Les dérobées estivales, une adaptation au changement climatique ?
Face au changement climatique et à la baisse de production des prairies, Arvalis-Institut du végétal fait part de ses réflexions et expérimentations en cours pour mensurer l’intérêt des différentes espèces pouvant être conduites en dérobées.
Face au changement climatique et à la baisse de production des prairies, Arvalis-Institut du végétal fait part de ses réflexions et expérimentations en cours pour mensurer l’intérêt des différentes espèces pouvant être conduites en dérobées.
«Si l’on regarde l’évolution des températures estivales et le déficit hydrique sur ces dernières années, on constate que ces situations d’étés chauds et secs se succèdent et s’accentuent. Il en résulte un déficit de production des prairies qui touche trois quarts des régions françaises», annonce d’emblée Didier Deleau, ingénieur régionale fourrages Arvalis.
Les dérobées estivales peuvent être une solution à ce déficit fourrager et elles visent à produire un maximum de biomasse en un minimum de temps. Elles sont récoltées ou pâturées par les animaux, contrairement aux Cipan qui ne sont pas récoltées et mises en place pour des raisons agronomiques, en l’occurrence la lutte contre le lessivage de l’azote.
Plus largement, l’objectif des dérobées est de sécuriser la production de fourrages, d’augmenter l’autonomie alimentaire des élevages (dérobées récoltées et stockées) et de valoriser les ressources de l’exploitation : pâturage, enrubannage, ensilage ou même affouragement en vert.
La durée de vie de ces dérobées est variable selon la durée de l’interculture : courte avant les semis de céréales d’hiver, longue avant un maïs, par exemple. Dans le premier cas, leur durée de vie est inférieure à 100 jours, sinon, elles se maintiennent jusqu’au printemps si elles ne sont pas gélives.
La date de semis de ces dérobées dépend de leur composition du couvert et des familles choisies. Par exemple, les légumineuses ont besoin de lumière pour se développer et seront semées tôt. Les graminées offrent plus de latitude dans les dates de semis. Tout dépend de la durée de végétation des espèces.
Le risque le plus grand est de ne pas bénéficier de pluies, auquel cas il vaut mieux semer tôt. Les crucifères germent et ne sont pas sensibles aux températures. Au contraire, les légumineuses ont une croissance lente et craignent la chaleur. Les graminées sont les plus sensibles aux conditions sèches.
Conduite des dérobées
L’implantation est une étape décisive. Selon Régis Deleau, il conviendra de privilégier le non labour (sauf en cas de rémanence de produit herbicide) : semis direct et travail du sol superficiel après exportation des pailles précédentes ou broyage très fin. L’idéal est de procéder au plus près d’une pluie (15 à 20 mm) et d’adapter la profondeur de semis à la taille des graines : 1 cm pour les petites graines comme les crucifères, les graminées, le trèfle et jusqu’à 2-3 cm pour les graines volumineuses comme les vesces, par exemple. Dans tous les cas, il faut rappuyer le lit de semences en roulant pour assurer un bon contact graine-sol.
Une fois semées, les dérobées peuvent être fertilisées si la directive nitrates de la région le permet et si le reliquat azoté du sol est faible. Il faudra en tout cas prendre en compte les exportations en potasse de la dérobée pour la culture suivante. Généralement, les dérobées ne reçoivent aucun produit phytosanitaire, tout au plus un faux semis est réalisé avant l’implantation si cela a été possible. En tout cas, on compte sur le pouvoir couvrant des graines semées et sur l’exploitation du couvert pour limiter les adventices. Quant au choix des espèces, il dépendra de la valorisation envisagée, de la rotation (éviter de favoriser les bio-agresseurs) et du coût de la semence.
Résultats
Pour des semis au 30 août et une récolte au bout de soixante-quinze jours, répétés sur douze années, les essais donnent des résultats variables, pouvant aller jusqu’à 3,5 t MS/ha, avec un seuil de rentabilité estimé à 2 t MS/ha. Seules les crucifères et les mélanges arrivent régulièrement aux meilleurs résultats.
Pour ce qui est de la valeur alimentaire, le RGI, le colza et le trèfle incarnant apportent de l’azote et de l’énergie dans des proportions intéressantes. Ces valeurs dépendent aussi du stade de récolte et il convient d’être prudent en cas de végétaux jeunes pâturés pouvant provoquer une acidose.
Enfin, le coût de ces dérobées estivales dépend des variétés semées. Les graminées restent les moins onéreuses.
En conclusion, les dérobées estivales doivent être implantées au plus tôt et les mélanges graminées-légumineuses sont celles qui donnent les meilleurs résultats, renforçant l’autonomie protéique des élevages. Les couverts peuvent être pâturés à l’automne, ce qui préserve les stocks pour l’hier. Mais l’évolution du climat obligera à avoir des espèces qui s’accommodent à la chaleur et à la sécheresse.