Le président s’explique au Salon de l’agriculture
Le président de la République a fait une journée d’endurance au Salon de l’agriculture le jour de l’ouverture, samedi 24 février.
Emmanuel Macron a commencé la journée par un petit-déjeuner avec les responsables agricoles. «Je sais l’importance qu’a notre agriculture, je sais les attentes, les angoisses et la souffrance sur le terrain. Je suis convaincu qu’il y a un avenir certain pour notre agriculture, mais il est à inventer ensemble, il y a des décisions difficiles à prendre dans certains secteurs», a-t-il déclaré au démarrage de cette réunion.
Après un passage à l’ONF et au stand de la pêche, il a poursuivi au Hall 1. Un cordon de protection impressionnant a été mis en place. Pour autant, le président est allé au contact des protestataires pour s’expliquer «les yeux dans les yeux».
Après un accueil plutôt positif pendant la première heure de sa visite, il à été copieusement sifflé et hué. Les dossiers de l’accord de libre-échange avec le Mercosur, la carte ICHN, le glyphosate et le plan Loup sont les sujets majeurs de crispation. Emmanuel Macron est allé à la rencontre des JA d’Ile-de-France, qui avaient organisé la séance de sifflets. «Je n’aime pas que l’on siffle derrière mon dos», leur a-t-il dit. Damien Radet, secrétaire général des JA d’Ile-de-France a dénoncé le fait qu’Emmanuel Macron, alors qu’il avait dit, en tant que candidat, qu’il ne voulait pas de surtransposition : «la première chose qu’il a faite en tant qu’élu, c’est de mettre des nouvelles contraintes et de saborder la ferme France avec des accords de libre-échange».
Les commentaires
Aux Jeunes agriculteurs qui l’ont interpellé sur le glyphosate, il a répondu : «Le glyphosate n’est pas bon. On peut raisonnablement comparer le glyphosate à l’amiante, si dans quelques années, on vient me dire ‘vous n’avez rien fait’...»
Emmanuel Macron s’est ensuite exprimé sur la Pac : «Il faut changer la Pac, et faire en sorte qu’elle ne diminue pas plus que la part liée au départ des Britanniques. Je veux mettre en place un mécanisme de garantie qui puisse jouer un rôle de correction de la volatilité quand les cours s’effondrent». Il précise par ailleurs que dès le projet de loi de finance 2019, «on va mettre en place un dispositif fiscal qui permette une épargne de précaution».
La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, rapporte : «Il a dit que le commissaire européen au Budget Oettinger était allé trop loin.» Le commissaire en question avait plaidé la semaine dernière pour des coupes de 5 à 10 % dans le budget de la prochaine Pac.
Le président a aussi expliqué aux responsables qui l’interpellaient sur le dossier Mercosur, que «l’agriculture française est gagnante dans l’ouverture des frontières». Il a rappelé que 180 000 tonnes de viande bovine du Mercosur entrent déjà dans l’UE et qu’il allait faire en sorte que, dans le cadre de l’accord du Mercosur, il n’y aurait pas de viande qui rentrerait dans l’UE ne répondant pas aux critères sanitaires européens. «Comment allez-vous faire ?», lui demande un agriculteur. «Je veux créer une DSV (direction des services vétérinaires, ndlr) et une DGCCRF européennes», a-t-il expliqué.
Plusieurs professionnels rapportent qu’Emmanuel Macron a annoncé que la France négociait actuellement à Bruxelles que l’accord de libre-échange UE-Mercosur soit assorti d’une clause de sauvegarde s’il était signé. Cette clause, qui existe également dans le Ceta, serait activée dans le cas où un secteur économique, comme la viande bovine, serait fortement perturbé par les importations liées à cet accord.
Filière laitière
Au stand de l’interprofession laitière, il a été surtout question de la juste rémunération des producteurs et du projet de loi issu des Etats généraux de l’alimentation. Thierry Roquefeuil, président du Cniel, a fait part de son inquiétude car il considère que l’on s’éloigne de l’esprit de Rungis, c’est-à-dire un retour de la valeur aux producteurs : «Dans le projet de loi, c’est le producteur qui propose un contrat avec une référence de prix, mais si la discussion n’aboutit pas, l’industriel peut arrêter la collecte, ce qui fragilise énormément le dispositif puisque l’éleveur n’a pas le choix».
Les céréaliers ont rappelé l’enjeu stratégique de leurs productions. Jean-François Loiseau, président d’intercéréales, a insisté sur le poids économique de ce secteur qui s’est engagé collectivement dans le Plan de transformation de la filière. «Mais, ce plan n’aura de sens que si l’agriculture reste un enjeu stratégique pour la France», soulignent l’AGPB et l’AGPM dans un communiqué commun. Philippe Pinta, président de l’AGPB, a alerté le président de la République sur le manque de compétitivité des céréales françaises, lui demandant un soutien politique fort à l’international.