L’Afdi aux côtés des jeunes agriculteurs cambodgiens
Partenaires de la Faec (Fédération des agriculteurs cambodgiens), les Afdi des Hauts-de-France, de Normandie et du Haut-Rhin ont réalisé une mission d’appui au Cambodge sur la thématique «installation des jeunes».
Cambodge : près de 16 millions d’habitants, dont 85 % se consacrent à l’agriculture. La riziculture est la production la plus importante, consommée pour l’essentiel dans le pays. Les autres cultures du pays sont le poivre, le maraîchage, le sucre de palme, les agrumes dans le nord du Cambodge, les volailles et un peu de bovins.
Reste que «l’agriculture a été fortement impactée par l’histoire récente des Khmers rouges, notamment en ce qui concerne la répartition des terres. Après avoir été collectivisées, celles-ci ont été redistribuées mais, en raison de la corruption, les conflits sur le foncier sont nombreux», explique Vincent Yver, conseiller à la Chambre d’agriculture de l’Oise et parti au Cambodge, en octobre dernier, avec l’Afdi Hauts-de-France, dans le cadre d’une mission sur la question de l’installation des jeunes.
Autres effets collatéraux de la collectivisation durant le régime khmer : l’absence d’esprit d’entreprise chez les jeunes et une agriculture en autarcie, essentiellement vivrière. «Il y a très peu de cultures de rente. La plupart des agriculteurs n’ont pas l’idée de valoriser la vente de leurs produits agricoles», relève Vincent Yver.
Outre la question foncière et une agriculture en mode autarcique, l’autre problématique à laquelle est confrontée cette agriculture est l’exode rural. La plupart des jeunes quittent les campagnes pour les villes, les pays voisins, voire les pays lointains. Conséquence : l’agriculture manque cruellement de main-d’œuvre, comme de soutien de la part du gouvernement, qui est d’ailleurs complètement absent sur le sujet.
Faciliter l’installation des jeunes
Accompagnée par la Faec - qui rassemble 6 000 exploitations agricoles pour une cinquantaine d’organisations agricoles -, l’Afdi est allée à la rencontre de jeunes agriculteurs cambodgiens dans le sud du pays, à la frontière vietnamienne, ainsi que dans le Nord, à Siem Reap et à Battambang, afin d’échanger avec eux sur l’agriculture dans leur pays, les difficultés qu’ils rencontrent et comment ils voient l’évolution de leurs activités agricoles.
Au menu des difficultés de ces jeunes agriculteurs, sans surprise, l’accès au foncier, mais aussi au financement pour s’installer, ainsi que le manque de formation. «Un autre problème plus global auquel ils sont confrontés est l’absence de structuration des filières agricoles», ajoute Vincent Yver. Sans compter une caractéristique culturelle du pays : les parents ne transmettent le foncier à leurs enfants que lorsqu’ils sont mariés.
A partir des éléments recueillis sur le terrain, l’Afdi et la Faec ont défini une stratégie pour favoriser l’installation des jeunes et amoindrir, de la sorte, l’exode rural. Deux axes d’attaque ont été retenus : l’accès à des prêts bonifiés soutenus par l’Afdi en faveur des jeunes agriculteurs qui s’installent, et la mise en place de formations, notamment sur la filière volailles (production et commercialisation), qui présente des débouchés intéressants.
«Un travail sur la structuration de toutes les filières doit être accompli ensuite. Ce sera un travail titanesque», confie le bénévole Afdi. Dans tous les cas, en parallèle des démarches entreprises, et pour développer l’esprit d’entreprise et la formation des jeunes, ces derniers doivent pouvoir accéder à des responsabilités dans les regroupements de producteurs sur les marchés.
La stratégie arrêtée sera d’abord testée sur des groupes pilotes, qui n’ont pas été encore définis. La tâche sera longue et difficile mais, selon Vincent Yver, le lien qui existe entre la production agricole et l’alimentation dans ce pays est une force. «On sent aussi qu’il y a des valeurs de solidarité et d’entraide très développées dans le monde agricole, ce que l’on a moins chez nous. Ce sont sur ces valeurs que les agriculteurs peuvent s’appuyer pour construire leurs organisations et se structurer sur les marchés», pense Vincent Yver.
