L’agriculture bio en négociation pour «plus de reconnaissance»
Co-directeur de Bio en Hauts-de-France, Jean-Baptiste Pertriaux fait le point avec Sophie Tabary, agricultrice dans l’Aisne et administratrice de la structure d’accompagnement de l’agriculture bio dans les Hauts-de-France, sur les inquiétudes des agriculteurs bio vis-à-vis de la modification de système de soutien public à l’AB.
Co-directeur de Bio en Hauts-de-France, Jean-Baptiste Pertriaux fait le point avec Sophie Tabary, agricultrice dans l’Aisne et administratrice de la structure d’accompagnement de l’agriculture bio dans les Hauts-de-France, sur les inquiétudes des agriculteurs bio vis-à-vis de la modification de système de soutien public à l’AB.
Le 2 juin dernier, une manifestation était organisée aux Invalides à Paris à l’appel de la Fédération nationale d’agriculture bio (FNAB). Quelles sont les raisons de cette mobilisation ?
J-B.P : La FNAB a lancé cet appel à manifester pour demander la reconnaissance des effets positifs de l’agriculture sur l’environnement, sur l’alimentation, mais aussi sur le plan social à un moment où le soutien à l’agriculture, via la Pac, est en train d’être discuté. Ce que l’on voit aujourd’hui, dans l’écriture de la future Pac et de sa déclinaison française, c’est que l’on s’oriente vers une diminution des soutiens publics à l’agriculture bio de l’ordre de 66 % avec la disparition de l’aide au maintien. Comme tous les agriculteurs, les bios ont accès au paiement vert qui est en moyenne de 80 E par hectare et par an, à laquelle s’ajoute une aide au maintien (MAB) en moyenne de 122 E par an et par hectare. Avec la prochaine Pac, ces deux dispositifs vont disparaître pour être remplacés par l’écorégime d’un montant de 70 E par hectare.
Quelle a été la participation des agriculteurs bios des Hauts-de-France à cette manifestation ?
J-B.P. : Une délégation de 25 agriculteurs s’est rendue à Paris. Nous avons aussi interpellé les pouvoirs publics en région dont le Conseil régional, la Draaf… À partir de simulations que nous avons réalisé, les fermes bio de la région vont perdre entre 45 et 78 % des aides qu’elles perçoivent jusqu’à maintenant, quel que soit les systèmes et les productions.
D’ici 2027, la France s’est fixé l’objectif d’atteindre 18 % de sa SAU en bio. Qu’en est-il dans la région Hauts-de-France ?
J-B.P : Il n’y a pas d’objectif régional défini, si ce n’est que nous visons a minima cet objectif national. En 2019, nous avons franchi la barre des 2 % de la SAU régionale en bio. Aujourd’hui, nous devrions être entre 2,5 et 3 %.
La FNAB a récemment fait part de sa «déception» vis-à-vis du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, notamment en raison de son écriture du Plan national stratégique qui promet pourtant à l’agriculture bio d’atteindre le plus haut niveau de l’écorégime. Les agriculteurs bio de Bio en Hauts-de-France partagent-ils ce sentiment ?
S.T. : Nous rejoignons la FNAB, notamment sur les arbitrages qui se trament parce qu’ils apparaissent en défaveur de la bio. En mettant au niveau de l’écorégime HVE et Bio, le ministre de l’Agriculture voudrait faire croire que HVE et bio sont la même chose, ce qui n’est pas le cas. La démarche HVE inclut une obligation de moyens pour l’amélioration des pratiques en prônant la réduction des intrants chimiques, moins de travail du sol. Avec la Bio, c’est différent puisque nous n’utilisons pas du tout de pesticides, par exemple. Quant aux techniques simplifiées de travail du sol, cela fait longtemps qu’on les travaille en bio.
Des arbitrages seraient toujours en cours. Savez-vous à quelle date ceux-ci seront-ils rendus ?
J-B.P. : Nous n’avons pas connaissance d’une échéance précise. C’est pour cela que la mobilisation se poursuit. Nous espérons encore pouvoir infléchir les choses.
Le gouvernement semble vouloir mettre l’accent sur la conversion en annonçant dernièrement des aides à la conversion en hausse pour la période 2023-2027. Cela vous satisfait-il ?
J-B.P. : Il y a un besoin de soutien à la conversion, mais ce n’est pas suffisant. Si les agriculteurs n’ont pas de visibilité, ils ne se lanceront pas. La politique publique en faveur du bio doit être partagée entre soutien à la conversion et aide au maintien. L’un ne va pas sans l’autre.
S.T. : C’est une façon de faire taire les critiques. Un bricolage avec des bouts de chandelle. Convertir massivement sans aide au maintien nous inquiète. Aujourd’hui, comme tout le monde, nous dépendons du marché. La valorisation des produits bio est plus importante qu’en conventionnel parce que l’équilibre offre-demande n’est pas atteint partout. Si on se met à produire plus, il y a un risque de chute des prix. L’aide au maintien permet de conforter des orientations, de se diversifier, de changer de dimension. Si on supprime les aides au maintien, on ne voudrait pas se retrouver avec un déluge consécutif à une grande vague de conversions.
Le ministère de l’Agriculture a également récemment confirmé une revalorisation du Fonds Avenir Bio ce qui conduit son budget à passer de 8 à 13 millions d’euros en 2021 et 2022. Comment l’accueillez-vous ?
J-B.P. : Le Fonds Avenir Bio est une mesure de soutien intéressante parce qu’il permet aux filières de se structurer et d’éviter de faire en bio les erreurs qui ont pu être faites dans l’agriculture conventionnelle. Tout ce qui peut contribuer à faire émerger ou à consolider des filières est bienvenu.
À l’approche des élections régionales, quelles sont les attentes des agriculteurs bio vis-à-vis de la future majorité du Conseil régional ?
S.T. : Nous avons adressé un recueil de seize propositions aux candidats aux élections régionales. Ces propositions ont été travaillées par le conseil d’administration de Bio en Hauts-de-France et des adhérents. On espère maintenant que ceux qui seront élus en fasse bon usage et qu’ils trouveront des pistes pour accompagner le développement de l’agriculture bio dans notre région.