Les éleveurs veulent vivre de leur métier
Mercredi 27 janvier, la FDSEA et les JA de la Somme organisaient une conférence de presse sur l’exploitation de Nicolas Patte, à Domart-en-Ponthieu, pour alerter l’opinion sur la dégradation économique des éleveurs.
Ils n’ont qu’une seule envie : que l’esprit de projet souffle de nouveau sur leur filière. «Il faut qu’on arrête de travailler les peurs et que l’on se mobilise sur des projets, car les enjeux sont de taille, tant pour l’emploi que pour nos campagnes. On ne veut pas que celles-ci se vident de vaches, de prairies fourragères et d’emplois», déclare la présidente de la FDSEA de la Somme, Françoise Crété.
L’heure est grave. Depuis le début de l’année 2015, la crise laitière s’est accentuée en raison de l’embargo russe et de la baisse des importations chinoises. Les prix du lait ont chuté. L’impact a été tout aussi fort dans la filière porcine. «On a tout fait pour essayer de garder un maximum d’éleveurs sur nos territoires, avec des exploitations familiales et compétitives. On a fait aussi des efforts sanitaires. Mais comme les prix n’ont de cesse de chuter, cela ne passe plus», commente la présidente.
Aujourd’hui, les 900 exploitations laitières tirent le diable par la queue et, chaque année, certaines disparaissent. En 2015, une cinquantaine a jeté l’éponge, et la tendance devrait s’aggraver en 2016. «Derrière ces exploitations, il y a un outil industriel qui finira par être déstabilisé si la tendance se poursuit. On va se retrouver dans la même situation que l’industrie textile, qui a disparu chez nous et dont les produits sont tous étrangers», ajoute Denis Delattre, secrétaire général de la FDSEA. «Et, à notre porte, il y a des pays qui sont prêts à faire à notre place. Notre métier vaut le coup. Il faut le sauver», complète Françoise Crété.
Comment sauver l’élevage
La solution pour sortir de la crise ne peut se résumer au Plan de soutien de l’élevage. «Quand l’aide est arrivée dans les fermes, c’était insuffisant. Cela représente à peu près 500 euros par exploitation (répartis entre les 200 000 fermes d’élevage françaises), soit moins que ce que nous perdons chaque semaine. Quant aux 195 millions d’euros supplémentaires annoncés par le ministre de l’Agriculture, le 26 janvier, ce n’est que du saupoudrage et un contre-feu médiatique. Ce ne sont pas des aides que l’on veut, mais que chacun prenne ses responsabilités», déclare-t-elle.
Et d’appeler les pouvoirs publics à prendre des mesures drastiques face à la grande distribution qui livre une guerre des prix sans merci, tuant à petit feu les éleveurs laitiers. Comment ? Par la refonte d’une régulation publique des marchés laitiers avec une protection des producteurs. «Il faut vraiment que le ministère s’engage sur un prix minimum correspondant à nos coûts de production», réclame Françoise Crété.
Autre point relevant de la responsabilité de l’Etat, et demandé par la profession : l’arrêt de toute nouvelle norme et réglementation non justifiée. «Nous n’avons plus les moyens financiers de faire face à des normes qui changent tout le temps et qui nous obligent à des constructions inutiles. Il faut que le danger soit avéré pour imposer de nouvelles normes», insiste-t-elle.
Dernier point ou premier, la revalorisation du prix du lait, «à un niveau quasi-indolore pour le consommateur, mais salvateur pour les éleveurs», précise-t-elle. Actuellement, le prix du litre payé aux éleveurs est de 27 centimes d’euro, «c’est le prix de l’eau minérale». Et de poursuivre : «Le kilo de viande bovine sort de nos fermes entre deux et trois euros, c’est le prix d’un café en brasserie. Le kilo de cochon flirte avec la barre d’un euro, c’est le prix d’un jeu à gratter. Ces prix, vous le savez, sont sans commune mesure avec ceux auxquels vous achetez nos produits frais ou transformés», s’insurge-t-elle. Et si ces prix durent encore quelques semaines, les éleveurs ne pourront pas résister longtemps. «Avec une revalorisation de dix centimes, on pourra tenir», dit-elle. Point d’aumône, mais un juste prix pour que les éleveurs puissent vivre de leur métier.
L’appel est lancé. Pour l’heure, «nous ne voulons pas repartir sur des actions dures, mais si rien n’est fait sur ces trois points, ce sera inévitable. Si certains jettent l’éponge, d’autres n’attendent qu’un mot pour bouger, et on ne les tiendra pas», prévient Denis Delattre. D’ores et déjà, le président de l’UPLP, Olivier Thibaut, a annoncé des visites dans les grandes surfaces pour un relevé des prix, dans les prochains jours. «Les actions pourraient se durcir, ça risque même de chauffer dur», ajoute-t-il. Tel n’est pas leur souhait premier, mais ils ne reculeront pas si chacun ne prend pas ses responsabilités.
Voir la lettre ouverte aux Picards