«L’année 2016 ne sera pas moins intense que celle de 2015»
L’Union des producteurs de lait de Picardie (UPLP) a tenu son assemblée générale, le 15 mars, à Maizicourt.
Amiens, Abbeville, Paris, Bruxelles… Les manifestations se sont succédé en 2015, revêtant différentes formes : rassemblement, blocage des villes, blocages des centrales d’achat, etc. Sans compter les réunions au ministère de l’Agriculture, les négociations avec les transformateurs et la distribution, les rencontres avec les services de l’Etat pour la mise en route des plans d’urgence. «L’année 2015 a été intense. L’année 2016 ne sera pas moins intense que celle de 2015», commente Olivier Thibaut, président de l’UPLP, lors de l’assemblée générale.
Certes, tous les objectifs fixés n’ont pas été atteints, «mais notre mobilisation a porté quelques fruits, complète Joseph Petit, secrétaire général de l’UPLP. Les fruits ? Quelques prix à la suite de la rencontre avec la grande distribution, le 24 juillet dernier, le plan d’urgence dans la Somme, 800 000 euros alloués dans le cadre des PCAE en Picardie, dont 139 dossiers retenus dans la Somme. «Mais, quoi qu’il en soit, nous continuerons à nous battre en 2016 pour avoir des prix et des revenus», conclut-il. D’autant que la volatilité des prix n’est pas près de s’interrompre.
«On ne voit pas le bout du tunnel»
Cette volatilité est renforcée par une surproduction du lait, tant à l’échelle européenne que mondiale, que par l’embargo russe et la baisse des exportations chinoises. Sans compter le regroupement de la grande distribution pour négocier les prix avec les transformateurs. Tel a été le cas, par exemple, sur les «marques», qui ont enregistré «une légère baisse au cours des dernières négociations», explique Olivier Gaffet, de Sodiaal Union Nord. Sur les segments «MDD» et «premier prix», certains ont maintenu en 2016 un prix équivalent à celui de 2015. «Collectivement, il faut continuer à mettre la pression, dit Olivier Gaffet. Nous devons faire un gros travail sur la restauration hors domicile et sur le be to be. Autre problème, et de taille : la rationalisation de l’outil industriel et la forte concurrence entre les industriels. On ne voit pas le bout du tunnel», reconnaît-il.
La rigueur sera aussi de mise chez Lactalis, selon Bernard Mancaux, responsable au sein de l’OP UPLBP. Les prix seront bas jusqu’en mars. La situation est si tendue que la profession a enregistré entre 12 et 13 % d’arrêts, «mais les volumes ont tous été repris», indique-t-il. Chez Lact’Union, la coopérative a changé de politique face à l’absence de maîtrise de la surproduction laitière. «Nous sommes passés à une gestion individuelle des références. Nous avons aussi décidé une suspension des transferts de références. On attribuera un genre de pré-quota sur les références A et B», précise Olivier Vermes, président de Lact’Union. Du côté des coopératives, force est de constater que les tensions ne sont pas moindres.
Dans tous les cas, les producteurs, eux, resteront mobilisés. «Il faut continuer à faire des manifestations, mais il faut qu’on est aussi tous à l’esprit que déverser des bennes de fumier, cela ne résout pas tout. Autrement dit, il ne faut pas faire que cela. Nous devons assister à toutes les réunions avec les administrations, les fédérations, les coopératives, la distribution. Le travail de lobbying doit se faire sans relâche», explique Olivier Thibaut dans sa présentation du rapport d’orientation pour 2016.
Les perspectives 2016
Dans la continuité des choix antérieurs, l’UPLP maintient son opposition à la cessibilité des contrats. «Nous sommes contre et le restons, dit-il, car on ne veut pas rajouter des charges supplémentaires aux éleveurs. Notre rôle, c’est aussi de travailler pour ceux qui veulent continuer dans l’élevage, comme pour ceux qui veulent s’installer.» C’est aussi pour cela que le syndicat soutient la charte laitière des valeurs. «Notre rôle, c’est de défendre l’élevage», ajoute-t-il.
Reste que le rôle de l’UPLP a changé avec la fin des quotas, notamment parce qu’il n’a plus droit de parler de prix, comme il le faisait avant. «L’important, c’est pourtant le prix et les volumes. Aussi doit-on prendre notre rôle dans toutes les discussions avec les syndicats, les transformateurs, la grande distribution et l’administration, comme être force de proposition. Il faut agir sur tous les leviers. On ne doit pas lâcher prise», répète le président de l’UPLP. Sans omettre la dimension entrepreneuriale de chaque exploitation. «Encore plus qu’avant, on doit être dans les projections pour faire les bons choix, ceux qui permettront de garder nos exploitations viables économiquement sur le long terme», dit-il. En attendant des jours meilleurs, qui finiront par venir, croit-il.
Les leviers financiers à utiliser dans un contexte difficile
Si les éleveurs doivent apprendre à travailler avec un contexte difficile, ils doivent encore plus le faire dans un contexte de «volatilité des prix parce que l’on ne gère pas une entreprise de la même manière dans ce contexte-là que dans un contexte stable», dixit Arnaud Pyckaert, responsable du marché agricole au Crédit agricole Brie Picardie, invité à plancher sur la question. Aussi l’éleveur doit-il être amené à utiliser plus de notions de gestion qu’auparavant.
Dans les éléments de gestion à intégrer impérativement, selon lui, il y a celui de l’effet levier de l’emprunt. «L’effet levier est un multiplicateur quand le taux de rentabilité est supérieur au taux de l’emprunt, mais c’est une véritable catastrophe quand c’est l’inverse. Or, tel est le cas aujourd’hui», rappelle-t-il, pour nombre d’éleveurs.
Parmi les leviers à court terme qu’il conseille d’utiliser se trouvent les mises sous délai (report d’une échéance court terme ou de moyen terme sur une durée maximale de trois mois), le billet financier (prêt financement des DPB, les appros avec les OS en convention, les stocks - «mais limités à 50 % de la valeur du stock», précise-t-il - les agris express afin de compléter les lignes court terme jusqu’à 25 % du produit brut en cultures et 15 % en élevage).
Parmi les leviers à moyen terme, quatre options sont possibles : la trésorerie avec des prêts sur trente-six mois avec six mois de différé ; la modulation des échéances ; la pause crédit (report des échéances de 2016 sur la durée restante ou fin de crédit) ; les prêts de consolidation in fine, reprenant les échéances de 2016 pour un report en fin de prêt. «Mais je refuse de faire des pauses crédits sur tout ce qui concerne le matériel. Et, attention, il ne faut pas oublier que ces prêts augmentent le prix de revient de la production du lait», conclut le banquier.
Le nouveau bureau de l’UPLP
Deux jeunes ont intégré le conseil d’administration : Elie Vermersch de Ville-le-Marclet et Grégoire Leleu de Saint-Sauflieu. Gaëtan Boutin, Raphaël Catteau, Vincent Delecuse et Olivier Patte n’ont pas souhaité continué au sein du conseil.
- Président : Olivier Thibaut
- Vice-présidents : Dominique Dengreville et Valentin Crimet
- Secrétaire général : Joseph Petit
- Trésorière : Ingrid Septier
Dominique Dengreville, membre du conseil d’administration de la FNPL, portera la parole des producteurs de lait de la région au niveau national.
- Françoise Crété et Benoit Rigolle ont laissé leur place à Grégoire Leleu et Elie Vermersch, en tant que membres du bureau.
Les autres membres du bureau de l’UPLP : Bernard Gauduin, Bernard Mancaux et Sébastien Théron.