Politique
Les attentes de la profession vis-à-vis du futur ministre de l’Agriculture
Dans une motion votée à l’unanimité des élus de la Chambre d’agriculture de la Somme, ceux-ci dressent une liste de revendications au futur ministre de l’Agriculture du gouvernement Barnier.
Dans une motion votée à l’unanimité des élus de la Chambre d’agriculture de la Somme, ceux-ci dressent une liste de revendications au futur ministre de l’Agriculture du gouvernement Barnier.
Alors que cela fait partie des demandes pressantes de la profession agricole exprimées lors d’une session extraordinaire de la Chambre d’agriculture de la Somme, on a appris le mercredi 11 septembre que la nomination d’un gouvernement, et donc celle d’un ministre de l’Agriculture de plein exercice, ne serait pas pour tout de suite… Une situation qui ne fait pas les affaires du monde agricole qui regrette encore aujourd’hui un statu-quo dans un certain nombre de situations. Faisant preuve d’anticipation d’une situation qui dure, c’est la raison pour laquelle la FDSEA de la Somme présentait le 5 septembre une motion regrettant «le caractère inachevé des engagements de l’État pris au printemps».
Urgence et impératifs
Après des mouvements syndicaux qui ont duré plusieurs semaines, des propositions faites au gouvernement et des promesses d’écoute, la profession agricole attendaient des «actes» concernant la «préservation de la souveraineté agricole et alimentaire», «le renforcement de la valeur de notre alimentation et du revenu des agriculteurs», la protection de l’agriculture française contre la «concurrence déloyale» ou encore «la simplification de la vie quotidienne des agriculteurs et la lutte contre la surtransposition». Or, l’histoire des derniers mois, on la connait : débâcle de la majorité présidentielle aux élections européennes, dissolution de l’Assemblée nationale, démission du gouvernement Attal et, tout récemment, la nomination d’un nouveau Premier ministre chargé de former un nouveau gouvernement.
Pour les signataires de la motion, «la reprise et la conclusion de l’intégralité des engagements sus-mentionnés et notamment la reprise au plus vite des débats parlementaires sur l’intégralité des textes législatifs, ainsi que la signature des décrets et arrêtés nécessaires à la mise en application de l’ensemble des dispositions fiscales et réglementaires pour l’exercice agricole incluant la récolte 2024» sont «nécessaires», pour ne pas dire impératives.
Marges brutes dégradées en céréales
De la même manière que l’on déjà fait plusieurs organismes stockeurs de la région, la Chambre d’agriculture a dressé lors de sa session du 5 septembre un constat plutôt morose de l’après-moisson, ce qui renforce plus encore le besoin d’un accompagnement. Le colza ? Une moyenne départementale autour de 32-34 quintaux en craie et 39-40 quintaux en bonne terre, avec une grande variabilité selon le type de sol, la précocité des variétés, l’hydromorphie de la parcelle. Le blé ? Des semis tardifs d’abord, des parcelles infestées par les graminées, une pression maladie «record» pour un rendement départemental moyen de 75 quintaux/hectare, oscillant entre 50 et 105 quintaux/ha. Conséquence de ce rendement et d’un prix inférieur à l’an dernier, la marge brute à l’hectare pour cette culture devrait subir une baisse de l’ordre de 360 euros par hectare, selon les calculs de Cerfrance Picardie Nord de Seine. En escourgeon, la situation est comparable à celle du blé. Autrement dit, un rendement moyen de 71 quintaux (contre 90 en 2023), un PS faible (62), des infestations d’adventices, une pression maladies importante, et de fait, une prévision de marge brute à l’hectare dégradée de 350 €/ha…
«À l’écoute»
Préfet de la Somme, Rollon Mouchel-Blaisot a quant à lui assuré la profession agricole d’un soutien de l’État : «Nous avons tout à fait conscience de ce que vit l’agriculture de la Somme, a déclaré le représentant de l’État. Nous voyons bien que l’agriculture doit faire face à plusieurs crises en même temps, mais soyez assurés que nous sommes à votre écoute et que nous mettons en œuvre ce que nous pouvons faire quand il s’agit d’un dossier local.» Quant aux questions d’ordre national, «sachez aussi que nous nous en faisons l’avocat», a encore assuré le préfet.
Malgré des fortunes diverses, tous dans le même bateau
Lors de la dernière session de la Chambre d’agriculture, alors que certaines productions semblent s’en tirer mieux que d’autres, il fallait surtout veiller à ne pas opposer les systèmes entre eux, et ne pas céder à un mirage euphorique. «Même si on peut avoir le sentiment que la pomme de terre marche bien, il ne faut pas croire que c’est un remède miracle, a ainsi déclaré en exemple Laurent Degenne, président de la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France. On ne doit pas oublier que les producteurs de pommes de terre peuvent aussi subir des accidents et que les charges vont encore augmenter cette année par rapport à l’an dernier…» Idem en ce qui concerne le lin, comme l’a souligné Antoine Berthe : «Aujourd’hui, beaucoup de monde parle en bien du lin, mais 50 % de la récolte 2024 n’est pas encore rentré…» Pour Olivier Faict, président de la coopérative Calipso, la question à se poser est d’ores et déjà de savoir comment aider certains agriculteurs à passer le cap et financer la prochaine campagne. «Les encours de nos adhérents n’ont jamais été aussi importants. Il va falloir avoir les moyens de remettre en terre et ce n’est franchement pas gagné…»
Même au sein de la filière lait, qui connait un «mieux» depuis un certain temps, de nombreuses questions restent en suspens, comme l’a rappelé Olivier Thibaut (Sodiaal) : «D’accord, on a réussi à faire passer des hausses de prix aux acheteurs et c’est tant mieux, mais on doit continuer à travailler notre compétitivité et pour cela, il faut que l’on soit accompagné. Le législateur doit être avec nous !»
Emmanuel Noiret : «Avoir une agriculture diversifiée est une chance»
Vice-président du Département de la Somme en charge de l’agriculture, et agriculteur, Emmanuel Noiret s’est dit «inquiet» pour un certain nombre d’agriculteurs du département, en particulier «pour ceux qui ne font pas de pommes de terre, pas de lin et qui ont des animaux…» Et de reconnaître néanmoins «qu’avoir une agriculture diversifiée est une chance.» Pour l’élu départemental, lui-même éleveur, l’épizootie de FCO qui continue sa progression dans la région Hauts-de-France n’est en effet pas de nature à remonter le moral des troupes… après les épisodes d’inondations qui ont frappé le département, la moisson médiocre et autres tracasseries. Emmanuel Noiret a aussi rappelé être particulièrement concerné par la situation du fleuve Authie, considérant que malgré des travaux engagés, «il y a encore des choses à faire. On n’est pas à l’abri d’un automne et d’un hiver humide (…) J’espère sincèrement qu’à un moment donné, les agriculteurs de ce secteur vont pouvoir respirer et sortir la tête de l’eau…», a conclu le vice-président du Département.