Le nouveau plan d’action régional nitrates en cours d’élaboration
Le septième plan d’action régional nitrates (PAR 7) est en cours d’élaboration en Hauts-de-France, en déclinaison sur plan national. Comme à chaque nouvelle édition, un tour de vis supplémentaire est donné par le national et la marge de manœuvre régionale vise uniquement le renforcement des mesures. Premières tendances des discussions, non arrêtées pour le moment.
Le septième plan d’action régional nitrates (PAR 7) est en cours d’élaboration en Hauts-de-France, en déclinaison sur plan national. Comme à chaque nouvelle édition, un tour de vis supplémentaire est donné par le national et la marge de manœuvre régionale vise uniquement le renforcement des mesures. Premières tendances des discussions, non arrêtées pour le moment.
La directive européenne du 12 décembre 1991 dite «directive nitrates» a pour objet la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole. Elle se traduit par la définition de zones vulnérables où sont imposés des programmes d’actions relatifs aux pratiques agricoles. Un socle national fixe huit mesures obligatoires sur l’ensemble des zones vulnérables françaises. Puis, un programme d’actions régional renforce ou adapte certaines des mesures nationales.
À ce jour, l’ensemble du territoire des Hauts-de-France est classé «zone vulnérable» et se voit donc appliquer le sixième programme d’action, en vigueur depuis le 1er septembre 2018.
Le cadre européen prévoit une révision de ces programmes tous les quatre ans et c’est dans ce contexte qu’est paru, le 9 février 2023, le septième programme d’action national, qui sera mis en application le 1er janvier 2024. Les programmes d’actions régionaux doivent ainsi être mis en conformité avant cette échéance.
Les discussions entre la profession et les services de l’État sont donc en cours pour fixer un programme régional dans un laps de temps très contraint. Si le socle national, pour lequel aucune négociation n’est possible, a déjà durci les règles précédemment applicables, le cadre régional prévoit d’en renforcer encore une partie.
Des dérogations limitées
Le programme régional en vigueur prévoyait des dérogations à l’implantation de couverts sur les sols à plus de 28 % d’argile. La révision du socle national a relevé le seuil de dérogation à 37 % avec une possibilité de dérogation à 31 % pour les régions disposant antérieurement d’un seuil inférieur à 37 %, comme c’est le cas en Hauts-de-France. Après discussion, l’administration accepterait cette dérogation à 31 %. Par ailleurs, le programme régional peut définir un seuil pour lequel une destruction précoce des couverts peut être autorisée. Dans ce cadre, la profession demande que, pour les sols dont la teneur en argile est comprise entre 28 et 31 %, l’utilisation des repousses en tant que couvert soit autorisée sur une durée réduite à quatre semaines. Ce deuxième point n’est pas encore arbitré.
Pour les récoltes tardives, il serait possible au-delà du 20 septembre, sur la base d’une simple déclaration, de déroger à l’implantation de couverts.
La pratique du faux-semis permettait également une dérogation à l’implantation d’un couvert mais cette faculté pourrait être désormais réservée aux agriculteurs bio et aux bords de champs. Il en est de même pour la tolérance de 5 % qui devrait disparaître. Enfin, pour toute dérogation, un reliquat début drainage devra être effectué sur chaque îlot concerné et adressé à l’administration.
Des avancées sur les couverts
Les couverts autorisés sont les repousses de colza denses et homogènes ; les repousses de céréales denses et homogènes, dans la limite de 20 % des surfaces en interculture longue ; les cannes de maïs broyées finement et enfouies dans les quinze jours suivant la récolte ; les légumineuses pures pour les agriculteurs bio et pour les parcelles en couvert permanent ou semi-permanent. Les espèces à croissance rapide seraient fixées dans une liste fermée, mais il serait possible d’ajouter 20 % d’autres espèces, pour favoriser les mélanges.
Des retournements de prairies encadrés
Le programme régional contient une partie «gestion adaptée des terres» qui s’intéresse aux retournements des prairies permanentes. Le programme actuel fixait déjà des règles et des conditions encadrant cette pratique. Il interdisait tout retournement en zone humide et en périmètre de protection de captage d’eau potable et autorisait seulement les JA, certains éleveurs ainsi que les Agridiff à retourner leurs prairies permanentes situées en aire d’alimentation de captage ou dont la pente est supérieure à 7 %.
Le nouveau programme, en lien avec les deux Sdage du territoire, prévoit d’étendre l’interdiction totale de retournement dans l’ensemble de ces zones et supprime donc les cas dérogatoires. Partout ailleurs, tout retournement de prairie permanente serait autorisé pour régénération ou pour déplacement sur une surface au moins équivalente. Les discussions entre la profession et les services de l’État ont permis de réintroduire la notion de retournement, sans mesure de compensation surfacique, mais ces demandes seraient instruites au regard de leur impact environnemental avec une priorité accordée aux JA et Agridiff.
Zones d’actions renforcées
En dernier lieu, le programme d’action régional fixe des zones d’actions renforcées (ZAR) et précise les mesures applicables à ces zones. Classés comme tels dès que leur teneur en nitrates dépassait les 50 mg/l, de nombreux captages d’eau potables faisaient déjà l’objet de mesures supplémentaires au titre du précédent programme d’actions régional. Le projet de septième programme pourrait prévoir un tel classement dès 40 mg/l, faisant bondir le nombre de ZAR de 46 à 147. Sur les 146 000 ha de SAU concernés, à l’exception des agriculteurs engagés dans une démarche collective en lien avec l’azote (GIEE, contrat Care), tout agriculteur exploitant un îlot cultural, devrait disposer de 15 % de surface sans aucune fertilisation. Cela est un point de blocage pour la profession. Une à deux autres mesures seraient également obligatoires telles que l’absence de dérogation à l’implantation de couvert ou l’impossibilité d’utiliser les repousses en guise de couvert. Pour les agriculteurs non engagés dans une démarche collective en lien avec l’azote, une formation pourrait être demandée.
Les discussions sont en cours avec la profession. Selon le calendrier proposé par l’administration, un arrêté préfectoral régional devrait être mis en consultation en septembre pour une mise en œuvre potentiellement au 1er janvier 2024.
Simon Ammeux, président de la FRSEA Hauts-de-France
Produire et protéger
L’objectif de protection de la qualité des eaux est un enjeu fondamental, partagé par la profession. Ce sont les moyens pour y parvenir qui posent problème. Nous considérons que protéger ne veut pas dire mettre sous cloche. Arrêter la production chez nous au nom de la protection les milieux ne fera que déplacer le problème. Les étals seront toujours aussi garnis, mais de produits dont on ne sait rien et dont le mode de production n’a peut-être rien de vertueux, le tout couronné d’un bilan carbone catastrophique.
Nous, nous faisons le pari de produire tout en protégeant les milieux. Il faut arrêter de réglementer «en silo» et prendre conscience des multiples dimensions de nos systèmes. Faire un faux semis pour lutter contre le salissement, c’est fondamental pour éviter l’utilisation de molécules chimiques. Fractionner les apports, piloter l’azote avec des OAD, c’est amener la dose utile au bon moment et ainsi, lutter contre le lessivage. Le discours national sur la souveraineté alimentaire ne nous séduit plus. Nous constatons avec regret que dans les faits, rien ne percole. Il est temps de redonner du pragmatisme et de la visibilité aux exploitants. Produire et protéger, c’est possible.