Action syndicale
Les «présumés coupables» déversent leur colère devant l’administration
Ce 4 décembre, les agriculteurs membres des FDSEA et des JA se sont mobilisés devant la cité administrative d’Amiens. N’acceptant plus d’être «présumés coupables», ils contestaient l’état d’esprit de certains corps de contrôle, et la surcharge administrative qu’ils subissent.
Ce 4 décembre, les agriculteurs membres des FDSEA et des JA se sont mobilisés devant la cité administrative d’Amiens. N’acceptant plus d’être «présumés coupables», ils contestaient l’état d’esprit de certains corps de contrôle, et la surcharge administrative qu’ils subissent.
Un bureau qui croule sous les dossiers, et un énorme tas de fumier signe du ras-le-bol. L’image parlait d’elle-même, ce 4 décembre, devant la cité administrative d’Amiens. Les agriculteurs membres des FDSEA et des JA s’y étaient donnés rendez-vous pour scander leurs revendications, principalement la surcharge administrative qu’ils subissent et l’état d’esprit de certains corps de contrôle.
«Cela fait des mois que nous réclamons de la simplification. Or, on nous en demande toujours plus. On croule sous la paperasse ! Et on met un temps fou à nous répondre, on fait traîner nos dossiers…», résume Marie-Françoise Lepers, secrétaire générale de la FRSEA. Une première réponse a été apportée par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, avec une série de propositions de simplifications. Une avancée que les FDSEA et les JA saluent, mais ils souhaitent, «en voir la déclinaison concrète dans les fermes». «Comme premier acte de simplification, nous demandons de travailler immédiatement à la simplification de la directive nitrates en vigueur depuis le 1er aout, qui est incompréhensible et inapplicable dans sa nouvelle version», ajoute Marie-Françoise Lepers.
Du respect
La responsable cite aussi les accrochages avec l’ASP (Agence de services et de paiements). «Elle fait des vérifications en dernier recours et peu bloquer les dossiers, alors même que les administrations compétentes ont donné l’autorisation du paiement. Ça peut engendrer de grosses problématiques de trésorerie dans les exploitations.»
Plus largement, les agriculteurs souhaitent que l’état d’esprit de l’administration à leur égard change. «Pour le contrôleur, l’agriculteur est toujours présumé coupable. C’est intolérable. Nous voulons des contrôles dans le respect de chacun, et dans le respect des périodes de travail. Un contrôle en plein chantier de récolte n’est pas possible.»
La mobilisation des agriculteurs en nombre a en tout cas permis une prise de conscience de l'administration.
Suradministration : la colère est sortie
Deux salles, deux ambiances. À quelques mètres de la centaine d’agriculteurs et de la cinquantaine de tracteurs, à l’intérieur de la cité administrative, la salle était aussi glaciale que pleine pour une séance de travail, dans laquelle les administrations étaient venues en masse. Plus de cinquante cas concrets d’agriculteurs en souffrance d’aide depuis parfois 2022 remontés, pour des montants, parfois supérieurs à 100 000 €, passés en revue point par point avec l’’ASP, DDTM, DDPP, Conseil régional, OFB... Six heures continues de joute, pour au final un résultat en demi-teinte : enfin, un engagement de paiement des soldes de MAE 2023, qui seront versées au plus tard en janvier, et peut-être fin décembre.
Autre dossier qui a progressé, celui du chanvre, et des producteurs pénalisés à défaut d’avoir conservé toutes les étiquettes de tous les sacs après semis, car l’État veut toute garantie sur l’usage des semences et la nature du chanvre dans les parcelles entre le chanvre textile et le chanvre récréatif (le satellite ne faisant pas la différence, c’est retour au moyen-âge pour les agriculteurs). Une surprise au passage, les certificats d’export en volaille ne sont pas gérés de la même façon d’une DDPP à l’autre. Puis les dossiers dans l’impasse administrative, pour un tampon, une date de signature, un alinéa d’instruction technique, des «bugs» informatiques d’un logiciel qui fait disparaître des associés, des linéaires de haie ou des surfaces… La situation s’est crispée et l’entêtement des interlocuteurs a fait sortir de leurs gonds les représentants de la profession… Ambiance donc glaciale qu’a tenté d’apaiser le Préfet de Région, en proposant de reprendre les dossiers en suspens, avec les administrations concernées et les éléments remontés ce jour, dans le cadre de la déclinaison des Missions interservices de l’agriculture (MISA) instaurées par la ministre Annie Génevard, le 31 octobre dernier.
Alors que la réunion n’éternisait (pour ne pas dire s’enlisait), les jets d’œufs qui ont claqué sur les fenêtres de la salle ont fait leur effet pour mettre concrètement la pression, et réveiller un peu les protagonistes. Et c’est somme toute dans une atmosphère d’impatience, mais de responsabilité et de respect des biens et des personnes que les manifestants ont attendu le compte rendu des échanges. Il a été fait par Denis Bully, président de la FDSEA de la Somme, puis Simon Ammeux, président de la FRSEA Hauts-de-France, en remerciant chaleureusement les participants qui se sont mobilisés. «L'objectif était de faire avancer des dossiers individuels (pour des paiements non effectués par exemple) avec autour de la table l'ensemble des administrations régionales concernées. Une cinquantaine de dossiers ont été parcourus. Certains ont obtenu des réponses, pour d'autres rien ne bouge, et pour d'autres, on n'est pas satisfaits de la réponse apportée. Les préfets se sont engagés à des rendez-vous mensuels de travail, et pour les dossiers n'ayant pas obtenu de réponses satisfaisantes, nous posons une clause de revoyure avant Noël.» À voir s’il y aura du concret au pied des sapins.
F. M.