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Astrid Granger, une JA au Cambodge
Témoignage
Jeune agricultrice de 32 ans, installée à Vaubadon, dans le Calvados, Astrid Granger a suivi la mission de l’Afdi au Cambodge. Interview.
Pouvez-vous, tout d’abord, vous présenter ?
J’ai repris l’exploitation familiale, à Vaubadon, dans le Calvados, après avoir été salariée durant quatre années dans le domaine équin. La reprise s’est faite au moment de la retraite de mes parents. Nous sommes en polyculture élevage, avec 150 ha de céréales, 55 ha d’herbe et 55 mères charolaises en naisseur-engraisseur. Je suis en SCEA avec mon père en associé non-actif à 10 %. Mon frère travaille sur l’exploitation avec moi en tant que salarié à mi-temps pour le moment.
Pourquoi avez-vous décidé de partir en mission avec l’Afdi ?
En fait, c’est l’Afdi Normandie qui a demandé à mon syndicat, JA, s’il pouvait proposer à l’un de ses membres d’accompagner la mission. Je suis présidente de mon canton. J’ai tout de suite accepté parce que, d’une part, j’aime énormément voyagé et, d’autre part, j’avais envie d’apporter mes connaissances à d’autres. Enfin, je voulais voir également ce que faisait l’Afdi sur le terrain.
Quel était votre rôle dans cette mission ?
J’étais là pour parler de mon installation, du parcours d’installation des jeunes agriculteurs en France, mais aussi pour leur présenter notre syndicat et le travail avec les coopératives. Ma mission consistait également à observer leurs façons de faire pour pouvoir les guider au mieux.
Où êtes-vous allée ?
Nous étions d’abord à Phnom Penh pour rencontrer des organisations non gouvernementales (ONG). Ensuite, nous nous sommes rendus dans le sud du Cambodge, dans la région de Takeo. Toutes les exploitations visitées (riz, maraîchage, volailles, atelier de poulets, ferme piscicole) sont à taille familiale, entre 0,5 ha et 1 ha. Il y a toujours plusieurs ares consacrés au riz. Tout ce qu’ils produisent est d’abord pour nourrir leur famille. Seul l’excédent est vendu.
Qu’est-ce qui vous a frappé dans leurs conditions de vie et travail ?
Au-delà de nos différences culturelles, la première chose qui m’a frappée est qu’ils n’ont aucun soutien de l’Etat. Ce dernier se désintéresse totalement de la question agricole. Ils n’ont pas non plus de soutien de la part des banques, qui pratiquent des taux élevés pour les prêts. Il n’existe, par ailleurs, aucun parcours d’installation pour les jeunes agriculteurs. C’est donc très difficile pour eux de pouvoir s’installer. Ils manquent aussi de formation, comme d’appui technique et d’esprit d’entreprise. Enfin, en termes de cultures, ils n’ont pas la chance, comme nous, d’avoir des cultures annuelles. Du coup, c’est difficile pour eux de se projeter dans l’avenir, voire même sur une année. Une fois cela dit, les jeunes agriculteurs que j’ai rencontrés sont très motivés mais, au moindre pépin, c’est la Bérézina, car ils n’ont aucune assurance. Ils perdent tout. Leurs conditions de travail sont donc très fragiles.
Qu’est-ce qui peut être mis en place pour les aider ?
S’ils veulent stabiliser leurs revenus, il faut qu’ils vendent plus, pas forcément en intensifiant leurs productions, plutôt en se diversifiant. Ils peuvent le faire à condition, toutefois, de développer l’irrigation, qui est un vrai point faible dans ce pays. Pour ce qui est de la diversification, il y a, par exemple, une vraie demande sur leur territoire en maraîchage et en volailles. La pisciculture est aussi une piste intéressante. Il faut aussi qu’ils aient accès à des formations et un soutien technique.
Propos recueillis par F. G.