Les clichés volés de Philippe Frutier
Philippe Frutier, photographe aérien, survole le nord de la France depuis près de vingt ans. Il nous parle de sa passion pour la photographie, mais aussi pour notre région.
«Voler au-dessus des Hauts-de-France, c’est un peu comme feuilleter un livre d’histoire et de géographie.» Philippe Frutier est photographe, pilote, mais aussi un peu poète quand il parle de sa passion. Son métier est peu banal : depuis près de vingt ans, il survole le nord de la France en ULM (planeur motorisé) et réalise des clichés de notre région de là-haut.
Fils d’agriculteurs, Philippe Frutier est né à Boiry-Saint-Martin, dans le Pas-de-Calais.
Il découvre la photographie à l’âge de vingt ans. Une découverte qui devient rapidement une passion. C’est un peu plus tard, à l’âge de trente-quatre ans, qu’il passe son brevet de pilote d’ULM, à Abbeville (80). C’est notamment le survol de la Baie de Somme, au cours de sa formation de pilote, qui lui a donné envie de photographier la région du ciel. «C’est un paysage époustouflant, confie le photographe. J’ai eu envie de le fixer et de partager ces images.»
Des paysages sublimes
Commercial dans les matériaux de construction, ce n’est qu’à trente-huit ans qu’il saute le pas pour devenir photographe professionnel. «Autour de quarante ans, il arrive parfois qu’un besoin de changement se fasse ressentir. Il s’est passé un truc dans ma tête», explique Philippe Frutier, qui pensait au départ s’offrir une parenthèse professionnelle de deux ou trois ans. vingt ans plus tard, la parenthèse dure toujours.
Quand le photographe a commencé son activité, les photos aériennes revêtaient souvent un caractère technique ou informatif. «J’ai cherché à donner une dimension artistique à ce type de photos», explique-t-il. Un pari réussi. Les paysages du Nord, du Pas-de-Calais et de Picardie apparaissent graphiques, esthétiques, colorés.
Mais cela ne s’arrête pas là : elles racontent aussi une histoire, celle d’une région en pleine mutation où s’entremêlent ville et campagne, industrie et agriculture, habitations et paysages naturels… Dans certains cas, les clichés aériens viennent sublimer le paysage modifié par la main de l’Homme : les bassins de décantation de certaines industries deviennent des œuvres abstraites et éphémères, les nœuds autoroutiers ou les lotissements offrent des graphismes étonnants.
L’agriculture constitue aussi un terrain de jeu unique pour le photographe. Philippe Frutier a d’ailleurs réalisé deux livres sur l’agriculture régionale : «Visages et paysages, agriculture en Nord - Pas-de-Calais - Picardie», édité par le groupe coopératif Advitam, et le dernier ouvrage du photographe, «Paysages design des Hauts-de-France», l’empreinte agricole vue du ciel. «Ces livres ont notamment pour objectif de montrer que les agriculteurs sont de véritables sculpteurs de paysages», explique-t-il.
Vol au-dessus des Hauts-de-France
Vallées de la Somme, de la Canche, de l’Authie, de la Lys, bocage de l’Avesnois, collines du Boulonnais, marais Audomarois… «Une variété incroyable de paysages», dont Philippe Frutier confie ne pas se lasser. «Cette grande diversité est unique !», assure le passionné, poussant même la comparaison avec la Corse qui, en dépit de ses paysages magnifiques, ne bénéficie pas, selon lui, d’un tel patchwork de couleurs et de nuances. «En fonction des saisons et de la luminosité, les paysages changent en permanence.»
Philippe Frutier affiche 4 800 heu- res de vol au compteur mais, pourtant, aucune lassitude en vue : «A chaque fois, je découvre de nouveaux paysages ou des trésors architecturaux, un château ou une ferme, que je n’avais jamais vus». Sa passion du vol et de la photographie s’est finalement muée en passion de la découverte.
Philippe Frutier publie des ouvrages (une dizaine depuis 2007), mais il travaille aussi sur commande pour de nombreux organismes en lien avec l’aménagement du territoire. Les demandes peuvent être d’ordre technique, mais aussi artistique, pour réaliser des ouvrages spécifiques ou des cadeaux d’entreprise comme les calendriers.
Concernant l’évolution du métier de photographe aérien, il se dit peu inquiet de la nouvelle concurrence des drones qui, selon lui, ne permettront jamais d’obtenir les mêmes clichés. «Il n’y a qu’en étant embarqué que l’on peut faire de telles prises de vues. Quand on décolle, on ne sait jamais à l’avance ce que l’on va faire comme photo. Ce métier nécessite d’être curieux et toujours à l’affût», conclut le photographe, qui se dit bien décidé à parcourir encore quelques années le ciel du Nord pour de nouveaux projets. Et pourquoi pas un livre consacré à l’immense richesse architecturale des fermes de la région...
Philippe Frutier en quatre dates
1958
Naissance à Boiry-Saint-Martin, dans le Pas-de-Calais.
1978
Découverte de la photographie qui devient une passion.
1992
Il passe son brevet de pilote d’ULM à 34 ans.
2007
Publication de son premier ouvrage «Le Nord-Pas-de-Calais à tire d’aile», aux éditions Degeorge.