Economie
Le Ceser planche sur l’avenir de l’agriculture en Picardie
Le Conseil économique, social et environnemental de Picardie (Ceser) a adopté un rapport sur l’agriculture picarde présenté par Jean-Michel Serres.
La commission «Economie» du Ceser a souhaité travailler sur l’agriculture car cette activité occupe une place majeure en Picardie tant en surface (70% environ du territoire régional contre 50% en moyenne au niveau national) qu’en nombre d’emplois. Intitulé «Pour une agriculture pérenne en Picardie», son rapport met en perspective la place de l’agriculture en Picardie et ses nombreux atouts : les terroirs qui permettent des productions très diverses, l’industrie agro-alimentaire très présente et le pôle Industrie et Agro-Ressources (pôle IAR) qui ouvre de nouvelles perspectives de valorisations des productions végétales. Le rapport met cependant en avant des difficultés à préserver certaines activités comme l’élevage.
Les propositions du Ceser
Le Ceser avance des préconisations dont une grande partie à destination du Conseil régional. La Région dispose en effet de nombreux leviers : soutien à la R & D et à tous les types d’élevages, accompagnement à l’installation des jeunes, développement de la formation des salariés.
Le Ceser propose également une meilleure structuration des circuits courts, et il appelle à relever les défis environnementaux, à développer la communication autour de l’agriculture et de ses métiers, ou encore à développer les services de remplacement.
Le préfet de région conduit actuellement la rédaction du Plan régional de l’agriculture durable (Prad) qui fixe les orientations de la politique agricole et agro-alimentaire de l’Etat dans la région. Certaines orientations et préconisations du rapport du Ceser pourraient y être reprises.
Ce rapport a été présenté à la dernière session de la chambre régionale d’agriculture dont nous nous ferons l’écho dans une prochaine édition. Il est disponible sur : www.ceser-picardie.fr
QU'EST-CE QUE LE CESER ?
Le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de Picardie est une assemblée consultative qui émet des avis à destination des élus du Conseil régional sur les dossiers relatifs aux compétences de la région. Il est composé de 78 membres désignés pour six ans par des organismes regroupés en quatre collèges : entreprises et activités professionnelles non salariées, organisations syndicales de salariés, vie collective, personnalités qualifiées. Il représente les forces économiques, sociales et environnementales de la région.
INTERVIEW
Jean-Michel Serres, Rédacteur du rapport sur l’agriculture
«Notre agriculture est en mesure de répondre à tous les types de marchés»
Dans votre rapport, vous faites allusion à la prochaine réforme de la PAC en 2014. Que pensez-vous de la demande de l’Association des Régions de France (ARF) de faire gérer les aides du second pilier de la PAC par les Conseils régionaux ?
Le second pilier de la PAC permet notamment d’aider les agriculteurs à moderniser leurs exploitations ou encore à mettre en œuvre des dispositifs pour mieux respecter l’environnement. Ce pilier fonctionne selon un principe de cofinancement entre l’Union européenne et l’Etat ou la Région. D’une région à l’autre, les priorités divergent et les moyens ne sont pas les mêmes. La gestion de la totalité des aides du second pilier par les régions accentuerait les distorsions de concurrence entre les régions d’un même pays. Alors que la gestion d’une partie de l’enveloppe du second pilier par l’Etat limite cette distorsion.
L’élevage recule en Picardie, notamment dans les zones de polycultures élevage.
Que peut-on faire pour enrayer la déprise ?
Pour avoir envie de faire de l’élevage, l’agriculteur doit pouvoir en dégager un revenu et disposer de conditions de travail satisfaisantes. Le Conseil régional soutient l’élevage herbivore à travers le plan d’actions «Vivre l’élevage en Picardie», fruit de la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la filière. Il comporte trois axes : l’autonomie alimentaire à travers la valorisation de l’herbe, l’accompagnement technique des filières viandes bovine et ovine, et l’amélioration des conditions de travail. Ce plan d’actions est extrêmement pertinent et doit être poursuivi.
Cependant, les conditions d’éligibilité sont trop restrictives. Bon nombres d’éleveurs n’y ont pas droit. Ce dispositif devrait être étendu à tous les types d’élevage, quels que soient les systèmes, à l’herbe ou plus intensifs. En élevage porcin, nous sommes à un tournant : la réglementation européenne impose de nouvelles normes pour le bien-être animal ce qui nécessite des investissements coûteux qui peuvent décourager les éleveurs. La modernisation des ateliers porcins pourrait se faire via le plan de modernisation des bâtiments d’élevage. Or, en Picardie ce n’est pas le cas, ce qui est regrettable. A l’heure actuelle, la volatilité des prix déstabilise l’élevage. Plus que jamais tous les types d’élevage doivent être aidés.
Le renouvellement des générations en élevage est une problématique préoccupante dans notre région Un plan de relance de l’installation d’éleveurs, soutenu par les collectivités, en attirant des candidats motivés et prêts à investir et à s’investir dans notre région devrait être envisagé.
Les circuits courts peuvent aussi offrir de nouveaux débouchés aux éleveurs. Cependant, il ne peut y avoir de filières courtes sans abattoirs de proximité. Le maintien des outils de première transformation est un enjeu crucial dans notre région.
Enfin, les investissements collectifs peuvent répondre aux problématiques d’amélioration de la compétitivité et des conditions de travail des exploitants.
La Picardie n’est pas en reste en matière d’innovation : pôle IAR, projets Pivert et Improve, présence d’Agro-Transfert… A terme, quelles seront les retombées pour les agriculteurs picards ?
Le Pôle Industrie et Agro-Ressources fait le lien entre industrie et agriculture. Il doit valoriser l’innovation végétale au profit d’applications industrielles concrètes. L’enjeu est d’être présent sur de nouveaux marchés. Pour cela, les agriculteurs picards devront s’organiser afin d’assurer l’approvisionnement en agro-ressources.
Il ne s’agira probablement pas de fabriquer en masse des produits «bio-sourcés» mais plutôt de marchés de niches pour des produits chimiques renouvelables. Par exemple, le projet Pivert ambitionne de transformer la biomasse oléagineuse en produits destinés à de multiples applications comme l’alimentation, la santé, la cosmétique …
Par ailleurs, les agriculteurs doivent désormais être «durablement compétitifs», c’est-à-dire qu’ils doivent allier performances économique et environnementale tout en participant à l’aménagement du territoire. Les changements de pratiques ne se décrètent pas instantanément, ils nécessitent un investissement permanent dans la recherche agronomique et la vulgarisation de ces nouvelles technologies.
En cela, nos structures de recherche et Agro-Transfert sont des outils précieux.
Que retirez-vous de ce travail au Ceser ?
L’agriculture picarde, faut-il le rappeler, bénéficie d’atouts majeurs. Grâce à la diversité de ses territoires et des savoirs faire des producteurs, elle a plusieurs rôles : être efficace sur les marchés européens et mondiaux, produire des molécules renouvelables, faire le lien entre producteurs et consommateurs à travers des circuits courts de plus en plus professionnalisés. Ces différents marchés sont souvent présents sur une même exploitation. On est donc bien loin d’une vision binaire de l’agriculture. La production agricole, l’industrie agro-alimentaire et la distribution sont étroitement liées et jouent un rôle majeur en termes d’aménagement du territoire.
Propos recueillis par Stéphanie Doligez