L’art et la manière de communiquer avec JA
Bien qu’ils présentaient des profils différents, les trois invités
de la table ronde de l’assemblée générale des Jeunes agriculteurs de la Somme se sont accordés sur des points-clés à ne pas négliger pour une communication efficace ; à commencer par l’honnêteté et la transparence.
Le clash attendu entre des profils aussi divers que le porte-parole d’une organisation non gouvernementale (François Veillerette, Générations Futures), un agriculteur-éleveur qui maîtrise sur le bout des doigts les réseaux sociaux pour expliquer son métier (Étienne Fourmont) et l’un des agriculteurs dont l’exploitation est parmi les plus connues de France en raison de sa taille (Michel Welter, Ferme des mille vaches) n’aura finalement pas eu lieu. Au lieu de cela, on a eu droit à un exposé par chacun d’entre eux de leur méthode pour toucher le public qu’il cible et réussir à faire passer ses messages. Auparavant, on n’aura pas échappé à quelques divergences de point de vue sur des sujets comme l’utilisation du glyphosate, le rôle de l’agronomie dans l’évolution des pratiques ou encore l’acceptabilité de l’élevage.
Parler pour soi
À lui seul, le débat sur l’utilisation du glyphosate est révélateur d’une forme d’incompréhension entre le monde agricole, des associations environnementalistes et le reste de la société. Pour François Veillerette, c’est le moment de jouer à l’équilibriste : «Les critiques que nous formulons sur le glyphosate ne concernent pas les agriculteurs, mais portent sur le fait que l’évaluation de sa dangerosité est mauvaise. Nous regrettons son utilisation sans reprocher aux agriculteurs de l’utiliser, puisque cela est légal. Mais les agriculteurs doivent entendre ce que l’on dit et non pas ce que nous ne disons pas.» Pour Michel Welter, les explications du directeur de Générations Futures ont quand même un goût amer, pour peu qu’elles soient sincères. Agriculteur de métier, passionné par son quotidien, Étienne Fourmont admet, lui aussi, accepter avec difficulté le fait d’entendre d’autres - sous-entendu qui ne sont pas du métier - en parler : «Produire de la nourriture, c’est complexe, explique-t-il. Les associations environnementalistes qui viennent nous dire comment il faut faire n’ont jamais produit un gramme de nourriture...»
Communiquer en toute transparence
S’ils ne sont pas d’accord sur un certain nombre de sujets, tous se sont au moins mis d’accord sur la nécessité de jouer la carte de la transparence quand on veut s’adresser à d’autres publics que son cercle habituel. «La communication est constructive quand on communique de manière positive», a souligné François Veillerette. «Il faut parler de tout, conseille aussi de son côté Étienne Fourmont. On peut montrer, même si ce n’est pas simple, à condition d’expliquer.» Pour Michel Welter, «parler technique n’est pas forcément le plus glamour. Cela peut même devenir chiant, mais c’est une manière de se rendre inattaquable». Sur la Ferme des mille vaches, qu’il admet ouvrir aux visiteurs aujourd’hui plus qu’hier, c’est la formule qu’il applique et qui fait mouche : «Au final, défend-il, je me suis rendu compte que cela ne faisait pas mal. Je n’ai rien à cacher et je n’utilise rien d’illégal.» Preuve pour lui qu’il est «dans le vrai», certains de ceux qui le critiquaient hier figurent parmi ses premiers défenseurs... à quelques choses près.
De l’impertinence jusqu’au niveau national
Jeunes agriculteurs a fait de l’impertinence l’une de ses marques de fabrique, ce qu’Édouard Brunet ne s’est pas gêné de rappeler pour sa dernière assemblée générale en tant que président départemental. Néanmoins, pour le vice-président de JA national, Baptiste Gatouillat, «quelles que soient les divergences de vue, l’important est de rester dans un état d’esprit de respect. C’est comme cela que l’on fait avancer les choses». Dans la suite de son propos, l’élu national est revenu sur le renouvellement des générations en agriculture, la vigilance de JA sur l’application de la loi Egalim ou encore son attente vis-à-vis d’une «vraie politique agricole européenne». Ainsi, selon Baptiste Gatouillat, «la loi Egalim n’est pas parfaite, mais il n’est pas facile de revenir sur cinquante ans de pratiques qui n’allaient pas. Grâce à cette loi, nous devons maintenant avoir des outils pour inverser le rapport de force. Pour le moment, nous n’avons que des charges supplémentaires liées à la loi Egalim, mais JA continue de travailler pour que la loi s’applique à tous les domaines de l’agriculture». Concernant l’échec du plan Écophyto, là encore, le représentant des JA n’y va pas par quatre chemins : «Si l’on veut vraiment que les choses changent, il faut donner plus de moyens et de marges de manœuvre aux agriculteurs.» Un exemple ? La diminution drastique de l’utilisation des antibiotiques en élevage : «Si cela a été possible, c’est parce qu’on a laissé les éleveurs faire. Avec les produits phytos, c’est la même chose. Il suffirait d’inviter trois-quatre agriculteurs au milieu des experts et les discussions seraient plus terre-à-terre.»