«L’agriculture fait partie de la solution»
Dans le cadre de la préparation de la COP 21, en décembre prochain à Paris, une conférence, qui s’est tenue à Paris, a montré que l’agriculture pouvait contribuer à la lutte contre
le réchauffement climatique.
«L’agriculture et les sols agricoles face aux défis du changement climatique et de la sécurité alimentaire : politiques publiques et pratiques». C’était le thème de la conférence, organisée conjointement par le ministère français de l’Agriculture et l’Ocde, le 16 septembre, à Paris.
Cette journée, qui s’inscrit dans le cadre de la préparation de la COP 21 sur le climat, qui doit se tenir en décembre prochain à Paris, a réuni plus de quarante pays et organisations internationales, ainsi que des représentants des agriculteurs, de la recherche, du secteur privé et des ONG. Ensemble, ils ont exploré les politiques publiques et les pratiques agricoles permettant à l'agriculture et aux sols agricoles de répondre conjointement aux défis de la sécurité alimentaire, du maintien de la productivité agricole et de la sécurité alimentaire.
Premier sujet travaillé par cette assemblée, celui de la dégradation des sols. «Personne n’y échappe», a reconnu Martial Bernoux, agropédologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Il constate que cette dégradation «est multiforme, elle n’est pas la même d’un pays à l’autre. Elle peut se traduire par une perte de la biomasse, par de l’érosion, par une perte de salinité…» Mais les scientifiques ont du mal à quantifier ce phénomène : «Les estimations vont d’un milliard à six milliards d’hectares !». Une certitude : «En cent cinquante ans, on a perdu 80 milliards de tonnes de carbone. Il faut stopper cette dégradation, martèle le chercheur. Il faut arrêter de perdre du carbone. Les sols font partie de la solution.»
Séquestration
Les intervenants ont ensuite examiné les pratiques qui permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES), mais aussi celles qui permettent de stocker ces GES dans les sols. Semi direct, couvert végétal … plusieurs exemples ont été présentés. Les politiques publiques doivent être réorientées en ce sens. «Il faut donner des incitations économiques pour aller vers des pratiques vertueuses. Il faut passer de ce qui est souhaitable à ce qui est possible», a exhorté Ana Iglesias, professeur d’économie agricole à l’Université polytechnique de Madrid.
La séquestration de carbones est en effet possible. C’est justement l’objet du programme «4 pour 1 000», une initiative française. Ce programme a pour objectif d’améliorer les stocks de matière organique de 4 pour 1 000 par an. «Cette augmentation permettrait de compenser l’ensemble des émissions des gaz à effet de serre de la planète», estime le ministère de l’Agriculture.
Politiques publiques insuffisantes
Mais, globalement, les politiques publiques ne sont pas à la hauteur des enjeux. «Ces politiques sont à la traîne», estime Ken Ash, directeur des échanges et de l’agriculture à l’Ocde. «Il faut examiner les incitations politiques selon les nouvelles priorités», ajoute-t-il. Il explique que les quarante-neuf pays membres de l’Ocde, qui pèsent 88 % de la valeur ajoutée agricole mondiale, consacrent 450 milliards d’euros de soutien à l’agriculture. Un tiers de ces soutiens sont dirigés vers l’utilisation d’intrants. «Il est urgent de changer de politiques aujourd’hui», poursuit-il. Encore faut-il que les marchés suivent.
Intervenant depuis la salle, Didier Marteau, secrétaire général adjoint d’Apca, en charge du dossier de l’environnement, rappelle qu’à force de diminuer les apports d’azote, «nous nous retrouvons avec un taux de protéines inférieur à la qualité requise et nous sortons du marché». «Les engrais font partie de la solution, mais ils font aussi partie du problème», reconnaît Juergen Voegele, directeur senior des pratiques agricoles globales de la Banque mondiale. Il déplore que les budgets de recherche et développement, aussi bien privés que publics, soient si faibles dans le domaine des engrais. «On ne peut pas résoudre le problème du climat, si l’on ne parle pas d’agriculture. Car l’agriculture fait partie de la solution.»
«L’agriculture et la forêt peuvent être des éléments de stockage de carbone», confirme Stéphane Le Foll, qui est venu conclure cette journée. «Le stockage de carbone permet de stocker de la matière organique, donc de rendre les sols plus fertiles, ce qui doit permettre de développer la production agricole». Revenant sur le programme «4 pour 1 000» il a annoncé qu’une conférence se tiendra à Paris, le 1er décembre, dans le cadre de la COP 21. Elle devrait permettre de poser les bases de ce projet.