programme Transitions, porté par le groupe céréalier Vivescia pour la région Grand Est, et l’association Pour une Agriculture du Vivant, pour les autres régions.»