Apiculture
Les abeilles butinent sur les chapeaux de roue dans la Somme
Alors qu’au niveau national le réseau Biodiversité pour les abeilles alarme sur une situation inquiétante, avec une mortalité d’abeilles importante au sortir de l’hiver, dans la Somme, la saison a plutôt bien démarré. Mais le pollinisateur reste fragile.
Alors qu’au niveau national le réseau Biodiversité pour les abeilles alarme sur une situation inquiétante, avec une mortalité d’abeilles importante au sortir de l’hiver, dans la Somme, la saison a plutôt bien démarré. Mais le pollinisateur reste fragile.
Il fait bon vivre – ou du moins mieux - en Hauts-de-France pour une colonie d’abeilles. Au niveau national, la situation est difficile. Le Réseau biodiversité pour les abeilles tire même la sonnette d’alarme : «Nous observons jusqu’à 90 % de mortalités au sortir de l’hiver», alerte-t-il. Une des causes est le changement climatique, qui expose les abeilles à un parasitisme de plus en plus intense, en particulier la présence du varroa et de nosema ceranae dans les ruches. «Ces parasites internes et externes de l’abeille voient en outre leur pathogénicité augmenter avec les mutations des souches virales qu’ils véhiculent.»
Dans la Somme, les colonies s’en sortent un peu mieux. «Nous avons des hivers plus froids que dans les régions du sud, donc les ruches entrent en hivernage. Il n’y a plus de couvain. Or, c’est dans le couvain que le varroa se développe», explique Daniel Boidin, apiculteur et président du Groupement de défense sanitaire pour les abeilles (GDSA) de la Somme. Malgré tout, le parasite originaire de Chine, surnommé «l’ennemi numéro un des abeilles», affaiblit leurs défenses immunitaires en leur inoculant des virus. Les apiculteurs samariens, bien que moins impactés, n’y échappent pas. «Les hivers sont de plus en plus doux, donc favorables au développement du varroa», constate Daniel Boidin.
Selon le réseau Biodiversité pour les abeilles, les moyens de lutte dont disposent les apiculteurs sont trop limités. «Les acaricides utilisés sont de moins en moins efficaces. Les entreprises spécialisées dans le développement de solutions vétérinaires ne peuvent pas s’appuyer sur la recherche publique qui ne mobilise pas de moyen sur cette question sanitaire.» Il regrette aussi que l’encadrement actuel ne soit pas adapté aux besoins de la profession marquée par une majorité d’apiculteurs amateurs qu’il faut accompagner au plus près.
Ce printemps, l’activité des abeilles est exponentielle dans les ruches samariennes. «L’année dernière a été catastrophique, à cause d’un été pluvieux et froid», se rappelle Daniel Boidin. Trois fois moins de miel avait été récolté par rapport à l’année précédente. Mais cette fois, avec le temps sec et chaud pour la saison, les abeilles butinent tout ce qu’elles peuvent. «D’habitude, on fait une première récolte de miel fin mai. Là, beaucoup d’apiculteurs ont déjà récolté. On estime trois à quatre semaines d’avance.» La condition est de savoir gérer les nombreux essaimages. Une réussite qui cache cependant une certaine anxiété. «Comme les agriculteurs, nous nous inquiétons du manque d’eau et de ses conséquences sur la récolte d’été. Les tilleuls, ronciers et autres plantes mellifères estivales ont besoin d’eau pour produire du nectar.»
L’agriculture, clé du défi alimentaire
Pour le réseau Biodiversité pour les abeilles, l’équilibre alimentaire des abeilles est d’ailleurs «la clé de voûte de leur santé». Et pour cela, la ressource mellifère est un défi qu’il faut relever. «Sans fleurs, pas de pollen. Sans pollen, pas de protéines. Sans protéines, pas de défense immunitaire. L’équation est bien connue.» L’agriculture est un des leviers pour relever ce défi alimentaire des abeilles. «Les productions mellifères comme le colza et le tournesol doivent être soutenues par des politiques ambitieuses, notamment en matière d’indépendance en protéines. Là encore, les conditions météorologiques de l’année passée ont eu des conséquences négatives sur ces ressources, en particulier le colza.»
Le réseau Biodiversité pour les abeilles encourage également des «aménagements complémentaires», comme la mise en place de jachères mellifères, «oasis de biodiversité apportant pollen et nectar aux abeilles». «Ce genre d’action doit être soutenue.» D’après lui, avec 0,3 % de la zone de butinage des abeilles, il est possible d’assurer les deux tiers de leur bol alimentaire. Son programme «Coup d’pousse» vise à offrir aux agriculteurs volontaires des semences mellifères pour transformer «des espaces non productifs en réservoirs de biodiversité». Dans la Somme, plusieurs exploitants sont mobilisés, à l’Est (Saint-Christ-Briost, Nesle, Suzanne, Soyecourt…), comme à l’Ouest (Coulonvillers, Vron, Lamotte-Buleux, Dargnies…). Selon les modélisations du Réseau biodiversité pour les abeilles, 80 000 ha de jachères apicoles doivent être réparties sur les principaux bassins de production pour garantir un bol alimentaire de qualité.