Les grandes cultures négocient leur intégration à l’ecoscheme
Les discussions pour faire entrer les grandes cultures dans le dispositif d’aides européennes «ecoscheme» du premier pilier de la Pac se poursuivent. À la clé, des aides à l’hectare supplémentaires, mais peut être aussi un engagement dans une démarche de certification environnementale.
Les discussions pour faire entrer les grandes cultures dans le dispositif d’aides européennes «ecoscheme» du premier pilier de la Pac se poursuivent. À la clé, des aides à l’hectare supplémentaires, mais peut être aussi un engagement dans une démarche de certification environnementale.
Nouvel outil de la future Pac pour la rendre plus «verte», l’ecoscheme pourrait bien priver les céréaliers de France d’une part des aides à l’hectare qu’ils perçoivent jusqu’à présent s’ils ne s’engagent pas dans un virage : celui du changement de leurs pratiques, mais surtout la démonstration que cela est à leur portée. Ce risque, c’est celui qu’a brandi Éric Thirouin, le président de l’AGPB, lors d’une réunion décentralisée dans les Hauts-de-France, le
4 février dernier où il était aussi question du plan pollinisateurs, de la réautorisation temporaire des NNI pour la betterave et ses conséquences sur les rotations, la négociation (en cours) de la future Pac ou encore le futur des grandes cultures. Plus particulièrement en ce qui concerne la Pac, force est de constater que les deux précédentes réformes, «les grandes cultures ont été les victimes des réajustements françaises dans la distribution des aides», a rappelé M. Thirouin. Et d’ajouter que «ces réformes ont été destructrices pour les grandes cultures et l’élevage laitier de plaine». À l’aube d’une nouvelle mouture pour la Pac intégrant le dispositif ecoscheme, la filière grandes cultures craint d’en être exclue, même si les négociations avec l’État français se poursuivent pour qu’il en soit autrement. Alors qu’en 2020, les aides du 1er pilier comprenant le DPB, le paiement vert, le paiement redistributif et les aides couplées portent le montant d’aide pour un hectare de grandes cultures à 225 €, celui-ci pourrait «descendre» à 152 € par hectare en 2027 sans le dispositif ecoscheme. En revanche, si les grandes cultures étaient déclarées éligibles, l’aide à l’hectare atteindrait 227 €, dont 75 € liés à l’ecoscheme.
Être certifié pour gagner plus
L’engagement dans une démarche de certification environnementale changerait-il la donne ? C’est en tous cas ce qu’estime l’AGPB. Selon l’organisation syndicale, une certification HVE de niveau 2 devrait en effet suffire à automatiser l’accès d’exploitations de grandes cultures à l’ecoscheme, et leur permettrait ainsi de bénéficier des 75 € par hectare d’aides liées. Quid enfin des exploitations certifiées HVE de niveau 3 ? «Avec ce niveau de certification, on passe à autre chose, indique Éric Thirouin. C’est le marché qui doit valoriser la certification HVE 3, même s’il y a une pression forte du ministère de la Transition écologique et de certaines ONG pour en faire un critère d’accès à l’ecoscheme.»
Pour certains agriculteurs, à l’image de Marie-Françoise Lepers, «il ne faut pas de contraintes supplémentaires s’il n’y a pas de rémunération à hauteur des charges». En ce qui concerne la charge que représente justement la démarche de certification environnementale, Éric Thirouin veut rassurer : «Le coût d’une certification HVE est compris entre 450 et 500 €, mais le coût peut baisser autour de 200-300 € pour trois ans par exploitation si on le fait en groupe par le biais d’une coopérative, par exemple.» Pour le président de l’AGPB, ce coût de certification doit aussi être mis en compétition avec la perspective de perdre les 75 € par hectare de l’ecoscheme. «Ce n’est pas zéro, c’est vrai, admet M. Thirouin. Mais cela en vaut la peine.»
Montrer les efforts et mieux valoriser
Au-delà de la volonté de ne pas passer à côté de l’ecoscheme, s’engager dans une démarche de certification aurait aussi un autre sens : «C’est la preuve que l’on fait des efforts pour changer nos pratiques et que nous y arrivons. Grâce à cela, on peut aller voir l’aval pour demander une meilleure valorisation. On devient alors pro-actif pour aller chercher de la valeur ajoutée.» Pour le président de l’AGPB, confronté comme d’autres responsables professionnels d’autres filières, la question de la plus-value liée à la certification revient inévitablement comme un boomerang. Sa réponse est invariable : «Si l’on veut de la valeur ajoutée, il faut de la différenciation.» Parmi les autres pistes évoquées pour «capter» cette valeur ajoutée, la filière des grandes cultures pourrait également être tentée de s’intéresser aux crédits carbone ; en s’inspirant des expériences déjà engagées par le secteur… de l’élevage.