Les coopératives fruits et légumes en quête de compétitivité
Lors de son assemblée générale à Paris fin avril, la Fédération des coopératives fruitières et légumières (Felcoop) a organisé une table ronde sur le thème
«Quel souveraineté pour les fruits et légumes ?». Elle passera par la reconquête des marchés et donc de la compétitivité, ont en substance répondu les intervenants.
Lors de son assemblée générale à Paris fin avril, la Fédération des coopératives fruitières et légumières (Felcoop) a organisé une table ronde sur le thème
«Quel souveraineté pour les fruits et légumes ?». Elle passera par la reconquête des marchés et donc de la compétitivité, ont en substance répondu les intervenants.
Si la souveraineté se détermine en partie par la notion de «maîtrise des moyens» selon la définition de Christophe David, professeur à l’Isara*, elle englobe naturellement les moyens humains, techniques, organisationnels, matériels, financiers… Elle suppose aussi une part d’autosuffisance et «de trouver une cohérence économique, sociale et environnementale», a précisé Sébastien Abis, directeur du Club Demeter, qui renvoie à une notion «de projet politique». Que faire alors quand plus de la moitié des fruits et légumes consommés sur le territoire national sont importés ? «Retrouver de la compétitivité», aujourd’hui disparue, a insisté le sénateur Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire). Or, celle-ci est pénalisée par des coûts directs et indirects élevés comme les normes et la surtransposition, des accords de libre-échanges déséquilibrés comme celui conclu en 1996 avec le Maroc («Blé contre tomates») et naturellement les distorsions de coûts de main-d’œuvre, a insisté Marc Kerangueren, président de la Sica Saint-Pol-de-Léon.
Dans un marché «hyperconcurrencé», le coût de la main-d’œuvre est 11 % inférieur en Allemagne par comparaison avec la France. En Belgique, l’écart atteint 24 % en faveur des employeurs d’Outre Quiévrain. Le différentiel atteint 36 % en Espagne, 37 % en Italie et il explose à 1 700 % au Maroc. Or, cette main-d’œuvre pèse pour «40 % à 50 %» du coût de revient d’un produit et «jusqu’à 70 % pour certains fruits», a-t-il ajouté. «Il faut pérenniser le dispositif Travailleurs occasionnels-Demandeurs d’emploi (TODE) mais pas année après année», a souligné Laurent Duplomb, favorable comme les autres intervenants à accélérer l’innovation (sélection végétale, NBT, robotique, etc.)
«Arrêter les injonctions contradictoires»
La perte de compétitivité des fruits et légumes français se mesure aussi avec les transports logistiques. Marc Kerangueren s’est insurgé contre la taxe annuelle sur les véhicules lourds de transport de marchandises (anciennement taxe à l’essieu). «Elle ne concerne que les routiers français. Pas les transporteurs étrangers. En pied de facture, cela représente 23 % de frais supplémentaires à payer», s’est-il irrité. Que dire aussi de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) dont un décret d’application d’octobre 2021 interdisait la vente de fruits et légumes frais dans des emballages plastiques**…
Pour sortir cette spirale, le sénateur Duplomb avec 146 autres sénateurs cosignataires a déposé une proposition de loi (PPL) qui entend, pour retrouver cette compétitivité perdue, «arrêter les injonctions contradictoires». Il déposera des amendements pour retirer à l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) le droit d’interdire comme elle l’a fait dernièrement avec la phosphine (sous conditions) et le S-Métolachlore. Pour que la filière fruits et légumes retrouve quelques couleurs, elle peut s’appuyer sur le plan de souveraineté (lire encadré) et sur la nécessité de «regagner la valeur de nos produits auprès des consommateurs», a plaidé Marc Kerangueren.
(*) L’Isara est une école d'ingénieurs en agronomie, agroalimentaire et environnement basée à Lyon. (**) Une disposition annulée par le Conseil d’État le 9 décembre 2022.