Les cours de l’éthanol en chute libre
Les cours de l’éthanol- carburant sur les grandes places mondiales dévissent, car le confinement réduit considérablement la consommation d’essence. Face aux prix en berne, les industriels ne vendent plus. Les usines freinent la production pour que leurs bacs ne débordent pas.
Entre le 9 et le 27 mars, le prix du mètre cube d’éthanol est passé de 620-650 € à 420 € en fob Rotterdam, soit une chute de 200 €. «Le débouché de l’éthanol-carburant pourrait se réduire jusqu’à 90 % durant la période de confinement, prévue jusqu’à fin avril», évalue Jérôme Bignon, président du SNPAA (Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA). «Le confinement touche de plein fouet l’éthanol, car il est incorporé à l’essence». Ce segment de marché des carburants «subit particulièrement l’effet du confinement parce que l’essence est principalement utilisée dans les voitures particulières», explique-t-il. «Le biodiesel n’est pas frappé aussi brutalement parce qu’il est incorporé au gazole, que consomment encore actuellement les camions», ajoute-t-il.
Le principal débouché de l’alcool a fondu aux deux-tiers
Aux prix pratiqués sur les grandes places comme Rotterdam ou Chicago, les industriels ne vendent quasiment pas. Ils ne font qu’exécuter les livraisons programmées dans les contrats antérieurs. En France, l’éthanol-carburant incorporé à l’essence représente 60 % du marché de l’alcool. Ce marché a fondu des deux tiers. Il ne représente plus que 20 % du marché de l’alcool. Du coup, les industriels font tourner leurs usines uniquement pour assurer la commercialisation ralentie et pour remplir les stocks. Mais une fois les cuves pleines, ils arrêtent la production ou du moins la maintiennent à un rythme très bas.
Les autres débouchés de l’alcool, qui représentent 40 % en temps normal, peuvent-ils combler le vide laissé par l’éthanol-carburant ?
«Même si la production de gel hydroalcoolique absorbe 10 % de l’alcool au lieu de 1 % habituellement, cela ne suffira pas à remplacer le principal débouché, qui est celui du carburant. D’ailleurs le débouché de l’alcool hors éthanol-carburant n’augmente pas : certes la production de gel hydroalcoolique a été multipliée par 5, mais la production de parfums et de spiritueux régresse du fait de la fermeture des magasins et des restaurants», indique Sylvain Demoures, secrétaire général du SNPAA.
Les débouchés de l’alcool en dehors de la carburation sont la pharmacie, la parfumerie, l’industrie des spiritueux, la vinaigrerie, l’industrie chimique pour la fabrication de solvants, d’antigel, de liquide pour essuie-glaces. Ces débouchés spécifiques valorisent un peu mieux que l’éthanol-carburant la matière première qu’est l’alcool parce qu’ils font appel à des fabrications plus sophistiquées, avec des distillations plus poussées, précise Sylvain Demoures.
La filière demande des mesures de sauvegarde
La crise du Coronavirus plombe les débouchés du bioéthanol. La consommation d’essence par les automobilistes français a plongé de plus de 75 % avec le confinement, sans parler de l’effondrement du prix du pétrole qui rend le bioéthanol moins compétitif. Ce qui place les producteurs d’éthanol dans une situation très critique de surproduction et de besoins de stockage. Une situation que l’on retrouve partout dans le monde, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis qui contrôlent 50 % de la production mondiale et au Brésil (30 % de la production mondiale) qui pourraient s’en débarrasser à vil prix. La filière bioéthanol française prévoit une arrivée massive d’éthanol en provenance de ces deux pays, à brève échéance. C’est la raison pour laquelle l’AGPB, l’AGPM, la CGB ainsi que le SNPAA (le syndicat des producteurs d’alcool (SNPAA) demandent que l’Union européenne mette en place immédiatement des mesures de sauvegarde efficaces face à ces importations d’éthanol et en appelle au Gouvernement français pour soutenir cette démarche.