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Les Marié font rimer leurs bières avec saveurs et histoires locales

François et Marie-Laure Marié ont décroché la médaille d’argent au Concours agricole du SIA 2016 pour leur bière «La Princesse des marais». Histoire de la résurrection d’une brasserie familiale, éteinte depuis 1880, à Domart-en-Ponthieu.

© AAP



Blanche, brune, blonde, ambrée, noire ou cervoise… François et Marie-Laure les aiment toutes. Normal, me direz-vous, ils sont brasseurs. Outre la bière qu’ils affectionnent, ils ont pour autres points communs la passion de la terre, transmise par leurs parents agriculteurs, une créativité incroyable, le goût du partage, celui de l’histoire, tant la grande que la petite. Comme leurs bières aux saveurs multiples et insolites, leurs talents associés sont à l’origine de la Brasserie de la Somme.
Mais avant de ressusciter la brasserie familiale de Domart-en-Ponthieu, François et Marie-Laure ont connu plusieurs vies. Après un BTS forestier, puis des études à l’Ihedrea, François devient fonctionnaire territorial au Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande. Passionné de droit et de paysages, il enchaîne avec un DESS de gestion des administrations des collectivités territoriales et un DEA sur la sociologie des paysages. Ne se voyant pas cependant continuer dans les collectivités territoriales, il s’installe à son compte comme architecte paysagiste, en Seine-Maritime.
Après des études de commerce, Marie-Laure fait ses premières armes dans un groupe de petites entreprises spécialisées en mécanique, puis dans une multinationale, avant de jeter l’éponge, de préparer un BTS de productions horticoles, et de s’installer comme pépiniériste pour cultiver des plantes vivaces. Le départ en retraite des parents de François pousse le couple à venir s’installer en 2001 dans le corps de ferme, à Domart-en-Ponthieu. Chacun poursuit ses activités respectives. Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu’en septembre 2008, date de la crise économique mondiale, à laquelle la France n’échappe pas.

Un nouveau chemin sur les traces du passé
Travaillant essentiellement avec les collectivités territoriales, François voit son carnet de commandes fondre comme neige au soleil. Que faire ? Attendre des jours meilleurs ? Pourquoi pas ? Mais plutôt que de laisser filer le temps, il profite de l’hiver pour se former au métier de brasseur. Une idée qui lui est venue en retrouvant de vieux livres de comptes qui lui révèlent que sa famille tenait en son temps une brasserie, ce qu’il ne savait pas, ayant toujours cru que ses ancêtres étaient tous agriculteurs. L’idée est d’autant plus séduisante que cela peut être aussi l’occasion de mettre en valeur le patrimoine architectural de la ferme. «Ce qui l’a passionné d’entrée dans la formation qu’il suivait, c’est la fabrication de la bière, plus encore comment faire autrement», raconte Marie-Laure.
Sa première bière, il la fabrique lors de sa formation. Sa mission ? Brasser 250 litres. Marie-Laure lui conseille de faire une bonne bière, différente en goût de celles que l’on trouve sur le marché, et plutôt ambrée que blonde pour se distinguer. Il relève le défi et invente de toutes pièces sa recette. Comme cette bière a du caractère, le couple la baptise Germinette, le surnom affectueux qu’il donne à leur aînée. Reste l’étape cruciale : la faire goûter au plus grand nombre. Un spectacle en plein air organisé alors dans leur village va leur en offrir l’occasion. «Tous l’ont aimée. C’est d’ailleurs encore aujourd’hui la bière la plus vendue de notre gamme», précise Marie-Laure.
Germinette aura par la suite plein de petites soeurs : Tulipe, Trio D’Vie, Margaux, Hop So Bio, La Princesse des marais… Derrière chacun de ces noms se cachent des références soit aux prénoms de leurs filles, soit au jazz, soit à l’histoire locale, soit à des lieux.
D’entrée de jeu, leur projet est de monter une gamme de plusieurs bières. Plus de cinquante bières seront créées en six ans, certains essais aboutissant, d’autres pas. A la gamme courante de bières artisanales et fermières (François malte une partie de la production, ndlr), s’ajoutent des bières personnalisées. «Très vite, raconte Marie-Laure, on a pensé à faire des recettes particulières pour des gens. Ceux-ci emmènent une idée ou leur ingrédient. Nous, on fait la bière, et eux la vendent.»

Circuits courts, bière et culture
«François a mille idées à l’heure. Commercialement, avoir une gamme aussi étendue n’est pas toujours très stratégique, mais il est difficile d’arrêter quelqu’un qui a envie de créer», dit Marie-Laure, admirative par ailleurs de l’inventivité constante de son époux. A lui la fabrication, à elle la culture de l’orge et du houblon, ainsi que la commercialisation. Fervents amoureux de leur terre et défenseur de la ruralité locale, le couple privilégie les circuits courts. Une partie de la vente se fait à même la ferme, l’autre par des revendeurs locaux. «Nous avons toujours favorisé les circuits courts, car nous croyons au développement sur un territoire, et c’est bien plus riche sur le plan humain, même si c’est beaucoup d’énergie déployée en termes de temps», dit-elle. C’est pour cela aussi qu’ils ont rejoint Bienvenue à la Ferme, Baie de Somme zéro carbone…
Et parce que chaque bière a son histoire ancrée dans le territoire, ils la racontent chaque premier samedi du mois en ouvrant leurs portes, puis en faisant goûter leurs créations. Comme tous deux sont aussi passionnés de culture - François fait du théâtre, Marie-Laure du saxophone - ils aiment faire mousser la bière à la culture, en organisant une soirée jazz à la brasserie par an, en accueillant du théâtre et d’autres manifestations culturelles. Santé !

Brasserie de la Somme

- Producteurs d’orge et de houblon sur 3,8 ha
- Production annuelle de 650 000 litres de bières
- Création d’une quinzaine de bières artisanales et fermières de gamme courante et d’une bonne vingtaine de bières personnalisées

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