Le ministre ne rassure pas les jeunes agriculteurs
Au congrès des JA, Stéphane Le Foll a pris le temps d’échanger sur les problèmes des jeunes agriculteurs sans pour autant répondre concrètement à leurs préoccupations.
Plutôt accueilli par des sifflets lors de ses déplacements aux assemblées générales et congrès du monde agricole ces derniers temps, le ministre de l’Agriculture a cette fois bénéficié d’un accueil en chanson avant son intervention au congrès de Jeunes agriculteurs (JA), le 18 juin au Mans. Accompagné de son accordéon sur l’air d’Hallelujah de Jeff Buckley, Florent Dornier, secrétaire général de JA, a interpellé le «porte-parole du Gouvernement» sur son implication réelle en faveur de l’installation et de l’agriculture en général.
L’accusation a fait réagir Stéphane Le Foll. Il a rappelé que la veille, l'essentiel de sa journée a été consacré à la préparation de la table-ronde sur la viande bovine. Si cette dernière a d’ailleurs abouti à un accord - qualifié de «fragile» par le ministre lui-même - la vigilance reste de mise côté JA comme Fnsea tant que les cours ne seront pas remontés de manière significative.
L’attente continue pour les DJA et les prêts bonifiés
Thomas Diemer, président de JA, demandait à ce que la Dotation jeune agriculteur (DJA) et les prêts bonifiés soient «débloqués immédiatement», dénonçant des «retards à l’allumage » suite à la mise en œuvre de la nouvelle PAC. Les DJA ne sont en effet toujours pas versées aux jeunes qui s’installent pour l’année 2015, et «six mois de manque de visibilité, ça handicape un parcours», a affirmé le président de JA.
Stéphane Le Foll a eu beau promettre que les aides allaient être versées sous peu par les régions, puisque l’Etat fera l’avance de financement, et saluer l’intérêt des prêts bonifiés, Thomas Diemer reconnaît «n’avoir rien appris de nouveau» de la part du ministre.
Interpellé de nombreuses fois sur versement des aides à l’installation, dans les discours et lors de la séance de questions réponses avec la salle, Stéphane Le Foll a néanmoins affirmé qu’il allait «faire passer le message au quotidien». Pour le moment, les aides seraient débloquées dans huit régions.
Exaspération réciproque
La frustration était d’ailleurs visible aussi du côté du ministre qui, s’il «mesure les difficultés actuelles sur les marchés» et n’imaginait pas «avoir des applaudissements et des hourras», n’a pas apprécié qu’on lui fasse endosser toutes les responsabilités, comme il l’a répété à plusieurs reprises, ni que l’on remette en cause son engagement auprès des agriculteurs.
Sur les plans de développement rural des régions comme sur l’installation, «c’est la Commission qui signe», a-t-il rappelé. Le ministre ne peut pas non plus imposer ses décisions dans les relations commerciales, même si «je fais ce que je peux pour faire bouger les lignes», affirme-t-il.
Qualifié d’absent sur les sujets environnementaux, le ministre a également défendu des progrès. «Si vraiment, comme vous dites, il n’y a pas de ministre de l’Agriculture mais uniquement un ministère de l’Environnement, je me demande pourquoi vous m’invitez…», a-t-il demandé avec un agacement manifeste.
Enfin, sur le sujet de la protection du foncier, objet du rapport d’orientation JA, il a également rappelé que «la loi d’avenir a un gros volet foncier» et que le sujet est donc loin d’être négligé. Reste comme toujours la question des délais de mise application de ces mesures qui est bien, au final, un des principaux reproches formulés par les jeunes agriculteurs.
JA : des propositions concrètes pour préserver le foncier agricole
Présenté et amendé à leur congrès annuel, tenu du 16 au 18 juin au Mans, le rapport d’orientation de Jeunes agriculteurs (JA) s’attaque à la problématique du foncier agricole, premier facteur limitant à l’installation des jeunes.
Première partie de la «méthode gagnante» proposée par JA : mettre la propriété foncière au service de l’agriculture. Les discussions autour de ce thème ont donné lieu à un certain nombre de propositions.
Réviser le système des taxes foncières
On peut citer la révision du système des taxes foncières, jugé mal ajusté. JA propose de bloquer la hausse de la Taxe foncière sur les propriétés non-bâties, de la limiter aux minima des fourchettes encadrant les loyers des terrains agricoles pour éviter qu’elle ne constitue jusqu’à la totalité des loyers perçus par le propriétaire bailleur, et de plafonner le remboursement de cette taxe dû par le fermier au bailleur.
Autre proposition, remplacer le double dégrèvement complexe dont peuvent bénéficier les jeunes installés par une exonération systématique de 100 % pendant cinq ans.
S'agissant des outils de gestion du foncier, JA propose par exemple de simplifier l’attribution préférentielle en mettant en place un seuil unique et relevé à 100 ha pour les superficies qui donnent lieu à l’attribution de ce droit.
Plusieurs pistes sont également envisagées pour freiner la consommation de foncier agricole : repenser l’urbanisation avec davantage de verticalité et en réutilisant le bâti ancien plutôt que de reconstruire, optimiser les plans locaux d’urbanisme, ou encore agir sur une fiscalité pour le moment trop peu dissuasive quant aux changements d’usage des terres.
Rénover les baux ruraux
Plus technique, la deuxième partie du rapport s’attache à améliorer le régime des baux ruraux, qui restent pour les jeunes agriculteurs un moyen efficace d’accéder au foncier. JA évoque le statut du fermage, vieillissant, mais dont l’utilité incontestable nécessite d’être protégée avec plusieurs améliorations : sanctuarisation du droit de préemption du fermier à condition que ce dernier figure dans le Registre des actifs agricoles, faciliter la résiliation du bail par le preneur, permettre aux baux ruraux de mieux protéger le foncier agricole des changements de destination…
Autre point d’attention : limiter la gestion intégrale par tiers ou du travail à façon, lorsque l’agriculteur déclaré fait gérer les terres par des entreprises qui favorisent la rentabilité économique plutôt que la durabilité.
JA souhaite aussi favoriser des méthodes nouvelles de portage et d’investissement, par exemple l’option de la location-vente-progressive ou le crédit-bail immobilier le temps que l’exploitant devienne propriétaire, ou laisser à la profession agricole la mainmise sur les terrains qui pourraient être attribués à un jeune, en cas d’apport de capitaux extérieurs.
Les propositions de JA entendent ainsi poser la première pierre d’une «grande loi foncière» indispensable aux défis agricoles à venir.