Les plans stratégiques de la Pac post-2020
La commission de l’Agriculture du Parlement européen a adopté le 2 avril son projet de rapport sur les plans stratégiques de la future Pac.
Le vote s’est finalement plutôt bien passé : les compromis négociés en amont ont été facilement validés, et la séance marathon prévue n’a en définitive duré qu’une matinée. Les eurodéputés de la commission de l’Agriculture du Parlement européen ont donc adopté, les 1er et 2 avril, à Bruxelles, leurs projets de position sur deux des trois volets des propositions de la Commission européenne pour la future Pac, les plans stratégiques et l’OCM unique. Ils devaient encore se prononcer, le 8 avril, sur le règlement horizontal (financement, gestion et contrôles).
Mais ce consensus tient en partie au faible enjeu du scrutin. L’avenir du texte qui en est sorti reste, en effet, bien incertain en l’absence de vote en séance plénière avant les élections européennes. En effet, rien ne garantit à ce stade que la prochaine Assemblée, qui prendra ses fonctions à l’issue des élections européennes du mois de mai, adoptera en l’état la position de la commission de l’Agriculture. Les nouveaux élus pourraient tout aussi bien reprendre une partie des discussions avant de soumettre leur projet à la plénière.
Entrée en vigueur en 2022
Difficile également pour le Parlement européen de prendre position en l’absence de certitude concernant le budget de la future Pac. La Commission européenne a proposé de consacrer 365 milliards d’euros du cadre financier pluriannuel 2021-2027 (soit 28,5 %) à cette politique. Les eurodéputés demandent donc, en préalable, dans leur projet de position, le maintien du budget de la Pac à son niveau actuel en termes réels.
Sur le principal volet de cette réforme, les plans stratégiques, la commission de l’Agriculture a donc adopté sans heurts, le 2 avril, son projet de rapport par vingt-sept voix contre dix-sept et une abstention. Un soutien confortable, malgré le fait que le groupe des sociaux-démocrates ait voté en ordre dispersé (six contre et quatre pour). Anticipant le retard que risquent de prendre les négociations au Parlement européen dans un premier temps, puis avec le Conseil dans un second, les parlementaires se sont prononcés en faveur d’un report d’un an, en 2022, de l’introduction du nouveau dispositif.
Le texte propose une définition de l’agriculteur actif, dont les contours précis sont laissés à la discrétion des Etats membres, et qui met l’accent sur l’idée de conserver le modèle agricole familial. La définition des pâturages permanents reprend celle du règlement «Omnibus» et une définition des «nouveaux agriculteurs» est introduite, leur permettant de recevoir une aide pour l’installation dans le cadre du développement rural.
Répartition des fonds
Afin de garantir un caractère commun aux plans nationaux, que les Etats membres vont être appelés à mettre en place, les eurodéputés proposent qu’au moins 60 % de l’enveloppe du premier pilier soient destinés au soutien du revenu de base et au paiement redistributif (prime aux premiers hectares des exploitations) qui, lui, serait fixé à 5 % au minimum. Au moins 20 % du premier pilier devraient être alloués aux nouveaux éco-programmes pour le climat, l’environnement et le bien-être des animaux. Ces éco-programmes devront obligatoirement être proposés par les Etats aux agriculteurs qui pourront, sur une base volontaire, les mettre en œuvre moyennant un soutien supplémentaire.
Comme le propose la Commission européenne, le rapport parlementaire fixe au maximum à 10 % l’enveloppe pouvant être allouée au soutien couplé, plus 2 % pour les protéagineux. La Belgique, la Finlande et le Portugal pourraient continuer de bénéficier d’une dérogation, qui leur permettrait de maintenir les niveaux appliqués en 2018. Au moins 2 % devraient également être consacrés aux jeunes agriculteurs dans le cadre du premier pilier pendant une période de sept ans (au lieu de cinq ans). Enfin, jusqu’à 3 % des enveloppes nationales pourront être dédiés aux programmes sectoriels spécifiques.
Pour ces paiements directs, les eurodéputés prévoient un plafonnement à 100 000 e après déduction de l’aide aux éco-programmes, aux jeunes agriculteurs et de 50 % des salaires déclarés, à moins que les Etats membres ne mettent en œuvre un paiement redistributif de 10 %.
Un amendement de compromis alternatif, porté par les Verts et la Gauche unitaire européenne sur la convergence des aides, a obtenu, de justesse, le soutien des eurodéputés, qui se prononcent donc pour une convergence totale des niveaux de soutien à l’hectare, au niveau national ou régional, d’ici 2026.
Conditionnalité allégée
Les parlementaires ont également allégé les exigences de la conditionnalité renforcée des aides en éliminant deux obligations que propose d’introduire la Commission européenne : l’utilisation d’un outil pour la gestion durable des nutriments et un pourcentage minimum de surfaces d’intérêt écologique non productives.
De plus, la commission parlementaire, dans un but de simplification, ouvre la possibilité pour les Etats membres de proposer des mesures équivalentes à la conditionnalité, exempte les régions ultrapériphériques de l’application de certaines règles, et souhaite que l’agriculture biologique soit considérée comme conforme aux exigences de conditionnalité par défaut. Les eurodéputés justifient ces choix par leur volonté de donner aux Etats membres une plus grande marge de manœuvre dans le cadre des programmes écologiques, conformément à l’objectif d’une architecture verte plus incitative que punitive.
Développement rural
Le rapport parlementaire plaide pour une limitation à 15 % des transferts financiers du 1er vers le 2e pilier et de 5 % du 2e vers le 1er pilier. Une exception serait accordée à la Croatie, à la Pologne, à la Hongrie et à la Slovaquie, qui pourraient transférer jusqu’à 15 % des fonds du 2e vers le 1er pilier, à condition que 5 % soient consacrés aux éco-programmes.
Sur le développement rural, le projet de position propose un objectif de 30 % des fonds pour les objectifs environnementaux (y compris les zones défavorisées) et de 30 % également pour les outils d’investissement et de gestion des risques. Les députés souhaitent aussi que les Etats membres fassent usage des fonds destinés au développement rural pour soutenir des actions spécifiques visant à promouvoir une meilleure inclusion des femmes dans les économies rurales.
Gestion des crises et OP
Les eurodéputés ont élargi la liste des produits pouvant être mis à l’intervention publique au sucre, à la viande ovine (du fait du Brexit), porcine et de volaille. Plus controversé, les parlementaires ont ajouté des mesures pour renforcer les outils de gestion de crise avec un système d’alerte précoce en cas de perturbation des marchés et un programme de réduction volontaire de la production. Enfin, ils souhaitent une clarification des règles de la concurrence afin d’encourager davantage les organisations de producteurs.
Une dernière étape restait à franchir, avec le vote prévu le 8 avril sur le règlement horizontal, dont les points les plus problématiques sont les rapports annuels de suivi de la performance et la constitution de la réserve agricole de crise.